Last posts on Écriture2024-03-29T08:50:37+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/Écriture/atom.xmlGOUTTES D'EAUhttp://gouttesdo.hautetfort.com/about.htmlAccordaillestag:gouttesdo.hautetfort.com,2014-04-26:53560402014-04-26T18:37:00+02:002014-04-26T18:37:00+02:00 Normal 0 0 1 369 2106 17 4 2586 11.1539...
<p><!--[if gte mso 9]><xml> <o:DocumentProperties> <o:Template>Normal</o:Template> <o:Revision>0</o:Revision> <o:TotalTime>0</o:TotalTime> <o:Pages>1</o:Pages> <o:Words>369</o:Words> <o:Characters>2106</o:Characters> <o:Lines>17</o:Lines> <o:Paragraphs>4</o:Paragraphs> <o:CharactersWithSpaces>2586</o:CharactersWithSpaces> <o:Version>11.1539</o:Version> </o:DocumentProperties> <o:OfficeDocumentSettings> <o:AllowPNG/> </o:OfficeDocumentSettings></xml><![endif]--><!--[if gte mso 9]><xml> <w:WordDocument> <w:Zoom>0</w:Zoom> <w:DoNotShowRevisions/> <w:DoNotPrintRevisions/> <w:HyphenationZone>21</w:HyphenationZone> <w:DisplayHorizontalDrawingGridEvery>0</w:DisplayHorizontalDrawingGridEvery> <w:DisplayVerticalDrawingGridEvery>0</w:DisplayVerticalDrawingGridEvery> <w:UseMarginsForDrawingGridOrigin/> </w:WordDocument></xml><![endif]--> <!--StartFragment--></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;" align="center"><span class="Apple-style-span" style="line-height: 16px;"><span style="color: red;"> <span style="color: #000080;">D</span></span>ésir brûlant des<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>regards fixés sur mes formes élégantes. Dérangeant et excitant,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>serais-je<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>à la hauteur? Je me sens si fébrile parfois,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> consumée par<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>l’envie<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>ardente de sentir vos appétits fondre sur moi,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> et me glisser jusqu’au confluent de vos<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>mains enlacées, d’y butiner l’éclat des feux qui vous dévorent. Dangereuse convoitise, balancier infernal des battements du cœur.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.45pt; line-height: 150%;"><span style="color: #000080;">É</span>ternelle énergie,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> prodiguée sans même bouger un doigt.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>J’aurais préféré, n’en doutez pas,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> rester cachée dans mon antre,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> à l’abri de<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>la contamination concupiscente: dès lors qu’ils pensent à moi, Eux me considèrent suffisante, Elles me voudraient plus conséquente. Une stratégie éprouvée me pousse à leur opposer une indifférence de marbre. Je tente alors d’arborer une mine de plomb, je fais semblant d’avoir un cœur de pierre. Pourtant,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> une fierté sans pareille coule dans mes veines et<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>je mets en valeur la finesse de ma taille et tous mes atours.</p><p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.45pt; line-height: 150%;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span><span style="color: #000080;">S</span>éduction éphémère,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> hélas, une seconde de gloire, c’est toute la satisfaction au regard de ma réputation.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Ma présence devrait suffire à<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>apaiser tant de soupirs.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Ensemble, ils m’affichent mutuelle reddition à l’hymen éternel. Le secret de mon exposition repose sur les facettes de mes talents, réanimateurs habiles d’ardeurs chancelantes.</p><p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.45pt; line-height: 150%;"><span style="color: #000080;">I</span>mmanquablement, vient le temps de l’ambivalence.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>J’étais irrésistible,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> je deviens infirmière d’amours exsangues<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>puis geôlière.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Les pulsions initiales<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>dont j’étais si brillamment parée sont<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>désormais banales, puis<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>ordinaires, elles deviennent chaînes. Ternie par un usage<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>quotidien, je me rends accessoire quand sonne le glas de la passion. Le<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>désir comblé s’éteint à petit feu,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span> et la magie distillée jadis se dissout dans la monotonie des libidos éteintes.</p><p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.45pt; line-height: 150%;"><span style="color: #000080;">R</span>ageur est le geste qui me jette au tapis. Ne reste que les regrets des promesses non tenues, le<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>pénible ratage d’un rêve<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>inachevé. Reléguée<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>loin des regards que la haine allume Elle me<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>contemple un moment, avant de me ranger dans l’écrin des souvenirs douloureux, recel ultime des amours renoncées.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.45pt; line-height: 150%;">À tout prendre<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>cependant, que suis-je d’autre qu’une pépite de planète, débris minéral arraché à la matière stratifiée ? Que de temps, de peines, de travail forcené se sont conjugués jusqu’aux outils du joaillier pour forger mon<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>destin, incarner sur les<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>doigts d’une main les cinq étapes du Désir. Diamant solitaire, alliance aux mille feux,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>chef d’œuvre voué à la célébration des accordailles,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>je flétris<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>aux désaccord’aïe.</p><p class="MsoNormal" style="margin-left: 283.15pt; text-indent: 35.45pt; line-height: 150%;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-indent: 35.45pt; line-height: 150%;"> </p><p><!--EndFragment--></p>
GOUTTES D'EAUhttp://gouttesdo.hautetfort.com/about.htmlLe moulin des contestag:gouttesdo.hautetfort.com,2010-12-19:30338172010-12-19T19:39:00+01:002010-12-19T19:39:00+01:00 Nichée dans une ruelle minuscule, au sommet du centre historique d’ Hyères ,...
<p>Nichée dans une ruelle minuscule, au sommet du centre historique d’<strong>Hyères</strong>, il faut bien chercher pour débusquer la librairie intitulée <em><strong>le moulin des contes</strong></em>. <br /> L’affaire n’a pas été simple : frigorifiés, nous avons erré une bonne demi-heure dans les ruelles glacées de la cité, que nous ne connaissions ni l’un ni l’autre. Même le fidèle <em>Tom Tom</em>, héros de la technologie itinérante, n’avait pu nous mener à bon port dans ce dédale de rues piétonnes. Il nous a donc fallu franchir un véritable labyrinthe de rues étroites, pentues et serpentines, dessinant une spirale ascendante jusqu'au cœur de la vieille ville. Enfin nous parvenons devant la porte du lieu, où un mail de <strong>Catherine Brutinel</strong> nous avait conviés, en ce vendredi 17 décembre. La discrète <em>rue du puits</em> existe bel et bien, et nous y découvrons une accueillante vitrine à l’ancienne, aux panneaux abondamment recouverts de posters divers… <br /><br />La porte franchie, nous sommes accueillis par le maître de céans, qui nous convie à nous fondre dans l’assemblée déjà réunie. La pièce où nous venons d’entrer paraît exiguë en regard du nombre d’invités qui bavardent entre les étals. Mon regard est immédiatement attiré par les superbes marionnettes mises en scène sur toute la longueur du mur de droite… Deux ou trois alcôves ont été aménagées pour favoriser leur mise en valeur; leurs atours chatoyants, les faces maquillées des poupées de bois, les attitudes dans lesquelles elles ont été figées m’évoquent irrésistiblement le <em><strong>Marionnettentheater de Schönbrunn</strong></em>, découvert en septembre dernier. <br />Le centre de la pièce est occupé par de larges tables offrant aux visiteurs les couvertures aguichantes de livres, dont la plupart sont destinés à un public d’enfants. Je comprends pourquoi la seule personne capable de nous aiguiller un peu au cours de notre pérégrination était une jeune maman…<br /><br /> Mais les contes de ce moulin ne s’adressent pas aux seuls enfants.<br /> <strong>Christian et Catherine Brutinel</strong> ont à peine modifié cet ancien moulin à huile, désireux d’en préserver les traces de vie antérieure, et tant pis pour la gêne relative occasionnée par une rigole creusée dans le pavement autour de la dalle de meulage. Ainsi aménagé, l’endroit semble hors du temps, et perd sa mine de commerce pour se métamorphoser en antre de la culture. D’ailleurs, je m’aperçois rapidement que d’incertaines piles de confitures voisinent aimablement avec des carnets de notes, des agendas aux couvertures régionales, des éditions de volumes qui n’apparaîtront jamais dans les rayons librairie des supermarchés. <br /><br />Éloigné des artères commerçantes de la ville, le couple a choisi d’offrir un centre de rencontre aux amoureux des livres et de la lecture, sans limite d’âge ou de centre d’intérêt, si ce n’est le désir de communiquer à l’unisson autour des mots, en échangeant des histoires et des mythes, en partageant le plaisir de la lecture avec ceux et celles qui rêvent d’écrire. <br /><br /><br />Depuis des années, Christian et Catherine Brutinel consacrent leur énergie à la transmission des contes, ainsi qu'ils le définissent sur leur site au lien ci-dessous.<br /><a title="Le moulin des contes" href="http://contes-actes83.monsite-orange.fr/index.html" target="_blank">http://contes-actes83.monsite-orange.fr/index.html</a><br /><br /> Soutenus notamment par le parrainage du <em>Lions club</em>, ils ont en outre étendu cette noble ambition à l’association culturelle <em><strong>Lire à Hyères</strong></em> aux objectifs exposés sur la page d’accueil du site référencé ici : <a title="Lire à Hyères" href="http://lireahyeres.monsite-orange.fr/" target="_blank">http://lireahyeres.monsite-orange.fr/</a>.<br />Parmi ces activités, l'annonce du concours annuel de nouvelles thématiques a semblé m' adresser un clin d’œil proprement irrésistible… <br /><br /><br /><br />Au printemps dernier, je me suis donc lancée dans l’aventure qui me tient à cœur depuis des lustres.<br />Lecteurs et lectrices anonymes mais fidèles,vous n’êtes pas sans avoir remarqué que de temps à autre, je publie sur ces pages des textes fictionnels ou de menus poèmes plus ou moins sérieux. Sans ouvrir ici un bureau des plaintes, il est honnête de constater que mes petites histoires, plus ou moins fignolées, n’ont guère suscité d’échos.… Par modestie, manque d’intérêt, ou indifférence totale de mes souris-lectrices, je ne sais, mais face à un tel désert, immense est mon sentiment de solitude…<br /> À l’automne 2009, décidée à prendre mon destin en main, je vous contais comment j’avais résolu d’envoyer un premier texte au <a title="Le Hangar" href="http://www.le-hangar.com/" target="_blank">Hangar</a>, site proposant alors un challenge de nouvelles. Ma mésaventure, relatée alors ici : <a title="mésaventure d'une petite plume" href="http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2009/12/20/mesaventure-d-une-petite-plume.html" target="_blank">http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2009/12/20/mesaventure-d-une-petite-plume.html</a><br />m’a tout de même permis d’entamer avec ce site communautaire un partage de notes de lecture qui se poursuit encore à ce jour, malgré les aléas des parcours de chacun… <br /><br />Mais l’idée était en germe et j’ai poursuivi ma démarche, jusqu’à débusquer cette occasion radicale de me frotter aux regards de lecteurs volontaires. Sans me vanter ni me bercer d’illusions, j’ai donc adressé en juin dernier à <a title="Lire à Hyères" href="http://www.hyereslemag.fr/le_moulin_des_contes.php#lireahyeres" target="_blank">Lire à Hyères</a> deux nouvelles peaufinées par mes soins.</p><p> Cette démarche suppose la gestion d'une légitime impatience. Nos écrits voyagent, et il faut accepter de les perdre de vue… Silence accepté pendant tout l’été, silence persistant en ce début d’automne.<br /> Indubitablement convaincue que mes talents ne devaient pas être reconnus en ce bas et vil monde, j’ai fini par publier ici la seconde des nouvelles en jeux, <em>La dauphine et le baby-foot *</em>, en priant le ciel qu’un lecteur au moins manifeste un début d’intérêt… Las !<br />Jusqu’au 1er novembre dernier… Un mail cordial de Catherine Brutinel m’informait que ma nouvelle <em>Retour</em>** était retenue pour la publication du recueil des prix 2010. Je n’avais pas décroché de distinction particulière, mais un de mes textes serait dorénavant couché sur le papier … Un grand calme se fit en moi… Enfin !<br /><br /> Est-ce dû au gène sceptique de mon caractère, avant de vous confier mes émotions, il me fallait être sûre et certaine que je pourrais voir de mes yeux ces quelques lignes imprimées. C’est chose faite depuis vendredi, et mieux que ça… j’ai entendu deux ou trois petites notes célestes arpégeant la poésie de mon écriture… Mais chut ! J’ai bien trop peur qu’un manque brutal de modestie de ma part n’étouffe définitivement les flammèches à peine allumées de la renommée…</p><p style="text-align: left;">Pour références et avec mes remerciements:</p><p style="text-align: center;">Éditions du Moulin des Contes</p><p style="text-align: center;">3bis rue du puits</p><p style="text-align: center;">83400 Hyères</p><p style="text-align: center;"> Tel 04 94 35 79 28</p><p style="text-align: center;"> </p><p>* <a title="La Dauphine et le baby-foot" href="http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2010/10/30/la-dauphine-et-le-baby-foot.html" target="_blank">http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2010/10/30/la-dauphine-et-le-baby-foot.html</a></p><p>** <a title="Retour" href="http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2009/01/30/retour.html" target="_blank">http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2009/01/30/retour.html</a></p>
drian bowdlerhttp://drianbowdler.hautetfort.com/about.htmlInconforme !tag:drianbowdler.hautetfort.com,2008-12-03:19287952008-12-03T13:00:00+01:002008-12-03T13:00:00+01:00 Inconforme, c'est ce que je suis. Encore plus atypique et...
<p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">Inconforme, c'est ce que je suis.</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">Encore plus atypique et décalée de jour en jour et me complaisant dans une marginalité qui me ramène au plus près de la solitude et de l'étrange. C'est ce que mon miroir me renvoie dans vos yeux, ça doit être vrai here and now, la vérité de l'instant. Non ?</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">Oui et alors ? Et vous ? Vous êtes bien au chaud dans votre vie ? Bien entourés ? Je ne vous dérange pas au moins ? Si un peu ? Beaucoup ? Pas du tout ?</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">Arrrh pardon je sais je sais on entend plus la télé</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">c'est comme quand j'écris sur le papier</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">les mots parfois, souvent dépassent ma pensée</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">même si c'est du fond du coeur</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">pour vous c'est de l'ailleurs</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">mais c'est l'unique endroit où il n'y a</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">pas de frontières et pas de murs</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">où les erreurs</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">ne comptent pas comme péché mortel</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">c'est comme ça, la vie nous a été jetée</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">comme j'écris du clavier</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">ce coup de gueule, coup de blues,</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">ces satanées idées, sans plus trop y penser.</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">Je suis un grand château hanté</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">délabré, un château de cartes</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">écroulé avec des oubliettes pour oublier.</span></em></strong></span></p> <p><span style="color: #f62908;"><strong><em><span style="color: #7a092b;">L'as de coeur, où il est passé ?</span></em></strong></span></p> <p> </p>
drian bowdlerhttp://drianbowdler.hautetfort.com/about.htmlQuoi ? Un poème....tag:drianbowdler.hautetfort.com,2008-09-18:18052992008-09-18T11:50:00+02:002008-09-18T11:50:00+02:00 Question : Quoi de plus anti commercial qu'écrire des nouvelles de nos...
<p><span style="color: #0c19e8;">Question : Quoi de plus anti commercial qu'écrire des nouvelles de nos jours ?</span></p> <p><span style="color: #0c19e8;">Réponse : Écrire des poèmes !</span></p> <p><span style="color: #0c19e8;">Hélas , je ne peux m"empêcher de commettre ce crime de lèse modernité... Alors, en avant première, un extrait de mon prochain recueil de poèmes, oui, vous avez bien lu... un poème. Avant le roman, avant toute chose, parce que c'est vous, parce que c'est moi et bla bla bla, quelques rimes, voilà.</span></p> <p> </p> <p> </p> <p><span style="color: #d10f78;">Ce sera la fin de l'automne</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">quand j'entendrai tes pas</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">et tes lèvres brûlantes s'approcher pour tout bas</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">prononcer et lisser mon nom comme un galet</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">et tes mains se glisser</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">sous le lourd pull de laine</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">pour découvrir ma peau</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">fiévreuse et rappeler</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">à ma chair endormie</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">qu'elle existe et qu'elle vit</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">lumineuse et sacrée</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">je l'avais oublié ou presque mais c'est vrai.</span></p> <p><span style="color: #d10f78;"><br /></span></p> <p><span style="color: #d10f78;">Je m'éveille, la chaleur m'envahit,</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">mes joues sont-elles toutes rouges ?</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">mes jambes soudain coton voudraient se dérober</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">et si là dans tes bras tu ne me retenais</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">mon coeur ivre de joie risquerait de voler,</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">de s'enfuir à jamais comme un oiseau sauvage</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">sur cet éclat de rire posé sur ton visage.</span></p> <p><span style="color: #d10f78;"><br /></span></p> <p><span style="color: #d10f78;">Je suis déjà là-haut</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">l'air vif est parfumé</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">par les feuilles tombées</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">et les brumes du soir</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">couleur d'ambre et de sable</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">rougis par le couchant.</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">Je t'attends, je t'attends</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">là où mes pensées folles prennent feu dans le vent</span></p> <p><span style="color: #d10f78;">je t'attends, je t'attends ! Allez qu'est-ce que t'attends ?</span></p>
GOUTTES D'EAUhttp://gouttesdo.hautetfort.com/about.htmlSolidarité fraternelletag:gouttesdo.hautetfort.com,2008-04-22:15860532008-04-22T12:45:00+02:002008-04-22T12:45:00+02:00Ce matin-là, je prends quelques minutes pour aider Audrey à répéter la petite...
Ce matin-là, je prends quelques minutes pour aider Audrey à répéter la petite pièce de piano que sa grand-mère lui a donnée à apprendre. Comme <em>Mamo</em> s’annonce toujours en début d’après-midi, il ne faut pas traîner pour permettre à Audrey de satisfaire son aïeule. À cinq ans, elle préférerait jouer et les leçons de piano lui pèsent déjà un peu. Nous sommes très concentrées, j’apprends à déchiffrer les partitions en même temps qu’elle. Aurélien, qui n’a pas ses trois ans, va et vient au rez-de-chaussée, et je ne m’alarme pas de son inhabituel silence. Quand il me demande si j’ai encore d’autres gâteaux comme celui-ci, je mets un moment avant de me retourner pour lui répondre. Me penchant par-dessus la rambarde de la mezzanine, je découvre le petit bonhomme, debout dans l’embrasure de l’entrée, un petit carton marron dans une main et un tout petit bout de biscuit dans l’autre, des traces de poudre rose autour de la bouche. Le souricide! Un éclair de compréhension, je suis descendue à la volée et me précipite sur lui : _ Tu en as mangé beaucoup ?_ Il n’y en avait qu’un, mais c’est bon. J’atteste que l’urgence rend lucide et donne des ailes. Jamais de ma vie je n’ai mis si rapidement la main sur la facture , pourtant rangée dans le coffre à papier, et le centre anti-poison répond rapidement. Conseil très concret : - Partez <strong>immédiatement</strong>, même si vous n’êtes pas prête, gardez la facture en main et quand vous entrez dans le hall des urgences, criez très fort le nom de la formule chimique. Ce que j’applique à la lettre, heureusement que nous habitons à cinq minutes à pied de Saint Vincent de Paul.En entrant dans le hall des Urgences, j’articule donc de toutes mes forces le nom de la fameuse formule, au moins neuf syllabes. L’effet est immédiat : une première infirmière m’arrache l’enfant des bras, une seconde me guide vers les sièges en face de la porte de la salle où Aurélien a été emporté. Elle m’enjoint d’attendre sans bouger et surtout sans essayer d’entrer ou de suivre les soins. « <em>C’est assez pénible, mais indispensable</em>… » Alors, angoissée, je prends Audrey sur mes genoux et lui raconte de petites histoires et des comptines, pour éviter de me poser maintenant les questions stupides que j'aurais dû anticiper. Comment Aurélien a-t-il réussi à ouvrir la grille du cache-radiateur qui empêchait l'accès au piège? Audrey est très sage, patiente, malgré le temps qui s’écoule avec une désespérante lenteur.Tout à coup, la porte s’ouvre brutalement et une blouse blanche se précipite sur nous deux, m’arrache la fillette des genoux et fait mine de l’emmener.Je la défends vigoureusement, et proteste :- Mais arrêtez, qu’est-ce que vous faites ? Elle n’en a pas goûté !- Vous êtes sûre, me répond-t-on, parce que c’est important.- Mais oui, je vous assure, elle était avec moi, nous étions au piano… À ce moment, Audrey est déjà dans la salle, un énorme infirmier me bloque l’accès et la vue sur la scène…Un médecin, en blouse verte, se déplace jusqu’à la porte, et restant à demi masqué par l’infirmier, il justifie l’urgence de la situation:- C’est à cause de votre fils. Dès qu’on lui a retiré la sonde gastrique, il a crié : « <strong>ma sœur aussi !</strong>»
Line GINGRAShttp://chouxdesiam.hautetfort.com/about.htmlEn quittant l'abbé Pierretag:chouxdesiam.hautetfort.com,2007-01-23:8439302007-01-23T19:54:23+01:002007-01-23T19:54:23+01:00 « Là-dessus, le vieil homme avait demandé à se reposer. Nous avions...
<blockquote> <p><font color="#660000"><font size="2">« Là-dessus, le vieil homme avait demandé à se reposer. Nous avions fermé lumière et rideau en partant. » (Guillaume Bourgault-Côté.)</font></font></p> </blockquote> <p><font size="2"><strong><font color="#660000">Beau récit d'une rencontre avec l'abbé Pierre :</font></strong><br /> <font size="1">« L'homme qui attendait la mort en souriant » : <a href="http://www.ledevoir.com/2007/01/23/128346.html">http://www.ledevoir.com/2007/01/23/128346.html</a></font></font></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlBRAQUAGE TÉLÉGUIGÉ [Nouvelle 12 - Fin]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2007-01-12:8246442007-01-12T11:10:00+01:002007-01-12T11:10:00+01:00 Toutes les nouvelles dans l'ordre. — Calmez-vous,...
<p align="right"><i><a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/archives/category/nouvelles_-_recits_courts.html" target="_blank"><font><font><font><font color="#FF33CC">Toutes les nouvelles dans l'ordre.</font></font></font></font></a></i></p> <p> </p> <p>— Calmez-vous, c’est ça, restez calme, je vous en prie, c'est dans votre intérêt. Si vous restez maîtres de vos nerfs, tout se passera bien, croyez-moi. Je suis très calme moi, non ? Où est passé le directeur habituel, en vacances ? Vous le remplacez depuis deux jours, c’est ça ? Il me regarda en posant la dernière question.<br /> Il devait surveiller la banque depuis un moment…<br /> <br /> Moi, je voyais enfin ce qui avait traumatisé la clientèle, il avait déposé un modèle réduit de voiture 4x4. La maquette téléguidée tractait une mallette qui reposait sur quatre roulettes, un peu comme une caravane.<br /> Six bâtons de dynamite étaient scotchés autour du véhicule, un haut-parleur et un micro étaient fixés sur le pare-chocs avant. C'était grâce à ce système qu'on pouvait l’entendre. Une boîte translucide, grosse comme un paquet de cigarettes, remplie de composants électroniques et une led rouge qui clignotait sur le dessus, devait être le détonateur.<br /> L'homme se tut un instant, il attendait que mon cerveau emmagasine les informations et soit en mesure de bien appréhender la situation. Il porta son portable à l’oreille.<br /> — Ce n’est qu’un mi<font color="#FFFFFF">cro, grâce à lui je vous entends et vous pouvez me répondre. Dans ma main droite, il y a la télécommande pour le jouet — il la laissait dans la poche — on n’arrête pas le progrès.<br /> <br /> D'après lui, la situation était limpide, soit j'obéissais et tout se passait pour le mieux. Soit, je faisais le «con» et alors, lui aussi : il nous ferait exploser. La disparition ou la mutilation de deux vieilles et d'un obscur caissier ne serait pas un grand traumatisme pour la société, à qui manquerions-nous vraiment ? Ce commentaire venant de lui.<br /> <br /> Mes compagnes se sont calmées rapidement, c'est tout en leur honneur. Elles se sont affalées sur les fauteuils et elles priaient doucement. Lui était toujours très zen, comme s'il jouait un rôle au cinéma ; il jouait avec nos nerfs. Il a eu l'occasion de nous prouver son sang froid. Il ouvrit la bouche et dit :<br /> — Bien…<br /> Puis, le silence, il recula prestement, et partit s'asseoir au volant d'une auto qu'il avait garée, en face de la porte, ce qui lui permettait de ne pas nous quitter des yeux. L'enfoiré, moi un directeur, moi un obscur caissier.<br /> <br /> — Écoutes bien banquier, une femme s'approche et je ne sais pas encore si elle compte rentrer dans ta banque. Si jamais elle manifeste ce désir, je veux que tu actionnes illico ton système, compris, même que tu la précèdes dans son geste, OK ? Elle sonne, ça s'ouvre ! Si elle entre, vous la calmez, je vous donne une minute pour le faire.<br /> <br /> Le petit 4x4 avança de dix centimètres, pour nous impressionner. Tous les trois, on a fait un bon en arrière et en chœur, on a dit qu'on était d'accord pour collaborer. Il pouvait nous suivre dans tous les recoins de l'agence avec ses explosifs.<br /> La femme est entrée, c'était une bonne cliente, je l'ai installée sur un fauteuil et en cinquante secondes elle avait tout compris, elle ne bougea plus. Malgré la climatisation, on transpirait.<br /> <br /> Il nous a félicités, il était heureux d'être tombé sur des gens intelligents, ça venait du cœur, c'était sincère. Après on a accéléré, écoutant ses instructions, j'ai soulevé la mallette et je l'ai ouverte; à l'intérieur, bizarrement, il y avait des élastiques auxquels étaient attachées des clochettes. Il y en avait une vingtaine, il me demanda de m'en passer une à tous les membres ; les autres furent glissées à chacun des bras et jambes des trois femmes, on se demandait ce qu'il avait en tête. On a compris à la fin.<br /> <br /> J'ai rempli la mallette, il y avait environ trente mille euros ; c'est vendredi et les commerçants déposent avant le week-end, puis je l’ai refermée. Il m'a demandé de la décrocher délicatement du 4x4 et de lui porter à la voiture — j’ai vu la télécommande des explosifs dans sa main — et de rentrer aussitôt. J'ai tout fait et le plus rapidement possible, j'étais pressé qu'il parte.<br /> <br /> J'étais dans l'agence avec mes trois compagnes et le 4x4, l'homme avait récupéré sa valise. Une dernière fois, il nous parla.<br /> <br /> — Vraiment, je tiens à vous remercier pour votre tenue. Dans dix minutes, je serais trop loin de vous pour la puissance de mon émetteur, le détonateur deviendra inoffensif. Vous pourrez sortir sans crainte à ce moment-là. N’oubliez pas d’ôter les clochettes, pour le ridicule. En attendant, vous vous asseyez tous les trois autour de la maquette et surtout vous ne bougez plus durant ces dix minutes, car si j’entends le moindre tintement dans mon écouteur, je n'hésiterais pas à déclencher la machine infernale. Ciao.<br /> <br /> Vous vous rendez compte, s'il avait eu un accident de la circulation et que ça se déclenche tout se</font> ul ? Je pense que tout cela n’a pas duré plus de cinq minutes, pas une de plus !<br /> <br /> — Monsieur le Directeur, ces explosifs sont faux, vous ne le voyez pas ? C’est du plâtre.</p> <p><br /> — Mais moi, je suis banquier, pas commando démineur, monsieur l’Inspecteur.</p> <p><br /> <br /> FIN<br /></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlBRAQUAGE TÉLÉGUIGÉ [Nouvelle 12 - Part 01]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2007-01-06:8152392007-01-06T17:40:00+01:002007-01-06T17:40:00+01:00 Toutes les nouvelles dans l'ordre. Vous auriez...
<p align="right"><font><i><font><i><a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/archives/category/nouvelles_-_recits_courts.html" target="_blank"><font color="#FF33CC"><i>Toutes les nouvelles dans l'ordre.</i></font></a></i></font></i></font><br /></p> <p> </p> <p>Vous auriez fait quoi vous, à ma place ? Je vous le demande ? Vous savez, l'été il y a des heures creuses dans le Sud. Elles se vident vers treize heures, et ne se remplissent que vers les seize heures passées ; elles coïncident avec les heures de fermeture des commerces. Durant ce laps de temps, les rues sont carrément désertes, il fait trop chaud pour déambuler.</p> <p><br /> Mais nous à la banque, on a des horaires à l'année, pas à la saison, et c’est bien dommage. Les espagnols, quoiqu’on en pense, ont résolu le problème, ils travaillent tôt et font la sieste durant la grosse chaleur.</p> <p><br /> L'agence ouvre à quatorze heures et des fois, vous allez pas le croire, y a déjà un client qui attend devant le sas, en plein soleil, quand j'arrive pour ouvrir. Le Directeur est en vacances pour un mois, mais il m’avait un peu décrit la clientèle, il y a des habitués vous savez. Sincèrement, je n’ai pas de chance, seulement deux jours et ça tombe sur moi.</p> <p><br /> C’était le cas aujourd'hui, car sinon je n’en aurais pas parlé, il y avait madame André qui languissait. Je me demande ce qu'elle a dans la tête, à préférer attendre l'ouverture au soleil de deux heures, alors qu'elle sait qu'il n'y a pratiquement pas de client jusqu'à seize heures.</p> <p><br /> Elle veut être la première à profiter de l'air conditionné du bureau où alors elle s’ennuie à la maison. Elle a la tête pleine de la violence vue à la TV, son cerveau mélange la réalité et les fictions. Je fais un remplacement dans cette succursale, comme vous le voyez, je suis originaire de Martinique.</p> <p><br /> Elle est bien enrobée cette dame, sa peau était écarlate avec des veines violacées et ses aisselles commençaient à mouiller le tissu rose de sa robe. « Oh, Bamboula, j’étais avant vous ! »*, qu’elle m’a dit quand je suis passé devant elle pour ouvrir. Je ne l’ai pas regardée. Alors, elle a bafouillé:</p> <p>— Excusez-moi, mes plus plates excuses... mais on en voit tellement... à la télé.</p> <p>— Faut sortir madame. Je suis directeur et je soigne votre compte comme celui des autres. </p> <p><br /> Je me suis installé à mon fauteuil, j'ai débranché le système d'alarme et je me suis adressé à l’amère André. À ce moment, une autre dame a sonné ; après avoir observé son apparence sur l'écran de contrôle, je lui ai ouvert la porte en appuyant sur le bouton adéquat, elle s'est dirigée tout droit vers un fauteuil et s’y est collée en pestant contre la canicule.</p> <p><br /> Madame André voulait retirer 2 000 euros et, aussi, avoir le solde de son compte épargne. J'en étais au premier stade de ses demandes, c'est-à-dire à compter 1000 euros en billets de 50 ; vingt billets que peu de main avait dû toucher jusque-là, vu qu'ils étaient neufs.</p> <p><br /> J'allais passer aux suivants quand on sonna ; furtivement j'ai regardé l'écran de contrôle, tout en incrustant la somme de mille euros dans ma mémoire afin de m'éviter de recommencer à zéro.<br /> Bien sûr, j'ai vu l’homme, mais son attitude m'a paru satisfaisante. On suit une formation succincte à la banque, comment évaluer un faciès en peu de temps ; ce n’est pas le nom exact, c’est avec des consonances plus techniques, plus sérieuses, mais ça veut dire la même chose.</p> <p><br /> Vous savez, tout cela s’est passé en quelques secondes, je mets tant de temps à le relater qu'on pourrait croire que ça s'est éternisé, mais dans la réalité ce fut bref. En fait, je ne me souviens pas du tout de son visage. Sur l'instant, j'ai appuyé sur la commande d'ouverture de porte, et j'ai repris à 1000 avec madame André. Arrivé à 2000, elle s'est mise à hurler et la cliente installée sur le fauteuil a fait de même.</p> <p><br /> J'avoue que sur le coup je n'ai rien compris à ces cris, car j'étais vraiment sûr de moi, 40 billets de 50, ça fait bien 2000. Pas la peine d’hurler m’dame André, pensais-je alors. J'ai repris la liasse de billets afin de la recompter une deuxième fois et, là en levant la tête, je me suis aperçu qu’elle ne me regardait pas, elle fixait le sol au pied de la porte d'entrée et continuait à pousser des cris très aigus.</p> <p><br /> Le type qui avait sonné n'était pas vraiment entré, enfin il était entré, avait posé un objet au sol et était ressorti aussitôt. Je ne l’ai pas vu en action, pas tout vu, mais j'ai vite compris.</p> <p><br /> D’ailleurs, il n'était pas bien loin, il était posté sur le trottoir, debout devant la porte vitrée de l’agence. Bien sûr j'ai eu un temps de réaction plus lent que mes deux clientes, car j'étais derrière le guichet et je ne voyais des gens que leur tronc.</p> <p><br /> Je me suis levé, j'ai fait le tour et j'ai vu, et j'ai failli hurler moi aussi. Ce qui m'a calmé instantanément, c'est d'entendre la voix calme du type, je voyais ses lèvres articuler les mots que nos oreilles captaient très bien à l'intérieur, alors qu'il y avait des vitres insonorisées entre nous.</p> <p> </p> <p><i>* une variante d'une scène que je raconte plus loin dans "Erreur sur la personne". </i></p> <p> </p> <p><i>(à suivre) </i></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLA GARDE À VUE [Nouvelle 11 - Part 06]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-12-05:7706062006-12-05T10:20:00+01:002006-12-05T10:20:00+01:00 Toutes les nouvelles dans l'ordre. Jeudi matin, ses deux...
<p align="right"><a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/archives/category/nouvelles_-_recits_courts.html" target="_blank"><font color="#FF33CC"><i>Toutes les nouvelles dans l'ordre. </i></font></a></p> <p>Jeudi matin, ses deux cerbères viennent le récupérer, ils ont la mine réjouie, rasés de près. Il est recroquevillé à l’arrière du break. Le manque plie son corps, il transpire, il pue, douleurs dans toutes les positions. Chaussé du reste de ses sandales, il regarde le monde avec un regard de cocker neurasthénique. Eux sont en pleine forme, ils lui annoncent que tard dans la nuit son associé a parlé, il a avoué n'avoir qu'un client et que c'était … le dénommé Martin : « Toi, enculé ! »<br /> <br /> Ça leur suffit, un dealer qui a un seul client, pour boucler l'enquête avant le week-end. Martin est balancé par son client et par son fournisseur. Tout va pour le mieux.<br /> <br /> Revenu dans le même bureau, on lui octroie la même occupation que la veille, il se retrouve dans la même position, debout attaché au radiateur à prendre des baffes. Mais il n'est plus le seul. Des cris, des chocs, traversent la cloison qui sépare du bureau d'à côté, ils travaillent sur son fournisseur.<br /> <br /> Depuis, quand il lit ou qu’il entend qu'un type a avoué, il se demande toujours dans quelles conditions il l’a fait. La population se dit que s’il a avoué c’est qu’il n’est pas clair, y’a pas de fumée sans feu. Maintenant, il sait qu’on peut faire avouer n’importe quoi, enfin, au moins ce qui arrange ceux qui mènent l’interrogatoire. Surtout, lorsqu’il ne s’agit pas de délinquants endurcis ou de célébrités.<br /> <br /> Posées dans un coin de la pièce, il y a deux battes de base-ball usagées, une en bois, l’autre en alu. Il y a aussi un casque intégral qui a déjà pris pas mal de chocs et que Martin ne remarque qu'à l'instant où ses deux tortionnaires lui ordonnent de le mettre. Il refuse, ils lui enfilent sur la tête malgré son manque de coopération. Ce faisant, ils lui amochent le nez au passage, mais ce n’est rien, en fait c’est pour son bien, ce casque amortit bien les coups des battes qu'ils vont prendre plaisir à lui asséner.<br /> <br /> — Tu sais jouer au base-ball enculé ? lui demande le blond.<br /> — ...<br /> — Laquelle tu préfères ? questionne l’autre, une batte dans chaque main.<br /> — ...<br /> — On va t'apprendre à jouer au base-ball, tu vas faire la balle ! rajoute le premier.<br /> <br /> Au bout d'une dizaine de coups, ils se lassent, il n'y a personne d'autre dans la pièce pour rire de leur ingéniosité.<br /> <br /> C’est son deuxième jour de garde-à-vue, en peu de temps il croit avoir beaucoup testé, y compris le calibre chargé qu'on lui remue devant la gueule en le traitant de future bavure. C’est l’époque à Pasqua.<br /> <br /> L'enquête est close, tous les rapports sont tapés, la prochaine étape est la présentation au juge d'instruction. Le petit blond à lunettes se renseigne par téléphone sur le juge qui va instruire l'affaire, il sourit en entendant le nom, « c'est le plus sévère », dit-il.<br /> <br /> En ce moment dans la région, il ne fait pas bon passer en justice pour une affaire de drogue, dans l'échelle de l'abject même les incestes ont meilleure presse. C’est ça la justice, faut bien tomber, au bon moment et au bon endroit, une peine peut varier du simple au double selon le lieu où l’on est jugé. Dans le Nord, une injonction thérapeutique, dans le Sud, trois ans ferme.<br /> <br /> <br /> Le torturer n’est plus indispensable, c’est ce qu'il croit. Mais, maintenant c’est pour le fun, la détente après le labeur. La cerise sur le gâteau, Martin n’aime pas cette expression car il n'apprécie pas les fruits confits et, en particulier les cerises, mais elle est comprise par la majorité. Il pense être le gâteau et la cerise.<br /> <br /> Ils le traînent dans un bureau voisin occupé par d'autres types en uniforme, ils boivent l’apéritif, ils le placent au milieu de la pièce, l'un d'entre eux appuie sur le bouton Play d'un radio K7. Horreur c’est la Lambada, leur morceau préféré. Les deux ont toujours leur batte en main, ils se mettent à lui taper sur les pieds.<br /> <br /> — Danse enculé, danse ! crie le blond à lunettes.<br /> Martin n’a plus la force de soulever ses pieds nus, et eux tapent encore et toujours, comme des malades.<br /> <br /> <br /> En début d'après-midi, ils le laissent en paix durant un quart d'heure, l'un du groupe lui offre une clope et un verre d'eau. Il essaye de réfléchir à sa situation, à Cécile et Léo, mais il est trop mal, il tente d'étirer ses muscles, ses membres, se détendre enfin.<br /> <br /> La porte s'ouvre brusquement, le petit haineux le saisit par la chaîne des menottes, lui arrache la clop et le tire dans le couloir, il pousse une autre porte et entre dans un local voisin, Martin en laisse.<br /> <br /> — On va voir si tu le reconnais encore ton ami, avec tout ce qu'on lui a mis dans la gueule. Tu aimes l'humour noir, tu vas être servi ! Voilà ce qu’il lui dit durant ce court déplacement.<br /> <br /> Dans cette pièce, il y a des mecs en uniforme et un seul civil, celui qui est affaissé sur une chaise ; son visage est tuméfié, coloré rouge et violet. Il ne peut plus articuler un mot, sa mâchoire est fracturée. Lui aussi a dû beaucoup se débattre tout seul durant son arrestation.<br /> <br /> — Alors, t’as vu la tronche qu’il a, tu le reconnais ton ami ?<br /> <br /> Martin remue à peine la tête en avant, il a les yeux embués, ce n’est plus de la douleur, c'est autre chose…<br /> <br /> — Et voilà il l'a reconnu ! Écris qu'il a reconnu son complice !<br /> <br /> Un gendarme tape la phrase sur son clavier. Puis, à l'adresse du tabassé, le blond dit :<br /> — Oh l'ami, voilà le type qui t'a balancé !<br /> <br /> Et il repousse Martin dans le couloir. Il entend, à travers la cloison, son fournisseur hurler de rage. Le petit à lunettes lui dit :<br /> <br /> — T'aimes l'humour noir ? T'es servi mon enculé.<br /> <br /> Martin se sent baisé. Ce petit monstre veut le faire passer pour une balance, il a eut une illumination, une idée pour améliorer son quotidien et pourrir celui de Martin. C'est ça pour lui, l'humour noir. En fait, il ne doit pas aimer les noirs, il confond tout. Il doit avoir un gros chien qu’il dresse durant ses week-end.</p> <p> </p> <p><i>(à suivre)</i> </p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLA GARDE À VUE [Nouvelle 11 - Part 05]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-12-03:7679212006-12-03T17:25:00+01:002006-12-03T17:25:00+01:00 Il est dix-neuf heures, cinq heures qu’ils s’occupent de sa personne....
<p>Il est dix-neuf heures, cinq heures qu’ils s’occupent de sa personne. L’équipe est sur le pied de guerre, ça bouge autour de lui. Grande excitation, ils l'emmènent perquisitionner son domicile.<br /> <br /> Il a la honte de sa vie, apparaissant les mains menottées devant Cécile et leur fils, encadré par des hommes en uniforme. Ils fouillent partout, Cécile retient Léo sur ses genoux. Bien sûr, l'enfant ne comprend rien à ce remue-ménage, à tous ces cris, il veut aller sur son père, un homme en uniforme lui interdit de le faire.<br /> <br /> Trois brigadistes, restés au rez-de-chaussée, perquisitionnent le garage, trois autres fouillent le premier étage où ils gardent Martin et sa famille.<br /> Putain de journée de merde… la sonnette du portail, qui donne dans la rue, se fait entendre, trois coups brefs, ça jette un froid. Le gradé qui est à ses côtés demande à Martin s'il s'agit de son dealer, il lui répond qu'il ne voit rien, que la personne est cachée par des branches et que son dealer ne connaît pas son adresse.<br /> <br /> Dessous, les trois autres sortent en trombe, on entend des cris, les crissements des pneus d’une voiture qui se tire et puis des voix. Le paisible quartier est en ébullition. Des «On l’a eu, on l’a eu !» remontent par la cage d’escalier. Posé sur une chaise, Martin regarde le spectacle comme si c’était un film, pourtant il fait bien partie de la distribution et il a le premier rôle, il regarde son fils qui est déjà si loin.<br /> <br /> Ils ne trouvent rien chez lui, sinon un minuscule «képa» tombé dans l’oubli le jour où il avait glissé derrière le meuble TV.<br /> Par contre, ils sont tout excités par leur seconde prise, elle les passionne plus que Martin, elle a résisté.<br /> Ça met un terme à la perquise, un regard embué à Cécile et Léo en guise d’adieu, il est entraîné au garage. Au sol, il y a un type allongé face à terre. Ses mains sont liées dans le dos avec du fil électrique trouvé sur place, elles sont reliées à ses pieds qui sont saucissonnés et tirés à hauteur des fesses.<br /> <br /> C’est son fournisseur. Pourquoi est-il là ? Mais, qu’est-ce qui fout là ? Martin lui doit un peu d'argent et l'autre l’a cherché. Il savait que Martin avait emménagé dans ce quartier, mais pas où exactement, c'est la Volvo de la voisine — elle possède le même modèle — qui l'a attiré devant sa porte. Il est parti en sprintant quand il a vu sortir trois types, dont un en uniforme, mais ils l'ont capturé.<br /> <br /> C'est de cette façon que Cécile apprend la vérité sur son mec. Ils ne croient pas à son innocence, ils ont l'intime conviction qu'elle aussi se défonce, ils ne croient pas les gens. De toute façon, c’est la compagne d’un toxico, elle vaut pareil que lui. Il se retourne vers les fenêtres du premier en atteignant la rue, Cécile tient Léo dans ses bras, ils le regardent partir. Le gradé ne lui a rien dit, aucune explication, elle ne sait pas ce qu’on lui reproche, elle ne sait pas où il va et quand il reviendra. Elle est seule, fragile.<br /> <br /> Le retour à la caserne s’effectue avec un passager de plus et dans la liesse générale. Jusque-là, leur histoire était plutôt mal barrée, ils avaient bien un mec à interroger, mais il n’avait rien à dire de grandiose, alors peut-être avec le nouveau ?<br /> <br /> La nuit humide est tombée. Le médecin légiste passe voir le gardé à vue, comme le stipule le règlement. Après une rapide consultation, durant laquelle Martin lui confie être en état de manque et souffrir du bras, il parle aussi des coups qu’il prend. Mais, le toubib doit avoir l’habitude, il le décrète bon pour le service.<br /> Deux gélules de paracétamol, pour les douleurs et le manque, lui sont administrées sur-le-champ, sans aucun effet vu l’état du receveur. D’autre part, le toubib indique qu'il souffre d’un truc plus grave à l'épaule, faut qu'il passe une radio d’urgence. Il ne leur dit pas qu’il faut s’arrêter de le taper. Martin le catalogue neutre et juste de passage. Il est tard et il veut rentrer chez lui. Il s’en va, Martin est désolé qu'il reparte si vite, il s'était attaché.<br /> <br /> Durant son trop court séjour, l'atmosphère s'est détendue. Ils s’adressent à lui comme à un autre humain, un des leurs, comme s’ils voulaient montrer au toubib avec quel respect ils traitent leur hôte. Les militaires discutent avec le légiste, c’est un habitué des lieux, ils parlent de leur dernier week-end et du match de l’équipe de France qui joue ce soir et ils oublient un peu Martin.<br /> <br /> Est-ce que leurs familles connaissent la nature de leur travail ? Leurs femmes se doutent-elles que ces mains qui les caressent dans la nuit s'écrasent le jour dans la gueule de pauvres types tels que lui? se demande Martin.<br /> — Alors, la journée a été bonne mon chéri ?<br /> — Ouais ! J’ai tapé dans la gueule d’un enculé de toxico, si tu voyais la tête qu’on lui a refaite ? Et la tronche de sa femme et de son gosse, si tu savais. Ce métier rapporte vraiment des joies intenses à ceux, comme moi, qui savent les savourer. Viens, j’ai trop envie de toi… Tu verras, demain le monde sera meilleur, un peu grâce à moi.<br /> <br /> Quand bien même, grâce au docteur, il prendra moins de coups dans la figure ; après le départ du toubib, ils se focaliseront sur le bras blessé. Ils ont un certificat médical prouvant qu'il s'est blessé tout seul en tentant de se sauver durant son interpellation, donc ils sont couverts ; de plus, le bras c'est pratique pour les traces, moins apparentes.<br /> <br /> L’endroit est enfin calme, une bonne partie de l’équipe est partie perquisitionner la piaule de son fournisseur. On s’occupe de lui trouver un abri pour la nuit, deux gardes l'emmènent dans une autre caserne.<br /> <br /> Il passe sa première nuit dans une cellule. Le militaire de service est plutôt débonnaire, donc ça existe. Il lui porte un gros sandwich, taillé dans un demi-pain-restaurant, avec d’épaisses tranches de mortadelle introduites dans la mie.<br /> Martin n’a pas faim, la vue et l’odeur de cette nourriture lui retourne le cœur. Ça sent fortement la mortadelle, la cellule sent la mortadelle, le manque exacerbe son odorat. Il passe la nuit à effectuer des allers-retours entre son sommier en béton et les chiottes à la turque, il se vide, il vomit sa bile.<br /> <br /> Il ne dort pas, il pense à Cécile, à Léo et à sa mère quand elle va apprendre ; encore des souffrances pour elle qui n’a pas vraiment été gâtée par la vie, comme on dit. Sa compagne ne pourra se confier à quiconque, qui va l’aider ? Elle n’a aucun élément, c’est un cauchemar pour elle, aussi. Elle doit assumer, mener Léo à l’école demain, comme si tout allait bien, reprendre son boulot et tout garder pour elle.<br /> <br /> Et son fils, à cet âge où tout est si important pour le reste de l’existence, il a lu Dolto. Et à lui-même, brisé physiquement et mentalement, par ce traitement. Il culpabilise, ce qui n’arrange rien, ce qui l’enfonce un peu plus avant de repenser à la même chose. Il ne sait pas ce qu'il encourt, il trouve débile que ça arrive au moment ou il s'en sortait, où il refaisait enfin des projets.<br /></p> <p> </p> <p><i>(à suivre) </i></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLA GARDE À VUE [Nouvelle 11 - Part 03]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-11-30:7634012006-11-30T17:33:13+01:002006-11-30T17:33:13+01:00 Ils lui tirent des baffes chacun à leur tour, faut savoir s'économiser,...
<p>Ils lui tirent des baffes chacun à leur tour, faut savoir s'économiser, connaître ses limites, le défilé va durer deux heures, ils se relaient. Ses mains attachées dans le dos ne lui servent à rien quand il perd l'équilibre sous les coups, chaque baffe le déporte contre le mur, chaque fois ils le traitent d'enculé. Il glisse au sol, on le relève par les cheveux.<br /> Il y en a un, plus petit que les autres, qui s'acharne à la tâche, ses cheveux sont bouclés, d'un blond tirant sur le blanc, il proclame que Martin a un petit sexe, il se marre, les autres aussi, il porte des lunettes. Voudrait-il que Martin ait une érection ? D'où vient cette haine ?<br /> <br /> Enfin, ils font une pause. Jusque-là, ils ne lui ont demandé qu'une chose, où a-t-il caché la drogue qu'il devait donner au dénommé Yves ? Il leur dit la vérité, il n'a rien car il comptait demander à Yves de le dépanner, donc ils remettent ça. C'est sans fin. Ce sont des sportifs, le seul qui fume n’a pas le temps de terminer sa clope, ils se remettent déjà au boulot. Fin de la pause.<br /> <br /> Ils ordonnent à l’enculé de se rhabiller, il s'exécute, ils lui repassent les menottes dans le dos et le laissent pieds nus. Il ne doit toujours pas s'appuyer contre le mur, c’est entendu.<br /> Ils se rabattent sur la Volvo, ils éventrent le siège conducteur, arrachent les protections de portes, démontent la banquette arrière et brisent la tablette située aussi à l’arrière. Ça les rend fou furieux de ne rien trouver. Toutes les excuses sont bonnes pour le taper sur la gueule au passage, tout en tournant autour de sa voiture, chaque pièce qu'ils démontent sans rien trouver dessous, ils lui en tirent une.<br /> <br /> — Enculé, où c'est que tu l’as cachée ? Tu vas nous le dire, on sait que tu en as... T’as été balancé ! éclate un des tireurs de baffes.<br /> <br /> Et patatras, le petit, celui qui portent des lunettes, a une révélation :<br /> <br /> — Tu l'as avalée enculé ! Oh les mecs, regardez les traces blanches autour de la bouche, visez ça il l'a avalée quand on le regardait pas !<br /> <br /> Martin explique qu’avec les mains attachées dans le dos il lui est difficile d’avaler quoique ce soit. Un grand coup dans le ventre, pour changer, vient ponctuer sa réflexion pourtant empreinte de bon sens.<br /> <br /> Les baffes se remettent à pleuvoir. Malgré ses explications, ils ne le croient pas. Il est mal barré, chaque fois qu'il relate la réalité, elle leur déplaît. Elle n’est pas conforme à leur attente.<br /> <br /> Ils le haïssent. Ils comptaient faire un flag, arrêter un gros revendeur, avec le fric, le client et la marchandise, et ils n'ont rien de tout ça. C'est du boulot de monter une opération comme celle-là. Il faut demander au procureur, en général il dit oui tout de suite par téléphone. On fait monter l’adrénaline des heures auparavant, on carbure à fond. Le combat du Bien contre le mal. Et puis on espère qu'on va tomber sur le coup, celui qui fait passer sur le journal, mieux, aux régionales de FR3 et monter en grade.<br /> <br /> Ils ne trouvent rien dans la voiture sinon un autre comprimé du même genre que celui qui lui a laissé la trace blanche. Ils sont déçus. L'auto est en pièces, la fouille se termine.<br /> <br /> Tous ensemble, entourant Martin, ils sortent du garage. Il se demande s'ils vont changer de tactique à son égard. Ils le conduisent dans un bureau. Il doit rester debout, les mains attachées dans le dos, reliées à un radiateur. Le manque continue à faire son effet, il transpire, grelotte, des douleurs…<br /> <br /> Dans cette pièce, restent avec lui, le blond à lunettes et un comparse beaucoup plus grand et athlétique. Il y a un bureau qui supporte une machine à taper. Ils prennent sa première déposition, il répète tout ce qu'il a déjà dit jusque-là, que son fournisseur le contacte par cabines téléphoniques interposées. Il dépose un numéro de téléphone sous l'essuie-glace de la Volvo et l’heure à laquelle Martin doit appeler, après ils se fixent un rendez-vous. Il ne connaît pas son nom.<br /> <br /> Il dit qu’il n'est pas un gros dealer, qu'il travaille, que sa femme travaille, et qu'il ne s'est pas enrichi, au contraire. Et que, s'il ne se défonçait pas, il ne vendrait pas. Il peut raconter ce qu'il veut, ils ne le croient pas.<br /> <br /> Ils lui demandent combien il vend tous les jours. Ils lui disent qu’un type qu'il sert a été pris devant une école en train de vendre sa saloperie à des enfants.<br /> <br /> Il précise qu'il ne vend pas tous les jours. Qu'il partage en quatre les trois grammes que lui livre son fournisseur, et qu'il les répartit entre trois adultes de son âge. Et combien il fait de bénéfice, il n'en fait pas puisqu'il consomme.<br /> <br /> Ils l’accusent d’être un marchand de mort. Il demande le nom du type piqué devant l’école. Ils lui disent que c’est Yves, mais il ne sera même pas cité au tribunal, juste une balance, c’est une histoire bidon pour le déstabiliser.<br /> <br /> Ils font des calculs, ils veulent qu'il précise combien il vend journellement, multiplier par trente pour obtenir la somme mensuelle. C’est le top pour leur rapport, ils veulent établir combien il gagne de fric, combien il vend de doses par jour. Martin coopère, mais il ne peut inventer juste pour leur faciliter la tâche.<br /> <br /> <br /> Peut-être, c'est comme dans les films. Martin a entendu que les scénaristes vont sur le terrain voir comment va la réalité, les acteurs le font aussi pour s'imbiber de l'ambiance. Alors sans doute, il y a un gentil qui va faire son entrée, lui donner une clope, un verre d'eau et discuter gentiment. Dans les films et séries il y a toujours le méchant qui hurle, qui frappe et puis il sort, laissant la place à un plus doux, c'est des méthodes psychologiques. Mais dans son cas, il n'y a que des méchants.<br /> <br /> Donc ça continue, dès qu'il a la faiblesse de s'appuyer contre le radiateur, le grand cerbère se met à hurler sur lui, comme s'il désirait que ses mots s'écrasent sur sa figure en faisant des taches.<br /> <br /> — Faut pas t'appuyer salaud d'enculé, t'es sourd ou quoi ?<br /> <br /> Et encore deux baffes. Le petit blond à lunettes, qui était sorti, revient trop vite au goût de Martin, il a ramené deux bottins qu'il pose sur le bureau.<br /> — Bon maintenant on va rigoler un peu ! qu'il décide.<br /></p> <p><i>(à suivre)</i> </p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlles vieux, les morts et le raffarin.tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-11-02:7189872006-11-02T18:50:00+01:002006-11-02T18:50:00+01:00 Hier, j'ai croisé mon ami Jak , c'est aussi mon voisin, il rentrait...
<p> </p><p>Hier, j'ai croisé mon ami <span style="color: #006600;">Jak</span>, c'est aussi mon voisin, il rentrait du boulot, c'était le <span style="color: #6699cc;"><strong>1er novembre</strong></span>.<br /> <br /> — Quoi, tu travailles un 1er Novembre ?</p><p>Sachant qu'il travaille dans une imprimerie, je me demandais pourquoi. Perhaps, d'urgents faire-parts???<br /> Et bien non, son patron l'avait obligé à venir travailler ce jour-là pour récupérer le lundi de <span style="text-decoration: line-through;">raffarin</span> de Pentecôte.</p><div align="center">***</div><p> <br /> <br /> Raffarin aura marqué son époque, des milliers de vieux seront morts de <span style="text-decoration: line-through;">sécheresse</span> soif durant son règne et il aura — par voie de conséquence — empêché les ouvriers d'aller honorer leur mort, je jour prévu pour cet acte ! </p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlJE SUIS UN SALAUD [Nouvelle 07]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-10-25:7057252006-10-25T11:10:00+02:002006-10-25T11:10:00+02:00 Quand vous lirez ces lignes, je serais mort. Je ne sais pas vraiment depuis...
<p>Quand vous lirez ces lignes, je serais mort. Je ne sais pas vraiment depuis quand, mais c’est sûr, je ne ferais plus partie de ce monde.</p> <p><br /> <br /> Cette nana, appuyée sur la balustrade, c'est Bianca. Je croyais qu'elle n'aimait que moi. Elle me le disait tellement souvent que j'en aie quitté ma femme et nos deux gosses pour pouvoir n’écouter que ses déclarations.<br /> J'ai détruit cette famille et je n’ai plus cru qu’à cette dernière passion, grave énormité de ma part. La vie d’un pilote, un aventurier à ses yeux, c’était excitant pour une jeune femme comme elle.</p> <p> </p> <div style="text-align: center"><a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/medium_fille_avion01.jpg" target="_blank"><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_fille_avion01.jpg" alt="medium_fille_avion01.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.7em 0pt" /></a></div> <p>J'ai vécu deux ans avec Bianca et c'est vrai, c'était torride ; parfois, c’était carrément épuisant — pour moi — j'ai vingt ans de plus qu'elle.<br /> Je vais passer sur les moments fantastiques que j’ai connus avec cette fille. Ne comptez pas sur moi, non plus, pour vous la décrire — elle est magnifique — je ne suis pas doué pour la littérature et ce n’est pas le but de l’exercice. Je vais juste vous raconter le terme de mon — notre — histoire.</p> <p><br /> <br /> Cet été, j'ai été embauché pour faire le Festival de Cannes. Tous les jours, à heures fixes, je tirais une banderole annonçant la sortie du dernier film d'un metteur en scène américain. Un après-midi, mon appareil n'a pas voulu décoller, un petit problème mécanique qui a provoqué son immobilisation, en attendant la pièce défectueuse, jusqu'au lendemain.</p> <p>Je suis rentré deux heures plus tôt que prévu.</p> <p><br /> Ce jour-là, je me suis « crashé », comme on dit dans notre jargon. Le terme approprié quand l’atterrissage est du genre brutal. La plupart du temps, l’équipage y passe.</p> <p><br /> Mais dans ce biplace, il n’y avait plus que moi, à la dérive ; c’est une image ce biplace, c’est de ma vie dont je vous parle.<br /> <br /> De retour à l’hôtel, je suis entré dans la chambre avec la délicatesse d’un chat. Je voulais la surprendre nue, offerte au soleil — donc, à moi — sur le balcon ; juste pour la regarder. De la façon dont avait été conçue cette chambre, je pouvais fort bien réaliser ce gentil fantasme, sans me faire remarquer… tout simplement en regardant à travers le rideau.<br /> <br /> Dans le ciel, le « Cessna» du second pilote de mon employeur faisait son boulot… Bianca devait penser que c’était moi.</p> <p>Elle était bien nue. Mais, je l’entendais plus que ce que je ne la voyais. Sa silhouette chevauchait un type en gémissant de plaisir; en plus, cette salope suivait, de la tête, les évolutions de l’avion. Elle riait.</p> <p>Je n’ai pas crié, pas frappé. Un pilote doit garder son sang-froid, quelle que soit la situation, c’est dans tous les cours de pilotage. J’ai tourné le dos et je suis reparti, j’ai picolé jusqu’au soir. Je ne lui en ai jamais parlé.</p> <p>Il y a six mois exactement que cette vision m’obsède. Quant elle se blottit contre moi, en me susurrant des « je t’aime », j’ai envie de l’étrangler sur place. Mais, je me retiens, je n’ai pas envie de devoir supporter ces cons qui vont me juger. Elle va mourir, c'est prévu mais, en même temps, elle comprendra pourquoi et moi, je ne paierai rien, je partirai.</p> <p><br /> Ça me fait mal quand je pense à mes gosses et à leur mère, c’était une autre vie.</p> <div align="center">***<br /></div> <p>Aujourd’hui, c’est mon dernier vol, je suis le seul à le savoir. L’avion est rempli d’explosifs reliés ,par une paire de fils, à un contacteur, un bouton rouge. Un aller simple pour l’enfer, j’y attendrai Bianca, bien au chaud.</p> <div align="center">***<br /></div> <p>Je lui ai dit que je lui préparais une surprise, une figure inventée rien que pour elle et qui portera son nom. Et, que je comptais sur elle — excellente photographe — afin qu’elle en face plusieurs clichés.</p> <p><br /> Hier, on a mêlé l’utile à l’agréable. Il faisait beau, on a suivi un sentier, longeant le bord de mer, à la recherche de l’endroit idéal pour les prises de vues. On a trouvé un coin à quelques mètres d’un palmier. Je lui ai demandé — expressément — de se tenir à cet endroit avec l’appareil photo. Après, on a niqué… pour la dernière fois.<br /> La barrière en bois jaune et le palmier, ça me faisait deux repères pour bien la situer à partir de l’avion.<br /> <br /> Dans la nuit, j’y suis retourné. J’ai fait en sorte — avec une scie, de la pâte à bois et un petit pot de peinture jaune — qu’à la moindre pression, cette partie cède et s’effondre dans le vide. Mon seul et dernier espoir, la concernant, c'est qu'elle sursaute devant mon explosion, au moins ça. J’y ai passé du temps, fallait pas que ça se voie.</p> <p> </p> <div align="center">***<br /></div> <p>Dieu a été attentif, heureux de se débarrasser de nous deux d’un seul coup. Ce matin, de mon cockpit, je l’aperçois, elle me fait des signes. Elle est au bon endroit. J’appuie sur le bouton rouge.</p> <div style="text-align: center"><a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/medium_fille_avion02.jpg" target="_blank"><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_fille_avion02.jpg" alt="medium_fille_avion02.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.7em 0pt" /></a></div> <p> Ça fait un grand « boum », comme dans les bandes dessinées. L’avion se coupe en deux, je suis devant, je descends à une vitesse folle. Je regarde du côté de la falaise et je souris, je vois son corps qui rebondit sur les rochers.Elle me rejoint, viens mon amour…</p> <p> </p> <p align="center">FIN</p> <p align="center"> </p> <p>PS : j'ai demandé à <i>Areuh</i> — blogueur insignifiant, mais c’est le seul que je connaisse — de raconter mon histoire après ma mort, de faire une illustration, c’est plus esthétique. Et de tout balancer sur le Net. Que mes enfants sachent que je les toujours aimés.</p> <p> </p> <p align="center">$$$ </p> <p> </p> <p> <br /> <i><font color="#0000CC">Le « blogeur insignifiant », c’est moi. Toute cette histoire est réelle. J’ai reçu une lettre de Paul <font color="#FFFFFF">le Pilote deux jours après les faits. Il me demandait de la publier pour lui. Et, d’encaisser les droits si ça rapportait. C’est trop généreux de sa part… j’ai jamais encaissé un euro après voir publié une histoire sur le Net.</font></font></i></p> <p><i><font color="#0000CC"><font color="#FFFFFF"><br /> On ne peut faire confiance à personne en ce bas monde, je lui avais répété mainte fois.<br /> <br /> Mais, maintenant qu'il n'est plus là, je peux dire la vérité : le mec, que Bianca chevauchait à Cannes, c'était moi. Aujourd’hui, on a quitté la France, on vit ensemble en Amérique du Sud.<br /> <br /> Si elle ne s’était aperçue de rien dans la chambre d’hôtel, moi, j’avais vu le reflet de Paul dans les grandes vitres de la chambre.<br /> <br /> Depuis cet après-midi là, son comportement avait changé, je me doutais qu’il allait tenter de se venger. J’étais aux aguets.<br /> <br /> Le jour de son « accident », j'ai demandé à ma femme de l'époque — qui avait 23 ans de plus que moi et énormément d'économies — d'aller faire des photos des évolutions de mon ami Paul, pour enrichir son book.<br /> <br /> Oui, j'avais bien précisé l'endroit d'où je voulais qu'elle fasse les clichés. Bianca m’avait raconté la promenade au bord de la falaise.<br /> <br /> Je n’ai pas l’impression d’avoir trahi mon ex-copain, vu qu’il a bien aperçu un corps de femme tomber au moment où il mourrait, et que cela a dû lui faire un grand plaisir.<br /></font><br /> Je l’avoue, je suis un salaud.</font></i></p> <p><b><font color="#0000CC"><br /> <font color="#330000">FIN (La vraie)</font><br /></font></b></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLA VENGEANCE SE MANGE CRUE.[Nouvelle 06]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-10-19:6954932006-10-19T07:00:00+02:002006-10-19T07:00:00+02:00 Comme tous les samedis, Steiner était aux commandes de son planeur ; il...
<img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_Planeur.2.jpg" alt="medium_Planeur.2.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="68" width="60" />Comme tous les samedis, Steiner était aux commandes de son planeur ; il flottait, il glissait sur l’air. Cette sensation, à nulle autre pareille, lui procurait le même plaisir que celui que devait apporter la dope au toxico, il en était persuadé — bien qu’il ne se soit jamais drogué — ou bien la vague au surfeur, bien qu’il n’ait aucune estime pour les premiers et les seconds ; des nuisibles, des profiteurs.<br /> <br /> Tel un aigle, bien sûr, il effectuait de grands cercles, qu’il décrivait comme majestueux au peu de personnes avec qui il échangeait encore quelques propos badins.<br /> <br /> Soulevé par un courant ascendant, il remontait de quelques mètres, sans bruit, il se trouvait royal, en osmose avec la nature.<br /> <br /> Hé oui, hors carlingue ce chef d’entreprise aimait souvent se comparer à un aigle. Ses proches voyaient plutôt en lui un requin ou un serpent, un crotale, une hyène, un charognard… Leurs qualificatifs dépendant de leur rapport à la nature, toutes ces créatures ayant un rôle non négligeable dans la chaîne, dont l’homme est maillon.<br /> <br /> Bien qu’on soit en plein été, certaines cimes qu’il survolait étaient encore enneigées. Le paysage était sublime, des montagnes, des bois de conifères âgés et quelques lacs, à la couleur sombre, le composaient. À certains de le trouver sinistre, avec ces tons froids, en tout cas il était désertique.<br /> <br /> Il y avait aussi quelques taches d’un vert tendre. Steiner vit une automobile sortir d’un chemin forestier et s’arrêter à la lisière d’une de ces clairières. Il aperçut le conducteur s’en extraire, mais il ne pouvait regarder la scène en continu, il avait un planeur à piloter et ça demande beaucoup d’attention. Il stabilisa l’altitude de l’appareil.<br /> <br /> Quittant à nouveau l’altimètre des yeux, il constata que le conducteur avait fait le tour de l’auto et se trouvait à l’arrière devant le coffre qu’il venait d’ouvrir. À ces côtés une autre personne ; un deuxième personnage à côté du premier, sans doute un couple, pensa-t-il, mais il était trop haut pour ce genre de détail. Tant que ces gens ne s’allongeraient pas sur le dos, face au ciel, il ne pourrait voir à qui il avait affaire.<br /> <br /> <br /> Piloter demande beaucoup d’attention et Steiner avait raté une scène. Il avait assisté à la sortie du conducteur, puis le cadran et le manche avaient monopolisé son regard et son attention. Durant cet intermède, un deuxième personnage était apparu.<br /> <br /> Steiner, absorbé par ses cadrans, voyait en « pointillé ». Durant le blanc, entre les tirets, le chauffeur était allé ouvrir le coffre, il en avait extrait, sans ménagement aucun, un deuxième type qui avait du ruban adhésif gris métallisé collé sur la bouche et les mains attachées dans le dos. Éléments indécelables de la hauteur à laquelle gravitait Steiner.<br /> <br /> Aussitôt il décida de descendre un peu plus afin de satisfaire une curiosité maladive, malsaine, virant jeune à l’obsession.<br /> Dommage qu’il n’y ait pas de statistiques prenant en compte le nombre de salauds qui composent notre société.<br /> Monsieur, Madame, vous ressentez-vous comme : un vrai pourri, un peu pourri, moyennement pourri, pas pourri du tout. Combien de salauds pour mille habitants par exemple ? Steiner pourrait alors compter ses comparses.<br /> <br /> Il avait hérité de la direction de l’entreprise familiale. Ses revenus le mettaient à l’abri de tous problèmes d’ordre financier durant des générations.<br /> <br /> Légataire, en sus, d’une tare génétique propre aux mâles de sa lignée : il était voyeur, maître chanteur à temps partiel, juste pour le fun. Son père lui avait légué son propre fichier, vieux de plusieurs décennies qu’il avait actualisé. Il ne volait jamais sans son boîtier Nikon prolongé d’un zoom de 800 mm.<br /> <br /> <div align="center">*<br /> * *<br /></div> <br /> Tony, le conducteur, était un sortant de prison, libéré depuis seize jours. Il avait été donné aux flics par le type à la bouche scotchée qu’il tirait sans ménagement dans l’herbe fraîche.<br /> <br /> Il avait passé dix ans en taule, interminables. La haine avait mariné, dans le liquide céphalorachidien de son cerveau ou dans un lieu très proche, durant tout ce temps. Un projecteur imaginaire passait en boucle les plans dont il avait imaginé les scénarii. Il s’actionnait dès qu’il baissait les paupières. Il avait le premier rôle, gros plan sur sa sortie de prison. Yvan est là, il est venu l’attendre, gros plan sur Yvan, plus tard Tony tuera Yvan, fin du film ; autant d’années pour une aussi grande sobriété.<br /> <br /> L’inspecteur qui s’était occupé de son affaire l’avait pris en sympathie, ils s’étaient croisés heureusement durant leur jeunesse, cinq ans de voisinage dans une HLM. Il lui avait donné le nom de celui qui l’avait donné.<br /> <br /> Un misérable indic tout simplement, Yvan n’était que ça ? Cette chance qui ne le lâchait jamais, ce n’était donc pas de la chance, juste un arrangement qui lui permettait de poursuivre son petit business. Disponible, des tuyaux à fournir en quantité, ça ne le gênait pas que des mecs fassent de la tôle en échange de son bien-être.<br /> <br /> Durant ces dix ans, Tony se leva en pensant à Yvan, il s’endormit pareillement ; c’est grave une idée fixe longue de 10 ans. Les psys auraient pu l’aider avec des pilules, mais d’une part il y a très peu de psychanalystes en prison et de l’autre, il n’était pas demandeur. Il préférait la cultiver, l’aimer, la peaufiner, son idée fixe, c’était sa seule compagne, il n’en désirait pas d’autre. Il ne communiquait pratiquement pas avec ceux de la détention.<br /> <br /> Par contre, périodiquement, il correspondit avec Yvan, il lui demanda de se faire établir un permis de visite. Il ne fallait pas couper le lien. Pour les lettres, c’était simple, il demandait à un codétenu d’écrire à sa place, il lui donnait quelques infos et l’autre brodait avec. C’est par cette voie, qu’il apprit la mort de l’inspecteur, deux mois après son procès — dans un banal accident de la route. Yvan promettait, dans chaque réponse, d’être là au moment de sa sortie.<br /> <br /> Les parloirs demandaient beaucoup plus d’efforts ; embrasser, l’air sincère, celui qui lui avait fait perdre dix ans de vie, demandait à Tony une grosse maîtrise de ses nerfs.<br /> Il y arriva et, même s’il vomissait de la bile après ces visites, ça valait le coup, d’ailleurs les dernières années il ne vomissait plus. Le jour de sa libération, Yvan l’attendait devant la porte, comme dans ses films.<br /> <br /> <div align="center">°<br /> ° °<br /></div> <br /> Il était là, l’ami fidèle. Pour son ami, il avait préparé un programme d’enfer, à base de filles dociles pas compliquées du tout et à l’emploi facile, d’alcool divers et de dope de qualité. Tout ce dont Tony s’était privé en prison durant 3 700 jours.<br /> <br /> L’orgie dura une quinzaine de jours, Yvan avait loué une villa dans le sud avec tout le confort et même la piscine, il n’avait lésiné sur rien, se conduisant comme un frère.<br /> <br /> Après tout, peut-être était-il sincère ? Essayant de réparer une saloperie vieille de dix ans.<br /> Mais — et ce <i>mais</i> là était énorme — peut-être aussi, avait-il un intérêt à se conduire de la sorte ?<br /> La justice avait condamné Tony pour plusieurs braquages dont le butin n’avait pas été retrouvé. Ce mec-là avait du fric, il était sérieux au boulot, ce n’était pas n’importe qui, il valait mieux l’avoir avec soi. Yvan ne s’était jamais déplacé pour aller accueillir à leur sortie d’autres types qu’il avait balancés.<br /> <br /> Durant ces deux semaines, lorsqu’ils se retrouvaient en tête à tête, Yvan parlait de sa dernière décennie. Rien de bien original, de l’argent facile, des filles — faciles aussi — gérer ses bars. Une belle vie de voyou.<br /> <br /> Tony, par contre, était toujours aussi peu bavard. Il avait insisté sur la description de la garde à vue gratinée qu’il avait dû subir. Mais rien sur le temps écoulé enfermé, ni sur la violence de la prison, ni sur ce paysage fixe à travers les barreaux. Rien sur la monotonie des jours passés, immobiles, assis sur le lit. Rien sur sa tête oscillant d’avant en arrière, se figeant au moindre pas dans le couloir.<br /> <br /> « Les filles sont extra, tu vas t’en apercevoir ! », avait annoncé Yvan et, c’était exact. De vraies vacances, sur un nuage loin des aléas de la vie quotidienne des travailleurs ou des détenus ; malgré son mutisme, Tony semblait détendu, souriant même, Yvan ne sentait rien venir. Tony était satisfait de le voir ainsi.<br /> <br /> Mais tout ce qui a un début a une fin, un milieu aussi. Ami lecteur, sais-tu si le jour du milieu de ta vie est déjà passé ? En ce qui concernait Yvan — qui avait quarante ans — ce jour-là était passé, sans être fêté ni remarqué, une vingtaine d’années auparavant.<br /> <br /> La fin prévue du séjour sur la Côte était proche, Yvan paraissait mûr à souhait. Tony décida de passer à la cueillette. Il invita son ami à une petite fête qu’il organisait lui-même afin de célébrer la fin des vacances et surtout pour remercier son cher ami pour son accueil.<br /> <br /> — Il y aura tout ce qu’il faut pour que tu t’en souviennes longtemps ! précisa-t-il au téléphone.<br /> <br /> Quand il arriva, Yvan était le premier.<br /> — Je n’aime pas me pointer le premier !<br /> <br /> — Comme les stars ! Tiens, bois, il vient direct du Kentucky. Acheté rien que pour toi. Pour attendre les autres, le mieux possible.<br /> <br /> Il lui tendit un verre de Bourbon sans glace et se servit une Vodka ; le Bourbon était coupé au somnifère pilé.<br /> <br /> <div align="center"> * *<br /></div> <br /> Quand Yvan reprit connaissance, une première fois après ce verre, il se trouva ligoté et bâillonné à l’adhésif. Malgré le manque de lumière, il savait qu’il était dans le coffre de la tire de Tony et qu’elle avançait.<br /> <br /> Abruti par la forte dose, il somnolait ; se retrouvant, lors des périodes d’éveil, en face d’horribles cauchemars où il comprenait que l’autre savait. L’autoradio était à fort volume — les haut-parleurs résonnaient dans le coffre — sans doute pour couvrir ses cris éventuels.<br /> <br /> <div align="center"> * *<br /></div> <br /> Puis, Tony l’avait sorti du coffre, il faisait jour. Mais son visage faisait peur. À genoux, Yvan, encore vaseux, se souvenait d’une période de sa jeunesse, un camp de vacances social dans lequel il avait séjourné durant un mois. L’odeur de la terre grasse, de l’herbe fraîche, le ramenaient à ses premières fièvres amoureuses. Il revit furtivement le visage de cette première et le déchirement de la séparation lors du retour à la ville.<br /> <br /> Il redressa sa tête à grand-peine, elle était lourde. Il était perdu ; dans tous les sens que peut prendre ce mot.<br /> <br /> Il voulu dire à Tony qu’il était redevenu un enfant, que quand il était gosse, il était bien le meilleur des enfants, mais il ne pouvait pas parler et, de plus, l’autre n’avait que faire d’un sale gosse à ce moment de l’histoire.<br /> <br /> L’heure était à la grande déclaration. Tony, d’ordinaire si peu loquace, voulait s’exprimer. En peu de mots, il dit qu’il savait depuis son premier jour d’incarcération que Yvan l’avait vendu, l’heure de payer était arrivée. Il allait se montrer généreux dans le paiement, vu qu’il avait mis dix ans à préparer l’addition. On voyait que ses mots étaient préparés de longue date, aucun ne se heurtait en sortant de sa bouche.<br /> <br /> <div align="center">*<br /> * *<br /></div> <br /> <img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_Planeur.3.jpg" alt="medium_Planeur.3.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="53" width="46" /> Steiner en salivait d’avance, il avait du nez, si la providence avait pris la peine de le placer dans cette situation, ça devait être interprété comme un signe, point. Peut-être un couple illégitime qui allait niquer sous son objectif ? Un petit scoop pour lui. Il agrandirait la plaque de la voiture et ferait une recherche sur son propriétaire, après, c’était une question de chance.<br /> <br /> Son coffre-fort était rempli de photos volées à l’intimité d’autres duos illégitimes, à qui il réclamait une dîme royale mensualisée ; ceci pour louer son silence. C’était un maître chanteur froid et organisé, l’habitude de gérer une entreprise à mi-temps, était un plus.<br /> <br /> Pour se protéger d’éventuelles velléités vengeresses, il avait remis à son avocat une lettre à expédier en cas de mort violente. Steiner devait <i>biper</i> toutes les trente-six heures au cabinet de ce dernier. Si l’homme d’affaires ne se manifestait pas, l’envoi devait être immédiat, les flics recevaient la liste des suspects et les photos. — Un système très contraignant… avait relevé l’avocat qui n’était pas au courant du passe-temps de son client. — Indispensable ! rajouta Steiner, qui ne désespérait pas d’arriver un jour à surprendre son défenseur en fâcheuse posture.<br /> <br /> Tous les clients de Steiner avaient été informés sérieusement de son système de défense, dès leur premier versement.<br /> <br /> <div align="center">* *</div> <div align="center">*</div> <p><br /> Du coffre, Tony sortit un sac plastique, un casque de motard et une batte de base-ball. Il tendit le casque à Yvan — puis se ravisa, Yvan étant attaché — avant de lui enfiler directement lui-même sur la tête.<br /> <br /> Yvan comprit à l'instant la suite des événements, ce qui annula l’effet de surprise. Les flics avaient cogné sur la tête de Tony de la même façon, il le lui avait raconté lors du premier parloir.<br /> <br /> Il se préparait à recevoir la batte sur la nuque, il fut surpris quand elle arriva dans le bas de ses reins, il tomba à genoux ; l’autre lui ôta le bâillon pour profiter de la plainte. Tony avait hurlé lui aussi — derrière les murs — voulait-il comparer les tonalités ? Ou, plus sûrement, appliquer basiquement le vieil adage concernant l’œil et la dent.<br /> <br /> <br /> — Désolé mon vieux, j’ai un problème, ma vue a beaucoup baissée en prison, pas de profondeur de champ, rien d’intéressant à regarder. Note bien que c’est un peu de ta faute et ce qui t’arrive aujourd’hui est très logique. Oui, c’est de ta faute si je vois moins bien et il est normal que tu en pâtisses directement.<br /> <br /> Yvan regardait le sol en pleurant doucement, il fixait une bouse sèche ; il concéda que son avenir s’était assombri à un point tel, qu’il pouvait envier celui de cette merde de vache, il ne savait pas aussi bien penser.</p> <div align="center">* *<br /></div> <p><br /> <img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_Planeur.3.jpg" alt="medium_Planeur.3.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="53" width="46" /><br /> Toujours largement au-dessus, Steiner commençait à mieux distinguer ce qu’il pensait être deux baiseurs bucoliques, sans doute allaient-ils finir allongés et l’un des deux apercevrait le planeur… il mettait au point la netteté de l’objectif du canon, des suppositions. Il décida de reprendre un peu de hauteur.<br /> <br /></p> <div align="center">* *<br /></div> <p>Une certitude, Tony était exceptionnellement bavard ce jour-là, mais aussi très proche de l’incohérence.<br /> <br /> — D’accord, ils m’ont tapé sur la gueule, c’est sûr, mais il est aussi certain que j’y vois moins clair, t’es OK ? demanda-t-il.<br /> <br /> Il ne sortit pas un mot de la bouche d'Yvan, à qui était reproché d’être trop prolixe, en d’autres temps.<br /> <br /> — Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? C’est écrit, tu vas aller moucharder à la flicaille illico. Quand on commence, on peut plus s’arrêter, tu le sais bien ? Et ils vont me foutre au trou !<br /> <br /> Yvan se défendit pitoyablement.<br /> <br /> — Non, je ne dirai rien, je te le jure, je regrette, j’ai changé, j’ai compris…<br /> <br /> Des mots qui ne firent qu’attiser la haine de Tony.<br /> <br /> — Je n’ai plus confiance en toi ! Tu vas parler ! C’est bien là le problème. Ne t’inquiète pas, j’y ai réfléchi, j’ai envisagé tous les cas. Pour que tu ne balances plus, suffit de t’arracher la langue.<br /> <br /> Il prit une pince multiprise dans le sac plastique et poussa Yvan en arrière, il se mit à califourchon sur lui. L’outil dans une main, il essayait d’immobiliser la tête de sa proie.<br /> La lutte était trop inégale. L’un avait passé ses dix ans de haine à faire de la musculation pendant que le second se démolissait tous les jours dans les bars. Il ne disposait plus de l’usage de ses mains, zéro pour cent de chance de survie.<br /> <br /> Ce ne fut pas une partie de plaisir d’avoir la langue. Brièvement relaté, le fort prit le dessus sur le faible. Il coinça une branche du diamètre adéquat, de molaire à molaire et, en appuyant un peu, il put dégager l’orifice. Suffisamment pour saisir la langue sans se faire mordre. Il tira avec l’outil sur cet appendice jusqu’à ce qu’il le sépare du reste du corps.<br /> <br /> Il hurla aussi fort qu’Yvan, mais lui, de joie. Puis il replaça du ruban métallisé sur sa bouche, il en mit beaucoup, car il collait moins avec le sang mélangé, il en fit plusieurs tours de visage.<br /> <br /> A ce moment-là, un peu tard donc, que Tony prit conscience de sa folie. Il voyait qu’il commettait un acte barbare, mais il ne pouvait plus aller en arrière, que faire ? Il sentait que ça lui faisait du bien, mais que sa vie n’avait plus de sens et, qu’il pourrait bien mourir après, c’était tout mélangé dans ses méninges. Vivre uniquement pour haïr, c’était pas humain, il le comprenait à ce moment.<br /> <br /> — Tu ne peux plus parler maintenant, c’est terminé les confidences malsaines.<br /> <br /> Yvan faisait non de la tête, il se disait que la punition avait été dure. Mais qu’elle était terminée et qu’il était encore vivant, pas beau, mais vivant. Et sur le coup, ça lui semblait satisfaisant. Sûr, il avait envoyé quantité de types en prison, il méritait de payer. Il était d’accord sur le fond. Il se figea quand il entendit les paroles de Tony.<br /> <br /> — Merde, non tu peux plus parler, mais tu peux encore écrire mon nom, me refiler encore une fois. Je n’avais pas pensé à ça.<br /> <br /> Il fallait qu’il improvise. Il retourna Yvan comme un sac, de façon à pouvoir lui sectionner les doigts, les uns après les autres, à l’aide de la pince. Puis, il fit un pansement à chaque main, à l’aide du sac plastique, qu’il déchira en deux et de l’adhésif.<br /> <br /> — Afin d’arrêter l’hémorragie, glissa-t-il à l’oreille d’Yvan.<br /> <br /> Celui-ci avait hurlé si fort que l’adhésif fermant sa bouche s’était décollé, laissant passer une giclée de sang noirâtre. Tony refit le bâillon plus solidement, Yvan ressemblait à un robot tel qu’on se les imaginait dans les années cinquante, deux fentes pour les yeux, seules ses oreilles étaient épargnées par l’adhésif. Tony s’éloigna un peu, il marchait dans l’herbe, il réfléchissait en se caressant le menton.<br /> <br /></p> <div align="center"><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_Planeur.3.jpg" alt="medium_Planeur.3.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="53" width="46" /> * *<br /></div> <br /> Steiner sourit bêtement, une dispute, déjà ? Elle ne veut pas céder de suite, sans doute…<br /> <br /> <div align="center">* *</div> <div align="center"> </div> En revenant vers Yvan, Tony tira un canif de sa poche, quand il fut tout près, d’un mouvement clair et précis, il lui creva les yeux, comme s’il s’était entraîné durant dix ans.<br /> <br /> — Sorry mec, fallait pas non plus que tu puisses me donner en reconnaissant ma photo au fichier central, et j’y ai pensé, tardivement ; mais c’est dur quand il faut penser à tout et, qu’on est seul à le faire. Mais là, je crois que tu ne pourras plus jamais baver, vraiment je crois que j’ai pensé à tout, et toi, qu’est-ce que t’en dis, tu m’entends Yvan ?<br /> <br /> Le visage d’Yvan avait l’apparence de la viande fraîchement hachée, bien saignante, ce qui ne l’empêcha pas d’émettre un faible murmure.<br /> <br /> — …<br /> <br /> — Sûr, tu m’y fais penser, j’allais oublier, commettre une bavure en quelque sorte, si tu grognes c’est que tu m’entends encore, c’est là l’erreur, l’oubli. Si tu entends, suffit que les flics te récitent les noms de tous les types du fichier, et tu opineras quand tu entendras mon nom, parce que tu es une putain de balance de merde ! Et que tu ne pourras pas te retenir.<br /> <br /> Il tourna sur lui-même à la recherche d’un détail qu’il aurait omis, il cherchait partout avec soin. Ne se rappelant plus ce qu’il cherchait, il prit la parole.<br /> <br /> — Que dois-je faire maintenant ? Je ne peux pas compter sur toi, j’aurais dû y penser, j’avais le temps, mais ça a dû me ramollir le cerveau. Je te coupe les oreilles, oui, non, peut-être ? Même si je les coupe, ça ne rend pas sourd, faut crever les tympans dans ce cas. Comment vais-je te crever les tympans, hein ?<br /> <br /> <br /> Yvan avait perdu connaissance, il revint à lui juste pour apercevoir l’orifice du canon du 38 Spécial que Tony remuait à deux centimètres de sa tempe. Juste pour entendre le son délicat du percuteur qui se détendait, moment rare et furtif, il annonçait l’arrivée imminente de la balle, elle perfora Yvan d’une oreille à l’autre.<br /> <br /> <div align="center"> * *<br /></div> <img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_Planeur.3.jpg" alt="medium_Planeur.3.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="53" width="46" /><br /> Steiner perçut le bruit qui se répercutait dans les montagnes. Un chasseur, pensa-t-il ? Il regarda le couple, ce qu’il supposait être un homme, tournait autour de la femme, assise et adossée à un tronc, ils devaient parler, ça commençait à faire long.<br /> <br /> <div align="center">* *<br /> <br /></div> <br /> Tony vida le chargeur en pointant son arme vers le ciel, il restait alors deux balles qui reprirent leur liberté. Il fit le ménage autour du corps d’Yvan, récupéra ses accessoires, puis monta dans sa bagnole et se tira, repu.<br /> <br /> La première balle se ficha dans la colonne vertébrale du pilote, le rendant instantanément tétraplégique ; la deuxième explosa son portable. Le planeur incontrôlé s’écrasa un peu plus loin à flanc de montagne. Les secours arrivèrent avec la Gendarmerie trente-sept heures plus tard, sans que Steiner ait pu <i>biper</i> à son avocat.<br /> <br /> La lettre, qu’il lui avait confiée, arrivera à la police le lendemain de son sauvetage. Il sera condamné à dix ans de détention pour extorsion de fonds et, restera dans un fauteuil pour la vie.<br /> <br /> <br /> FIN<br /> <br />
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlFILM AU VILLAGE [Nouvelle 05 - Part 2]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-10-15:6901862006-10-15T18:50:00+02:002006-10-15T18:50:00+02:00 (suite) Ils étaient soulagés, car tout était prêt pour le tournage du...
<p><font color="#FFFFFF"><i>(suite)</i></font></p> <p><font color="#FFFFFF">Ils étaient soulagés, car tout était prêt pour le tournage du lendemain, les acteurs arriveraient dans une limousine blanche vers huit heures trente, suivis de l'équipe au complet, c'était une info que Léa avait glanée et qu’elle essaimait. Elle était dans le secret quant aux noms des acteurs. La vedette masculine était Robin Renucci, pour l’actrice, c’était une grosse pointure…<br /> <br /> Le directeur de l'agence avait voulu tenir son rôle, il n'aurait rien à dire, juste à tendre un imprimé à un client, et la scène devait être très courte, sans dialogue, mais il ne voulait pas donner sa place.<br /> <br /> De plus, il n'était pas certain que cet endroit soit retenu, c'était trop petit et trop sombre ; « il y aura un choix et peu d'élus… », précisa Léa, qui ne supportait pas le banquier. « Sinon, ils la feront en studio », elle rajouta.<br /> <br /> Assis derrière son guichet, il devait servir son frère Jeannot qui était la doublure lumière de l'acteur principal ; la femme et le fils du directeur faisaient office de clients assis qui attendaient, ils étaient parfaits. Et pas question de picoler, seulement du café.<br /> <br /> Frank, le caméraman, décida de doubler une prise, il en parla à Sonia, la chef qui le proposa à Alex, l’assistant metteur en scène. Il fut décidé de faire une seconde prise du Directeur, seul derrière le guichet, sans aucun client, car ceux-ci ne servaient à rien, ils gênaient même, le local était trop petit d'après Frank.<br /> <br /> Luigi, le bel et brun preneur de son, fit sortir Jeannot et les deux autres figurants de la famille ; il les accompagna à la terrasse de «Chez Lucette» afin de fêter cette journée bien remplie et offrit à boire à tous les clients du bar. C'était une super équipe. Ils voulaient laisser un bon souvenir, au cas où ils repasseraient dans le coin, boulot ou vacances.Après leur départ, Frank referma la porte de la banque, discrètement il tourna le verrou, puis les talons ; il se retrouva face à Sonia et Alex, constata qu’ils avaient la mine réjouie, supposa que la sienne était dans le même état ; pour finir — ce paragraphe —, il tira une grande claque au directeur<br /> Le temps de boire deux ou trois — ou quatre — apéritifs, on les a vus ressortir de l'endroit, apparemment, ils avaient fini leurs essais, car ils avaient l'air tout contents de vivre. J’aurais bien aimé faire ce genre de boulot.<br /> <br /> Ils traînaient leurs grosses malles. On est allé les aider, on a tout déposé dans la chambre de montage et l’on est tous repartis chez Lucette, en fait c'était devenu le Q.G. de la production. Le village était construit autour de sa place ; le bar, la banque, l’épicerie, le bazar donnaient tous sur ce lieu. Seule l’auberge était un peu excentrée.<br /> <br /> — Et mon mari, il est où ? qu'elle a demandé, la femme du Directeur.<br /> — Le tournage l'a retardé dans un travail qu'il devait absolument terminer. Il nous rejoindra dès qu'il aura terminé, on l'a prévenu qu’on faisait la fête en face. Ne vous inquiétez pas madame, buvez, c'est un grand film, je le sens.<br /> <br /> Il était si mignon ce Luigi, et il parlait si bien, elle aurait pu l'écouter toute la soirée et plus, s'il voulait parler encore et toujours ; son mari était si triste, si prévisible, il préférait travailler, tant mieux pour elle.<br /> <br /> L’instant de folie du village, Lucette n'en pouvait plus de bonheur, l'ardoise MKVI frisait les 1500 euros et il y avait encore deux ou trois bonnes journées à venir, avec l'équipe au complet, ça promettait. On en reparlerait d’ici des années.<br /> <br /> Vers 22 heures, l’équipe décida d’un dîner sur la côte. Frank demanda au maire la permission d'emmener Léa pour la soirée, elle lui fut accordée ; ils partirent en chantant, le « Toyota » avait un Klaxon rigolo, ils avaient bien bu, mais ils semblaient bien encaisser l'alcool<br /> <br /> Après leur départ, on est resté chez Lucette, elle a offert sa tournée et on a décidé de l'aider à rentrer les tables de la terrasse et à balayer la salle du bar ; jamais on n’avait fait des trucs pareils avant ce tournage. On vivait un moment rare dans l’histoire du village, on le ressentait.<br /> <br /> <br /> Et puis, la femme du banquier a rompu le charme, elle s'est mise à penser à son mari. Elle a eu un peu la honte, elle l'avait simplement oublié durant presque quatre heures, un record, mais maintenant fallait émerger. C'est ce qu'elle fit en posant le balai qu'elle tenait et en se rendant à la banque.<br /> <br /> Elle avait un mauvais pressentiment en s'approchant, qu'elle dira après, tu parles. La porte en verre était close, malgré les coups de sonnette, son mari n’apparaissait pas, il n’actionnait pas l’ouvre porte.<br /> <br /> « Il a dû avoir un malaise, les éclairages ont augmenté la température du minuscule bureau », elle ne savait pas quoi penser. Elle l'avait oublié, elle commençait à culpabiliser. Elle se retrouva dans l'appartement qu'ils occupaient au-dessus de l’agence, elle en redescendit avec un double de la clef de dessous. Elle entra dans le sas et se mit à hurler juste après.<br /> <br /> Le Directeur était scotché à son bureau, il avait un autocollant NKVI, panthère sur soleil, collé sur le front. Ils avaient passé trois rouleaux, marron et larges, comme s’ils avaient voulu le momifier. Ils s’étaient fournis au Bazar où on leur avait ouvert un compte, car ils voulaient faire travailler les autochtones, qu’ils nous avaient dit.<br /> <br /> La momie demeura muette tant qu'elle eut la bouche hermétiquement close, ce qui ne dura pas puisqu'il fallut bien à un moment lui enlever ce bâillon adhésif. Alors, le directeur ne se donna pas la peine de se dominer, lui qui était si lisse, si poli se mit à vociférer comme une bête chaque fois qu'on tirait un bout d’adhésif avec des poils ou des cheveux qui jusqu’à cet instant, lui appartenaient. Si on avait su, on aurait libéré la bouche en dernier.<br /> <br /> Le Maire nous a rejoint dans la banque, il était visiblement affolé, il venait de recevoir un appel téléphonique de sa fille qui lui demandait d'aller la récupérer. L'équipe l'avait abandonnée. Il avait trop bu lui aussi, il avait confié son unique fille à des inconscients, il les tuerait de ses mains s'ils avaient abusé d'elle, « les salauds ! ».<br /> <br /> — « Bandes de cons que vous êtes tous ! »<br /> <br /> La période durant laquelle le banquier s’était évertué à ne pas prononcer de grossièreté en public, s’était achevée. Heureusement pour elle, il était encore scotché au niveau des bras sinon il aurait sans doute essayé d'étrangler son épouse. D'ailleurs, elle fit un bond en arrière et ne revint pas reprendre sa place au premier rang, un autre pressentiment sans doute.<br /> <br /> À partir des explications fournies par le banquier, on a compris rapidement qu’à divers niveaux on était tous floués. Il nous a dit qu'ils l'avaient torturé afin qu'il ouvre le coffre. Moi je veux bien, mais il n'a pas pu nous montrer une seule ecchymose. Ils ont dû le bousculer, il a ouvert, ils ont pris l'argent tranquillement pendant qu'on rigolait tous au bistrot. « Même ma femme, ma propre femme ! », se lamentait-il.<br /> <br /> Ensuite, on est allé récupérer Léa, ils l’avaient laissée dans le « Toyota » sur une aire d’autoroute.<br /> — Ils sont partis dans une autre auto, nous apprit-elle. C'est d’une cabine téléphonique que Léa a appelé son père, personne n’avait usé ou abusé d’elle.<br /> Alors, le Maire a téléphoné à la Gendarmerie.<br /> <br /> <br /> Lucette et la patronne de l'Auberge, chez qui les cinéastes avaient laissé deux ardoises monumentales pour la région, voulurent se payer sur le matériel abandonné. Pas de chance, le « Toyota » et la remorque avaient été volés ; le matériel d'éclairage avait été loué avec une carte bidon, le loueur le récupéra et la caméra était hors d’usage, elle était vide, les malles étaient remplies de sac de sable.<br /> <br /> Lucette essayait de recalculer les boissons qui avaient été avalées par les gens du village dans l’espoir qu’ils allaient les régler…<br /> <br /> On était tous amers de s'être fait si bien berner, du grand art. Mais, en même temps, faut bien reconnaître qu'on n’avait jamais autant rigolé, et picolé gratos dans le village que durant ces jours-là. Les plus vieux l’attestaient et ils étaient les mieux placés pour le faire.<br /> <br /> La déception de ne pas nous voir dans un film fut notre seule peine. La banque n’était pas à un braquage près. Lucette et l'aubergiste, déjà nanties, jurèrent qu’on ne les y reprendrait plus. Elles investirent dans l’achat d’affichettes représentant un cercueil noir avec la mention « Crédit est mort » en caractères jaunes, et d’autres avis à l’humour douteux.<br /> <br /> Il n'y avait plus que le cas du banquier pour émouvoir, mais bon, on ne peut pas faire d'omelette sans casser au moins un œuf.<br /> <br /> Quant au Maire et à sa fille, ils passèrent momentanément sous antirépresseur.<br /> <br /> FIN<br /> <br /></font></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlFILM AU VILLAGE [Nouvelle 05 - Part 1]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-10-15:6895302006-10-15T10:55:00+02:002006-10-15T10:55:00+02:00 La lettre était adressée à «Monsieur le Maire», elle assurait que «son...
<p><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_fleurs.2.jpg" alt="medium_fleurs.2.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" />La lettre était adressée à «Monsieur le Maire», elle assurait que «son village avait été choisi parmi beaucoup d'autres, pour son authenticité, sa lumière…».<br /> Il en avait surligné quelques passages, «… si intelligemment préservé au cours des années, par ses administrateurs. Le premier d’entre eux…», avant de tendre fièrement la lettre à sa fille.<br /> Elle avait lu et relu la bonne nouvelle, imprimée sur du papier 90 grammes glacé, couleur chair avec un joli logo coloré en haut à gauche.<br /> <br /> Il était touché par cette reconnaissance. Bien sûr, il l’avait activement recherchée ; créant au fil du temps et des modes, des concours de pétanques, un marché artisanal, un prix de la Nouvelle, des concerts de jazz. Enfin, il récoltait, c’était l’heure. Tous les « ploucs locaux » — comme les nommait sa fille — le regarderaient autrement.<br /> <br /> De plus, ces louanges venaient d'hommes d’art, du septième ! Des artistes comme l'étaient sûrement ces cinéastes, des spécialistes, des gens de la capitale, il était ravi.<br /> <br /> Les Productions NKVI tournaient un long-métrage et cherchaient un village provençal afin d'y tourner quelques scènes extérieures — trois ou quatre — le restant du film étant tourné en studio, dans un pays de l’Est. Les figurants seraient recrutés sur place et les commerçants, voulant louer leurs locaux pour quelques heures de tournage et contre rétribution, devraient se faire inscrire à la mairie en temps voulu.<br /> <br /> Le Maire composa, lui-même, le numéro de téléphone figurant sous le logo. Un secrétaire lui passa une responsable, très courtoise, qui lui confirma le contenu de la lettre.<br /> <br /> Le Maire était prêt à faire de la figuration et il invita ses administrés préférés à faire de même ; arguant qu’au niveau des probabilités, l'occasion d'apparaître dans un film de cinéma ne se reproduirait sûrement pas avant au moins mille ans.<br /> <br /> Il inscrivit le local municipal au début de la liste que lui demandait la production, puis la fit circuler chez tous les commerçants. Il envoya un fax à NKVI — comme convenu par téléphone — afin d'officialiser son accord, précisant que la liste des commerçants volontaires serait prête à leur arrivée.<br /> <br /> Quatre jours après l’envoi de son accord écrit, l'équipe de cinéastes débarqua dans un gros « Toyota » tirant une grosse remorque en aluminium. Elle contenait une partie du matériel nécessaire au tournage. Sur les portières de l’imposant véhicule, il y avait une panthère noire bondissant sur un soleil couchant jaune-orangé en dégradé, le logo de NKVI.<br /> <br /> L’attelage se gara devant l’Hôtel de Ville, deux places de parking lui avaient été réservées.<br /> <br /> C'était samedi, en début d'après-midi. Ils étaient quatre, trois types et une femme, portant le même tee-shirt avec la panthère imprimée sur la poitrine. À peine descendus de leur grosse auto, ils se sont étirés, puis ils sont allés directement dans le bâtiment.<br /> <br /> Embusqué derrière le rideau d’une fenêtre de son bureau, le Maire surveillait leur arrivée. Il jubilait, c'était lui que ces gens venaient voir.<br /> <br /> L'entrevue fut très conviviale. La fille blonde, qu’avait envoyée NKVI, était physiquement remarquable. Les villageois avaient tous cru, en la voyant débarquer du 4X4, qu’elle était la vedette du film et, que la panthère de son logo était en relief. Les cheveux très courts, d’une mobilité élégante, elle portait un froc moulant en cuir noir.<br /> Assise en face du maire, qui la regardait bouche bée, elle demanda la liste des commerçants volontaires qu’elle survola avant de la ranger dans une serviette. Un peu plus tard dans la journée, ils établiraient un choix entre eux.<br /> <br /> Elle parla du scénario, le story-board — la partie sensée se passer ici — fut montré au maire. En gros, l’escapade en Provence d’un couple illégitime était le thème des quelques scènes qui seraient tournées dans le village. Une scène dans un restaurant, une seconde dans la campagne environnante et une troisième dans un autre commerce. Si tout se passait bien, possibilité d’une quatrième.<br /> <br /> La fille du Maire avait préparé des rafraîchissements. C'étaient vraiment des « pros », après s'être assurés que tout était clair, et tout l’était, ils proposèrent de se mettre au travail le plus rapidement possible.<br /> <br /> — Vous êtes à peine arrivés, prenez votre temps ? susurra le magistrat amadoué, déçu de ne pouvoir profiter de sa présence plus longtemps.<br /> <br /> — Vous savez, Monsieur le Maire, nous ne sommes pas en vacances. Les artistes traînent une injuste réputation de déjantés, nous sommes vraiment des bosseurs, précisa-t-elle, un éclat de rire à la clé. Et, il y a une production qui nous impose un budget. Il faut aussi profiter du beau temps, on ne sait jamais…<br /> <br /> <br /> Après ce premier contact, ils se sont rendus à l’hôtel du village, « L'Auberge des Trois Chasseurs », pour réserver trois chambres, d’habitude occupées en période de chasse.<br /> Celle qui était exposée plein nord fut réservée au matériel de tournage. De grosses caisses zinguées, qui étaient bien lourdes à déplacer, y furent rangées par l’équipe, aidée par des gars du coin, d’ordinaire plus statiques, mais très excités par la situation.<br /> La blonde s’octroya la seconde et les trois mecs partagèrent la dernière. Ils prendraient leur repas sur place, la patronne était plus que partante pour qu’on tourne une scène dans la salle de restaurant. Elle pensait aux futures retombées.<br /> <br /> À partir de là, ils furent traités comme des princes par tous les villageois — qui voulaient tous apparaître dans le film. Et puis c'est vrai, ils étaient super charmants, ils n’avaient pas la grosse tête. En outre, ils amenaient de l’argent aux commerçants et de la renommée au village. Ils n'étaient pas du tout prétentieux comme l'on pouvait le redouter de la part de gens du monde du cinéma et de la capitale.<br /> <br /> Après, ils ont demandé que tous les volontaires, pour les locaux et la figuration, soient réunis chez Lucette, qui tenait « Le Grand Café ». L'apéritif qu'avait organisé la Mairie afin de fêter l'événement eut un grand succès, j'étais en vacances et j'ai picolé comme les autres. On avait rapproché quelques tables.<br /> <br /> Ils nous ont parlé de la spécialité de chacun d’eux, le cadrage, le son, la lumière, le script, un vrai cours de cinéma.<br /> <br /> Ils avaient tout planifié. Ils comptaient rester six jours dans le village, si la pluie n’entrait pas en scène. Ils comptaient sur nous afin que l'on n'ébruite pas trop leur présence, ils redoutaient la foule qui complique tout lors d’un tournage. Et pour se protéger, ils dévoileraient le nom des vedettes que le lundi soir. De toute façon, on était d’accord pour les garder rien que pour nous. La guerre de clochers était toujours d’actualité.<br /> <br /> Ils feraient les repérages, les essais de lumière dans les différents commerces choisis durant les deux premiers jours, c’est-à-dire dimanche et lundi, puis ils passeraient au tournage proprement dit à partir du mardi matin. Ce jour-là, les deux acteurs, têtes d'affiche du film et le reste de l'équipe du film arriveraient. Tout le monde était surexcité devant cette perspective et l’on a bien arrosé l'événement.<br /> <br /> <br /> Il était 10 heures, le dimanche, quand ils commencèrent les repérages et les essais. Dans l'ordre, l’auberge, le « Grand Bazar » de madame Raynaud, puis la boulangerie de Marcelle, la mairie et la minuscule banque du village. Pour finir l’après-midi dans le bar de Lucette à offrir quelques tournées mémorables.<br /> <br /> Le lundi, ils ont quitté le village vers 10 heures — ce n’étaient pas des lève-tôt — pour aller visiter, repérer plutôt, une vieille chapelle du XIIe, devant laquelle s’écoulait une petite rivière. C’est Léa, la fille du maire qui avait l'air d'en savoir beaucoup sur le sujet, qui nous tenait au courant.<br /> <br /> L'après-midi, ils passèrent aux essais lumière sur les doublures. Quelle pagaille, tous les habitants présents voulaient en être ; bien sûr les propriétaires des lieux étaient prioritaires et aucun ne se désista. Les trois quarts n’avaient pas compris que des essais lumière et faire de la figuration ce n’était pas pareil. Ils firent un tri parmi nous.<br /> <br /> Marcelle fut éclairée derrière son comptoir avec deux clients. Lucette du sien, à servir des verres à tous ceux qui avaient pu entrer — et à faire des additions sur l’ardoise MKVI. À la Mairie, le Maire et sa fille scintillaient de bonheur sous les centaines de watts qui les inondaient. Ils demandèrent si, exceptionnellement, ils ne pourraient pas avoir une k7 ou un DVD de leur prestation. Le cadreur fit oui de la tête, un doigt devant la bouche pour indiquer qu'il ne fallait pas le répéter aux autres.<br /> <br /> La fille du maire passa une partie de la nuit dans la chambre des techniciens, c'est comme cela qu'elle était au courant de plus de détails que nous. C'était la seule qui les appelait par leurs prénoms et, qui les tutoya dès le dimanche.<br /> <br /> Elle nous expliquait leurs rôles dans la production. Production, production, elle n'avait plus que ce mot à la bouche. Elle avait fait un essai personnel d'éclairage, elle passait très bien à l'image et la production ferait sans doute appel à elle pour un essai plus sérieux, faudrait qu'elle monte à Paris.<br /> <br /> Au bout de deux soirées, tous les villageois qui suivaient de près le tournage avaient les yeux incendiés par la quantité d'alcool ingurgité dans les apéritifs offerts par la direction. « Ces gens de la ville, ils savent vivre, eux ! », répétait Lucette, en notant le montant des consommations. Un sous-entendu lourd en direction de la faune locale, qui pourtant la faisait vivre le reste de l’année.<br /> <br /> Le lundi après-midi, ils allèrent tester les lumières sur Mme Raynaud au « Grand Bazar », puis toute l'équipe est allée à la succursale du Crédit Agricole où les derniers essais devaient se dérouler. C’est là que j’ai appris comment fonctionnait une cellule. On a compris que la préparation était vraiment primordiale dans la fabrication d’un film.</p> <p> </p> <p><i>(à suivre)</i></p> <p><i>demain </i></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLA CURE [Nouvelle 04 Part 2]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-10-10:6820352006-10-10T09:20:00+02:002006-10-10T09:20:00+02:00 (suite & fin) La propriétaire de la Jaguar était bien dans ce vieux...
<p><i>(suite & fin)</i></p> <p><font color="#FFFFFF">La propriétaire de la Jaguar était bien dans ce vieux lieu de culte.<br /> <br /> — Dieu ! Que ma vie est triste, je n’en peux plus, je n’en veux plus. D’ailleurs, je suis venue te la rendre !<br /> <br /> À genoux devant l’autel, une femme aux cheveux gris priait à haute voix, elle était vêtue d’un tailleur bleu ciel. La première phrase avait été prononcée sur un ton teinté de lassitude. Celle qui suivait, était plus agressive, saupoudrée d’arrogance.<br /> <br /> — Vois comme je suis devenue vieille et moche, c’est ton œuvre! Y a-t-il de quoi être fier ? A quoi me sert de vivre dans un tel état de délabrement. Je n’ai plus de raison de vivre, alors je suis venue te prévenir, j’arrive ! Elle fouilla dans son sac et en ressortit un revolver à la crosse nacrée. Sa main droite faisait faire des moulinets à l’arme, tandis que la gauche, posée sur sa hanche, donnait à la dame un air provocant. Elle était vulgaire et ses arguments pauvres.<br /> <br /> — Tu vois cette arme… c’est un huit coups. Il est chargé, je vais le retourner contre moi et je tirerai autant de fois qu’il faudra pour en finir. Mais tu m’entends au moins ?<br /> <br /> Elle se tut. Elle attendait manifestement une réponse, mais seul un hibou se manifesta dans le lointain. Lasse d’attendre, ne serait-ce qu’un signe, elle continua en haussant le ton. Elle ne faisait que suivre les instructions données par la sorcière.<br /> <br /> — Tu imagines les dégâts, une vie qui part, dit donc mon Dieu ? Il va y avoir du sang sur le carrelage, sur cette Sainte Vierge encore en bon état et sur les murs. Pourquoi ne réponds-tu pas ? Qu’ai-je de moins que les autres ? Alors, tu vas répondre, oui ?<br /> <br /> Ce oui-là fut hurlé, elle était en furie, comme possédée par un vieux démon, tout penaud devant l’effet qu’il produisait encore. Puis elle se jeta au sol, son corps était secoué par des pleurs entrecoupés de rires hystériques. Elle ne s’embarrassait d’aucune retenue.<br /> <br /> A cet instant un courant d’air aida la porte à se refermer en douceur. Dans le même temps, un nuage se glissa entre le soleil et les vitraux de la chapelle, la nef s’assombrit brusquement. La femme comprit que ces manifestations étaient les signes qu’elles attendait.<br /> <br /> Elle attendait ce moment, elle s’y était préparée mais, ce n’était pas courant comme expérience. D’abord, elle perçut un simple raclement de gorge, rapidement suivi d’un énorme éclat de rire sympathique, la voix l’enveloppa, et ces premières paroles lui arrivèrent.<br /> <br /> <b>— Alors, vieille femme, c’est après moi que tu en as ?</b><br /> <br /> Depuis l’instant où la porte avait claqué, la femme était comme statufiée, ses mains toujours posées sur la tête ; son corps replié sur lui-même, elle était toujours couchée. Seules ses lèvres remuèrent quand elle dit :<br /> <br /> — C’est toi Dieu?<br /> <br /> La réponse fusa, elle fut :<br /> <b>— Peu importe mon nom, mais ne prononce plus jamais celui-là en ma présence. Bon tu ne pouvais pas savoir. D’après ce que j’ai entendu mon enfant… tu permets que je t’appelle Monique ?</b><br /> <br /> Dans sa position, Monique semblait tout permettre. Oui c’est cela, elle permettait tout à partir du moment qu’on ne la frappe pas sur la tête. D’ailleurs, histoire de se prémunir contre un proche avenir qu’elle sentait incertain, elle repositionna ses avant-bras devant son visage à la manière d’un boxeur remontant sa garde. Elle permettait, bien sûr qu’elle permettait, de plus c’était bien son prénom, elle était habituée à ce qu’on la nomme ainsi, elle le dit :<br /> <br /> — Oui, oui je permets…<br /> Puis elle referma la bouche.<br /> <br /> <b>— Bien, bien, c’est un bon début Monique. Comme je commençais à te le dire, j’ai compris ta requête. Tu es en veine, je vais faire quelque chose pour toi, Monique.</b><br /> <br /> Elle se releva lentement, attentive à ne point se blesser sur les divers débris qui encombraient le lieu, elle épousseta méticuleusement son tailleur. Extérieurement tout son être exprimait la crainte, le respect, la peur. A part qu’elle ne savait pas où porter le regard.<br /> <br /> Dans son for intérieur, l’ambiance était bonne. Son attitude, ses paroles, rien n’était spontané, elle avait tout manigancé. Elle ramassa son arme, la remit dans son sac.<br /> <br /> <br /> <br /> En effet, le hasard n’était pas de cette partie. Ce n’était pas lui qui l’avait menée ici. Elle n’avait de penchant ni pour les vieilles pierres, ni pour la religion et elle éprouvait une aversion pour tout ce qui touchait le champêtre ; elle n’avait d’affection que pour sa propre personne et elle n’acceptait pas de vieillir.<br /> <br /> Monique était venue sur les conseils d’une vague connaissance encore plus âgée qu’elle, mais qui paraissait trente ans de moins. Elle lui avait donné, plutôt vendu chèrement, son secret. Pas de médicaments américains à vie, onéreux et incertains sur la durée, fallait juste rencontrer une personne un peu bizarre.<br /> <br /> Pour la trouver, ça ne fut pas simple, elle vivait à l’écart de la ville, à l’écart de tout. Son adresse n’était connue que d’un cercle d’initiés. Certains disaient que c’était la dernière vraie sorcière, un démon femelle. Elle savait des secrets qu’elle n’aimait pas partager ; oui, parvenir jusqu’à elle lui avait coûté cher. Mais ça en valait la peine, ça valait même beaucoup plus et puis, quand on s’aime on ne compte pas.<br /> <br /> Le premier rendez-vous fut fixé dans la nature, prés d’un rocher à la forme méandreuse, comme un gros serpent enlaçant un tronc planté perpendiculairement dans le sol. Monique était en avance, elle tournait autour du rocher afin de meubler l’attente et aussi pour vérifier s’il avait vraiment la forme du dessin qu’on lui avait confié, elle recherchait le serpent.<br /> Bien sûr, si on le veut vraiment, ça y ressemble, se disait-elle ; elle se retrouva face à la vieille sans l’avoir entendu arriver. Elle ne pouvait pas se tromper, il lui manquait juste le balai et, de toute façon, il n’y avait personne d’autre des kilomètres à la ronde.<br /> <br /> C’est comme cela que tout avait débuté. Tout en gravitant cote à cote, la sorcière lui révéla qu’il se passait quelquefois des choses inexpliquées dans une chapelle et que cela ne coûtait presque rien d’essayer, que qui n’essaye rien n’a rien mais qu’il vaut mieux tard que jamais. Ça avait marché pour d’autres alors pourquoi pas pour elle ?<br /> Le plus dur avait été de l’écouter psalmodier sans fin, elle avait peur de l’interrompre, elle craignait de couper le fil de la conversation.<br /> <br /> Monique n’avait rien dit durant tous les après-midi qu’elle avait dû passer en sa compagnie. Écoutant attentivement et prenant des notes, de peur qu’un précieux renseignement soit noyé au milieu de se déluge de mots. La mégère racontait n’importe quoi en mélangeant le patois, le français, le passé, le présent, le futur, les cieux et le sous-sol.<br /> <br /> Finalement, la sorcière satisfaite de son écoute, lui fournit un plan qu’elle avait tracé préalablement sur la feuille d’un vieux cahier d’écolier à spirales.<br /> Puis, sur un calendrier des Postes, elle entoura au crayon une semaine entière, durant laquelle, d’après de très sérieux calculs basés sur le cycle de la lune et d’autres ingrédients plus obscurs, tout serait réuni pour la manifestation à laquelle Monique voulait prétendre.<br /> <br /> Rajeunir, ça n’était pas simple ! La sorcière reçut le cochon qu’elle avait exigé comme paiement, Monique rajouta un flacon de parfum.<br /> <br /> <br /> <br /> Monique n’avait même pas chargé son colt. Son plan avait bien fonctionné.<br /> La Voix reprit :<br /> <b>— Je sais de quoi tu souffres, je vais te donner un coup de main, un coup de jeune. Va t’installer au volant de ton véhicule, regarde-toi dans le rétroviseur, tu vas être contente de moi… et de toi.</b><br /> <br /> Monique fit ce qu’on lui demandait. Calée dans le fauteuil en cuir fauve de la Jaguar, elle ne croyait pas le reflet que lui renvoyait le rétroviseur. Un long moment s’écoula avant qu’elle ne lui fasse confiance ; elle se dévisagea avec attention.<br /> <br /> Sa chevelure était repassée au châtain foncé, c’était dru au-dessus du front. Elle orienta le rétroviseur, comme un projecteur, vers son visage. Disparues les poches sous les yeux, disparues les rides, de véritables canyons pour certaines, qui quadrillaient de façon anarchique et autoritaire son visage cinq minutes auparavant.</font></p> <p><font color="#FFFFFF"><br /> C’était donc vrai. Elle était redevenu désirable, la vie était belle. Ses lèvres étaient brillantes, sa langue se chargeait de l’effet en circulant humide sur toute leur longueur. Elles étaient prêtes à embrasser. Monique avait perdu trente-cinq ans d’un coup, entre l’autel et l’auto. Elle avait réussi.<br /> <br /> Elle enclencha la première et fit faire un tour à la clef de contact. La voiture brouta et parcourut quelques dizaines de centimètres avant de caler. Monique respira profondément et recommença, mais dans le bon ordre cette fois. Elle rejoint la départementale et commença sa descente vers la ville en fredonnant, « Ce soir je serai la plus belle pour aller danser…. », un air qui datait de ses vingt ans.<br /> <br /> — Ça a marché ! ça a marché…<br /> <br /> Ses seins étaient à l’étroit, elle les sentait, elle en avait perdu l’habitude, ils gonflaient. Elle en remercia la Voix.<br /> <br /> — Merci… merci la Voix.<br /> <br /> Cette dernière, qui était restée muette depuis la chapelle, émit :<br /> <b>— Ne me remercie pas, c’est tout naturel !</b><br /> <br /> Monique, devenue presque adolescente sans le savoir, sursauta.<br /> — Je ne savais pas que vous étiez encore là, m’sieur.<br /> <br /> L’acné qui avait gâché son adolescence ressuscitait. Elle se fichait pas mal que la voix soit là ou ailleurs, finalement ça n’était qu’une voix. Une voix ce n’est pas physique, une fois qu’on s’est faite à elle, ça devient complètement inoffensif. Un simple lecteur MP3 avec ses écouteurs suffit à se mettre hors d’atteinte de ce misérable courant d’air bruyant. Mais pourquoi devoir la supporter encore ? Pourquoi n’était-elle pas restée là où elle l’avait entendue ? Mais l’autre ne voulait rien savoir.</font></p> <p><font color="#FFFFFF"><b>— Je suis toujours là ! Sur la banquette arrière si tu veux, attentif, admiratif.</b><br /> <br /> C’étaient les derniers mots que Monique entendrait. Elle eut rapidement un gros problème pour atteindre les pédales, ses jambes n’avaient plus la longueur nécessaire pour effectuer l’opération.<br /> Ses bras étaient trop courts pour atteindre le rétroviseur grâce auquel elle aurait pu s’apercevoir qu’elle n’avait plus qu’une dizaine d’années.<br /> Monique comprenait quand même, pas tout, mais au moins qu’elle s’était fait berner.<br /> Elle se mit à sangloter, appela son père, sa mère. Elle rajeunissait trop vite, c’était insupportable ; sa vie défilait à grande vitesse sans possibilité de ralenti ou d’arrêt sur image, trop rapide… illisible.<br /> <br /> Quelques centaines de mètres avant le lézard vert, elle chantonnait une berceuse, mouillée dans son pipi, Frère Jacques, il devait dormir encore.<br /> <br /> Et ce fut le choc. De la fumée et des flammes, produites par un court-circuit, envahirent l’habitacle.<br /> <br /> La voix se manifesta encore une fois, pour son plaisir, rien que pour elle, elle dit :<br /> <br /> <b>— Et voilà le travail !</b><br /> <br /> <br /> <br /> Le lézard vert ne pouvait donc pas tout savoir. Si vous en croisez, dans le sud, ne vous acharnez pas sur eux, ils ne le méritent pas ; leur queue repousse, c’est un fait établi. Mais c’est douloureux, et rabaissant question amour propre. Épargnez-les, ils dansent si bien.</font></p> <div style="text-align: right"><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_lezard01.jpg" alt="medium_lezard01.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.7em 0pt" height="87" width="251" /></div> <p><br /> <br /> FIN<br /></p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLA CURE [Nouvelle 04 Part 1]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-10-08:6795682006-10-08T17:40:00+02:002006-10-08T17:40:00+02:00 Le gros lézard vert n’en revenait pas. Il s’était forgé, avec l’aide du...
<p><a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/medium_lezard.2.jpg" target="_blank"><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_lezard.2.jpg" alt="medium_lezard.2.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" /></a> Le gros lézard vert n’en revenait pas. Il s’était forgé, avec l’aide du temps, une piètre opinion des êtres humains. Cette fois encore, cette espèce se révélait égale à elle-même. Jusqu’ici chaque contact, établi entre eux et lui, s’était soldé par une tentative d’amputation de ce qui faisait le plus sa fierté, sa queue. Durant leur enfance, les hommes voulaient vérifier si elle repoussait vraiment.<br /> <br /> Comme si ce geste correspondait à un stade bien précis dans leur cheminement initiatique. D’où tenaient-ils cette sotte obsession, sinon de leurs aînés; qu’attendre de telles créatures, si violentes et primitives ? Rien, bien sûr, c’est ce qu’il faisait d’ailleurs, il n’attendait rien sinon un insecte à gober.<br /> <br /> Pourtant, malgré cette belle indifférence, ils avaient réussi à le surprendre une fois encore.<br /> <br /> Ce jour de juillet, il suivait nonchalamment les méandres d’une départementale de l’arrière-pays varois. La route ondulait au milieu d’une forêt de chênes-liège. Le soleil commençait à trouver le temps long, il attendait la lune tout en éclairant paresseusement ces dernières heures qu’il se devait d’assurer. C’était le contrat, depuis le premier jour.<br /> <br /> <a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/medium_MK_II.jpg" target="_blank"><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_MK_II.jpg" alt="medium_MK_II.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="74" width="108" /></a> C’est à ce moment-là, que le petit reptile entendit des pneus crisser sur les gravillons ; la voiture passa tout près de ses pattes, une grosse Jaguar MK II, vert anglais métallisé, avec des roues à rayons. Il n’avait pu apercevoir le chauffeur, il se demandait même s’il y avait quelqu’un au volant.<br /> <br /> Conducteur ou pas, l’auto quitta la route. La séparation fut définitive, et très violente pour le véhicule, qui s’encastra dans un grand chêne, arbre reconnu pour sa solidité, celui-là était bien bicentenaire.<br /> <br /> Le lézard regardait la scène très attentivement, un détail le choquait. Travaillant par élimination, il trouva l’erreur ; elle lui apparut énorme. Que venaient donc faire des pleurs de bébé d’homme ? Il les avait entendus ces sanglots, et ce, dès l’instant où l’auto était arrivée à sa hauteur et jusqu’à celui où elle s’était écrasée sur l’arbre. Un nouveau-né avait pleuré avant de se taire, il en était certain.<br /> <br /> L’arbre, intempestivement secoué, lâcha une averse de glands sur la carrosserie. Ils produisaient des sons différents selon leur taille et les parties qu’ils atteignaient. Improvisant un rythme primitif et basique qui atteignait, au plus profond de lui-même, le reptile à pattes. D’une démarche saccadée, chaloupée, épousant élégamment le tempo temporaire des glands devenus musiciens, il s’approcha de la limousine dans le but d’apercevoir l’enfant. Las, un début d’incendie dans le moteur l’en dissuada.<br /> <br /> Le lendemain, les journalistes de la gazette locale faisaient preuve de leur manque de créativité. Une photo et un texte sur deux colonnes rendaient compte sobrement de cet étrange fait divers. L’ensemble, aimablement fourni par la Gendarmerie :<br /> <br /> « Horreur sur la départementale », criait le titre. Le texte suivait, « Les gendarmes ont fait une bien macabre découverte sur le siège du conducteur d’une automobile de luxe de marque anglaise […] en effet un fœtus de sexe féminin à demi consumé […] recherche du propriétaire […] une sombre énigme à résoudre pour nos fins limiers […] Peut-être une intervention divine ou extra-terrestre… », suggérait en final, l’auteur de l’article, qui avait interviewé deux villageois.<br /> <br /> Naturellement pas un mot du lézard, on le comprend bien ; lui-même avait du mal à le faire, à le comprendre, du coup il se mit dans la tête qu’il avait affaire à des journalistes incompétents, plus de collaboration que d’investigation ; ce qui conforta, s’il en était besoin, sa répugnance pour l’humain.<br /> <br /> Cette limousine anglaise, avant de la voir finir dans un arbre, il l’avait déjà croisée en début d’après-midi. Elle était garée devant une chapelle abandonnée, une future ruine, bordée par des ronces et située au sommet du massif.<br /> <br /> L’endroit était le plus souvent désert. Son ordinaire n’étant épicé que par les visites de couples préférant ce lieu bucolique au morne cadre d’un l’hôtel. Il en avait vu le lézard, il avait une langue très longue, mais très fine, pas assez large pour parler, juste satisfaisante pour siffler.<br /> <br /> Il avait entendu la voix d’une femme, elle semblait très excitée. Une voix de géant lui répondait. Malgré les lieux, il ne se fit pas prier et, écoutant sa peur, il s’en alla.<br /> Pour ces diverses raisons, il ne faut pas compter sur lui pour nous conter ce qu’il s’est passé entre la chapelle et l’accident, son rôle s’arrête ici.</p> <p>C’est déjà pas mal pour un lézard !</p> <p> </p> <p><i>(à suivre)</i> </p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLa REINE des CIGALES [Nouvelle 03]tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-10-04:6731262006-10-04T16:25:00+02:002006-10-04T16:25:00+02:00 Dès qu'il l’emprunta, il se sentit apaisé. Il ne doutait plus de rien,...
<p><a href="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/medium_cigale.jpg" target="_blank"><img src="http://tranchedevue.hautetfort.com/images/thumb_cigale.jpg" alt="medium_cigale.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="194" width="146" /></a>Dès qu'il l’emprunta, il se sentit apaisé. Il ne doutait plus de rien, c'était sûr, le sentier le mènerait exactement là où il voulait aller, chez lui, at home. C'était une certitude, ce n'était pas la première fois, il le connaissait bien ce chemin et dans les deux sens, il n'avait plus de secret pour lui. Ce n'était plus qu'une question de temps, il lui suffisait d'avancer une jambe devant l'autre pour progresser.<br /> Ce trajet, il aurait pu le faire les yeux fermés, je dis « presque », car la pluralité nombrable, au sujet de ses yeux, n'était plus de circonstance. Depuis très peu, il fallait parler d'eux au singulier, plus simplement il fallait dire son œil.<br /> <br /> Il revenait de la ville, il y avait passé la journée. Le soleil s’attelait à poursuivre sa lente chute, et lui poursuivait son ascension, ils allaient se croiser. <i>«Quand je serai rendu tout en haut, le soleil sera vomi tout en bas»</i> pensait-il, tout en souriant devant le niveau de ces propos, le sentier l’inspirait. Il était de bonne humeur, c’était l’été et après tout, cette journée s'était bien passée, il n'avait perdu que deux doigts et un œil.</p> <p>Dans la matinée, il passa du temps dans un bar près du port où il avait ses habitudes. Il était ainsi, coudes appuyés au comptoir, il survolait le quotidien local ; dans le miroir mural, son regard fut interpellé par les clignotements colorés du «flipper». L’envie d'aller glisser une pièce dans sa fente lui traversa l’esprit. Il finit sa bière et se jeta à l'abordage de l'engin.</p> <p>La partie ne dura pas longtemps, il projeta la bille en acier le plus fortement possible, elle abattit une cible côté gauche, 10 000 points, revint sur la droite, s'immobilisa un instant dans un orifice avant d'en être éjectée, 30 000 points, vers une seconde cible, cela faisait 40 030 points. C'étaient les derniers, il n'en ferait pas davantage. La bille en avait décidé autrement, elle épousa une trajectoire rectiligne qui la mena directement entre les deux flippers.Quand elle arriva à leur portée, l’homme pressa sur le flipper de droite, il entendit alors un craquement sec au niveau de la main. La bille, légèrement déviée, se dirigea vers le flipper gauche, il appuya prestement sur ce dernier afin de tenter la «fourchette» salvatrice, un autre craquement, identique au premier, se fit entendre. À peine effleurée, la bille finit sa course dans le ventre de la machine.</p> <p>Il regarda ses mains, elles n'avaient plus que quatre doigts chacune. Les deux majeurs se trouvaient au sol. Il s'accroupit, ramassa celui de la main gauche, qui portait une alliance et le mit dans sa poche. Il tira un coup de pied au second afin de le faire disparaître de sa vue. Il donna aussi un coup de pied à la machine qui se vengeât d’un «Tilt» rageur. Le chiffre 30 fit alors son apparition dans un petit rectangle, indiquant au joueur qu'il avait gagné une partie gratuite à la loterie, la garce !</p> <p>Après cet épisode, il avait rejoint le comptoir. Il sirotait une seconde bière en réfléchissant à ce qui venait de se passer. Le processus s’était mis en marche, son tour était venu…</p> <p>Un type à l'air éméché fit son entrée, il vint s'installer à côté de lui. Il commanda une pression qu'il but d'un trait. Il plongea les mains dans ses poches à la recherche d'un peu de monnaie afin de payer sa boisson. Ses poches étaient vides, il les triturait dans tous les sens, il avait l'air réellement étonné de ne rien en ressortir. Il était sincèrement désolé.</p> <p>Le patron aussi était désolé, son sourire s'était évaporé, ses fines lèvres frémissaient, son regard ne distillait plus aucune compassion pour l'espèce humaine, surtout quand celle-ci s'avérait incapable de régler ses consommations. L'homme au doigt dans la poche se décida à intervenir, il paya le demi du buveur désargenté et lui en offrit un deuxième. Rassuré, ému jusqu'aux larmes, le patron les servit.</p> <p><i>«Cela aurait dû s'arrêter là…»</i> pensait-il, en progressant sur le sentier ? Il se tâtait machinalement la poche pour vérifier que le doigt y était toujours.</p> <p>Hélas, l'autre type avait voulu lui prouver sa reconnaissance. Il lui administra une tape amicale et virile sur l'épaule, une coutume de là d’où il venait, sans doute. Peu aidé par l'alcool, il fit une mauvaise évaluation de la distance, la main atterrit derrière la nuque. Sous le choc, l’œil était tombé dans le verre de bière. Il avait fallu le récupérer avec deux doigts, mais sans l’index, c’était difficile. Finalement, le patron lui avait tendu une petite cuillère.</p> <p>Tout cela s’était passé en public, très dur à supporter.</p> <p> </p> <p>Il s’éloignait du bar, de ce lieu de perdition, il n’irait plus en ville. Il marchait, bercé par le chant strident des cigales, il aimait les cigales. Il savait quelque chose d'étonnant au sujet de ces gros insectes, il l'avait lu dans un épais dictionnaire. Les cigales sont des suceuses, des suceuses de sève.</p> <p>Même, que ça l'avait fait drôlement fantasmer. Durant une période, il avait méticuleusement quadrillé le bois dans le fol espoir d'en trouver une plus grosse que la moyenne, cela à des fins personnelles.</p> <p><i>«Les abeilles ont bien une reine, elle est énorme par rapport à ses sujets. Idem pour d'autres insectes. Alors pourquoi la nature, qui fait si bien les choses, n'aurait pas fait de même pour les cigales ?»</i> voilà ce qu’il pensait.</p> <p>Dans ce cas, la nature avait-elle bâclé ? Il n'avait rien trouvé. Pourtant, lors d'une de ses virées en ville, il avait subi un grand choc. Accrochée à la vitrine d'un artisan en céramique, il avait vu de ses yeux, la reine des cigales ; elle faisait bien trente centimètres de long. Tout excité, il était entré dans la boutique pour demander à l'artiste l'adresse du modèle. Poliment, mais fermement, il avait été éconduit. Un sale égoïste cet artiste, il voulait la garder pour lui tout seul. Enfin, il ne jugeait pas, sans doute aurait-il agi de même. Il avait continué sa quête jusqu’au jour où il avait rencontré sa compagne.</p> <p>Absorbé par ses pensées, comme l'encre peut l'être par le buvard et, ayant de surcroît abandonné la moitié de sa vision dans une chope, il ne fut pas en mesure d'éviter un caillou, là, au milieu du chemin. C'est donc tout naturellement que son pied droit vint le heurter. La collision fit une victime, aurait pu consigner un brigadier de Gendarmerie créatif rédigeant son rapport. Pour le pied, l'aventure était terminée, il s'était désagrégé dans la chaussure. L'ensemble fut abandonné sur place.</p> <p>Il fit quelques mètres à cloche-pied et ramassa une branche qu’il tailla avec son Opinel. Il s’en servit de canne. Il se maudissait pour son coupable manque d'attention. Deux doigts, un œil, un pied, il sentait sa bonne humeur s'effriter.</p> <p>Dorénavant, sa progression était pénible. Il devait user de son autre pied avec précaution, il était hors de question de le perdre, ça suffisait pour la journée. Il avait du mal à s'imaginer finir la côte en rampant. Ramper ce n'était pas dans ses habitudes, plutôt attendre la mort à l'instant, sur un seul appui ; une simple question d’amour propre, <i>«J’ai de l’orgueil, alors ?»</i><br /> <i>«Orgueil»</i>, le mot se mit à résonner dans sa tête. Un effet d'écho, <i>«gueil… gueil… gueil…»</i>. Sa boîte crânienne faisait office de caisse de résonance. Ce n'était pas normal. Il cessa de penser à son orgueil, un bourdonnement pénible avait pris la place. Ce bourdonnement, ce n’était pas la première fois qu’il lui gâchait son audition.</p> <p>La décompression ! C'était donc... la décompression ! Ça s'était déjà produit dans le temps. Il en avait parlé à son généraliste, qui lui avait alors demandé si la côte qu'il empruntait avait une forte déclinaison. Notre homme l'avait prié d'être plus clair, d'employer des mots très simples. Le docteur avait griffonné un croquis, un trait droit oblique, une croix qui représentait le marcheur, deux flèches, ses mouvements et c'était devenu limpide. Explication, arrivées à une certaine altitude, ses oreilles se bouchaient.</p> <p>Se remémorant un précieux conseil recueilli lors de cette consultation, il pinça ses narines entre deux doigts, serra ses lèvres et souffla puissamment. Hélas, ce geste si anodin pour la majorité d'entre nous — et qui débouche les oreilles, normalement — eut une conséquence surprenante pour lui. Sous la pression, le nez et les doigts qui l’enserraient, furent projetés à une quinzaine de mètres au-devant leur propriétaire. Ils tombèrent devant l'entrée du terrier d'un rongeur qui les saisit prestement et les fit disparaître dans son trou.</p> <p>Notre homme devint subitement songeur. Il s'était dépensé sans compter durant cette journée, s'éparpillant même et, inéluctablement, l'heure de faire les comptes était arrivée, elle était là.<br /> Peut-être n'avait-il plus assez de doigts pour faire le total ? Il s’arrêta afin de mieux se concentrer et il se lança. Deux doigts, un œil, un pied, encore deux doigts plus un nez, cela faisait six. Mais que nenni, rectifia-t-il aussitôt, ça faisait bel et bien sept, il avait omis juste un doigt. Ouf, son cerveau était toujours entier et en bonne place.</p> <p>Faire une addition mentalement, c'était un challenge pour lui, mais il avait de la chance, il n'y avait pas de virgule. C'est vrai, il n'était pas malin. Enfant, quand il traînait dans les jambes de ses parents, on lui demandait d'aller faire pisser les poules, pauvre gosse, il s’exécutait. Que de temps perdu. Dans tous les domaines, il avait pris du retard.</p> <p>Ceci résumé, sans son nez, au rayon look le résultat était hallucinant ; heureusement, il était seul.</p> <p>Plus grave que ces banales considérations esthétiques, il avait perdu l’ouïe. Il porta les auriculaires dans chacune de ses oreilles et leur fit effectuer un mouvement rotatif dans l'ultime espoir de déboucher ce qui pouvait l'être.</p> <p>Pour ces deux-là, ce fut la fin d'une vie remplie de bons et loyaux services, ils restèrent plantés dans les orifices visés.</p> <p> </p> <p>Finalement, il arriva devant la maison. Désirant épargner le peu de main qui lui restait, il ouvrit la porte à l’aide de son postérieur. Elle donnait dans la cuisine. Il alla directement vers une étagère en bois blanc sur laquelle était posé, entre autres objets, un récipient cylindrique de marque <i>Tupperware</i>. De transparence limitée, il était rempli d'un liquide à la couleur incertaine, tirant sur le jaunâtre.</p> <p>Dans le premier, baignaient une oreille et une bouche, il prit la dernière à l’aide d’une pince en bois, l'embrassa tendrement et la reposa dans le bocal. Puis, portant délicatement, entre deux doigts, l'oreille à hauteur de sa bouche, il murmura : <i>«Bonjour ma tendre, ma douce amie…»</i> puis il poursuivit en chuchotant, racontant dans les moindres détails ce qu'il avait fait de sa journée.</p> <p>Cela lui prit du temps, la nuit était tombée quand il remit l'oreille à sa place. S'apercevant qu'il ne l'avait pas encore fait, il referma la porte d'entrée. Brusquement, il se tapa le front, sans aucune violence, avec la paume de la main ; geste signifiant pour lui : <i>«J'ai oublié quelque chose!»</i>, il fouilla dans sa poche, récupéra l’œil et le doigt. Il les déposa, avec délicatesse, dans le second récipient... le sien.FIN</p>
areuhhttp://tranchedevue.hautetfort.com/about.htmlLES BOCAUX (Nouvelle 01)tag:tranchedevue.hautetfort.com,2006-09-28:6635722006-09-28T11:00:00+02:002006-09-28T11:00:00+02:00 Sûr qu’elle était bizarre la Geneviève, elle n’était pas comme nous...
<p> <br /> Sûr qu’elle était bizarre la Geneviève, elle n’était pas comme nous autres, ça se voyait. Elle jouait toujours seule, elle n’appréciait pas notre compagnie. D’ailleurs, les deux frères et moi, elle nous traitait de blaireaux, ça allait que c’était notre sœur sinon on l'aurait jetée dans le purin de temps en temps.<br /> Elle écoutait de la musique classique et des chansons anglaises dans son antre, elle avait toujours un livre pas loin d’elle. Nous, pour se distraire, on allait dans les bals de village, on essayait de lever des filles sur des musiques du pays. Sûr, on ne branchait pas grand monde avec les frères, alors on se remplissait de vinasse avec les gars du village et, sur le retour, on se vidait derrière un bosquet, et puis derrière un autre, ainsi de suite jusqu’à la ferme. On savait s’amuser, quoi.<br /> <br /> Le lendemain de sa disparition, on est tous entrés dans sa chambre. Depuis des années, il n’y avait que la mère qui y était invitée. C’est la seule qui ne fut pas étonnée par le décor. Des affiches de cinéma et de petits cadres ornaient un mur, celui où était la tête du lit. Sur les trois autres, des tas de bocaux en verre — ceux que l’on utilise pour les conserves — étaient alignés sur des étagères. Dans chaque pot, il y avait de la terre.<br /> <br /> <br /> Elle était fille de paysans, fille de la terre comme nous ; on aimait la terre nous aussi, la bonne terre bien grasse de chez nous. Mais, on était loin d’en remplir des pots pour les exposer.</p> <p>« C’est la terre qui vous nourrit ! », rappelait périodiquement le père. Il disait aussi, « la terre c’est votre mère ». Et, il avait une maxime rigolote : « La vie est ainsi faite, quand on n’a pas de chapeau on se met une casquette. ». Sinon, il ne disait pas grand-chose, mais il parvenait à gueuler souvent. Avec l’âge, il s’est calmé.<br /> Le pire, c’était que dans ses pots ce n’était pas de la terre de chez nous qu’il y avait.<br /> <br /> Je me suis souvenu du premier de ces pots, le pot « Sénégal ». Il était arrivé dix ans plus tôt dans cette chambre. Ma sœur avait alors sept ans, j’en avais neuf. Sa manie avait commencé au cours élémentaire ; mais, je n’avais pas imaginé qu’elle avait perduré.<br /> La fille de l’institutrice allait partir une semaine au Sénégal, elle avait parlé de ce voyage durant toute l’année scolaire. La grande amie de ma sœur rejoignait, avec ses parents, le frère de sa mère, son oncle, en poste là-bas. Ils devaient rester une semaine en Afrique. Moi, ça me laissait froid, je me trouvais très bien ici, au pays, avec les autres. Mais, Geneviève, elle serait bien partie, elle le disait et, ce n’était pas la peine de le dire, ça se voyait dans ses yeux.<br /> <br /> Le jour du retour de l’institutrice, elle attendait devant leur maison, elle faisait les cent pas, comme on dit. Elle est revenue chez nous avec un sac en plastique et une girafe en peluche. Elle a offert le jouet à ma mère et elle a transvidé le contenu du sac dans un bocal à conserve — avec un joint en caoutchouc tout autour de l’ouverture pour ne pas laisser passer l’air — qui traînait sur la grande table de la cuisine. Même que le père a dit que ça ne servait pas à faire des conneries les bocaux avec joint.<br /> Elle a collé une étiquette avec Sénégal écrit dessus. Ce premier bocal est resté longtemps sur sa table de nuit. Elle prétendait que grâce à lui, elle faisait des rêves merveilleux en Afrique ; qu’elle avait déjà entendu des rugissements et d’autres sons venus de la savane, mais qu’elle n’avait pas eu peur, car le bocal était bien fermé ! Comment pouvait-elle entendre un simple craquement de branche alors que le pot était clos ? Elle me souriait gentiment. Avec ses pots, elle voyageait, qu’elle disait<br /> <br /> <br /> Certains étaient pleins, d’autres à moitié ça faisait comme une petite colline pointue, comme si la terre était passée dans un sablier. Comment faisait-elle ça ?<br /> Tous contenaient de la terre d’ailleurs et les couleurs étaient différentes ; je me suis demandé si la couleur des hommes est en rapport avec celle du sol où ils posent leurs pieds ; mais cette question ne voulait rien dire.<br /> <br /> Nous, la terre elle nous fait rêver à des tracteurs tout neufs, des sillons bien droits et parallèles. Le printemps en fleur et l’automne qui rend triste. Au fil du temps, d’autres pots ont rejoint sa collection, il a fallu lui installer des étagères, comme une bibliothèque avec des bocaux à la place des livres ; à l’école, tous les élèves qui faisaient un séjour à l’étranger savaient ce qu’ils avaient à faire dès leur retour. Il y avait dix ans de collection.<br /> La terre, elle nous fait aussi rêver à une géante moissonneuse-batteuse américaine qui fonce sur la ferme, c’est pour quand on fait des cauchemars.<br /> Année après année, elle a eu le monde entier dans sa chambre, elle n’en sortait pratiquement plus et elle nous en avait interdit l’accès.<br /> <br /> Un jour, elle nous a expliqué qu’elle n’était pas trop difficile, elle ne voulait pas un bocal pour chaque pays ; par exemple, inutile d’avoir un bocal pour l’Algérie, un autre pour le Maroc et un dernier pour la Tunisie, elle a donc mélangé les trois dans un seul pot marqué Maghreb, nous expliquant que la nature du sol n’allait pas changer derrière les lignes des frontières.<br /> <br /> Je ne l’ai pas dit jusqu’à présent parce que c’est de ma frangine dont on cause, mais faut préciser qu’elle était bien mignonne, la Geneviève. Et, même un peu trop pour ce coin perdu. Mignonne, mais trop fluette pour les travaux de la ferme. C’est sûr, son avenir n’était pas ici.<br /> <br /> De plus, elle n’avait pas trop les pieds sur terre, comme on dit. À moi, son frère, elle n’adressait plus la parole depuis six ans. Exactement depuis le soir où j’ai lu à haute voix un message qu’elle avait glissé dans une bouteille en plastique.<br /> <br /> Elle l’avait jetée dans le ruisseau qui longeait le champ de maïs, dans l’espoir qu’elle atteigne l’océan. Comme je l’espionnais souvent — ce jour-là, j’étais perché dans un chêne — il m’a été facile de la repêcher. Elle avait écrit, de sa plus belle écriture qu’elle attendait celui qui viendrait la sauver de sa triste existence. On a tous bien rigolé ce soir-là, les vieux aussi. Elle s’est réfugiée dans sa chambre en chialant et, depuis plus un mot ; six ans sans un mot pour moi et si peu pour les autres membres de sa famille, elle avait douze ans à l’époque.<br /> <br /> Elle prétendait que le vent était un voleur depuis que des robes, qu’elle avait étendues sur l’herbe, avaient disparu à tout jamais. Comme si le vent pouvait voler quoi que ce soit ? Par contre, des cons vicieux de campagne, ça ne manquait pas dans les alentours. Elle préférait que ce soit le vent.<br /> <br /> <br /> Et puis un jour, c’est elle qui a disparu, sans crier gare, comme on dit. Il faut dire qu’il faut être lourd pour dire « gare ! » en partant, sauf si on va à la gare et qu’on s’adresse à un taxi ; et c’est peut-être bien ce qu’elle a fait la Geneviève, se tirer en train.<br /> À l’époque, on ne savait pas trop bien quoi penser sur ce départ fulgurant. Nous, les paysans du coin, on aime bien avoir la télé TF1, le frigo et tout ce qui marche à l’électricité, et les docteurs ; les congélateurs aussi, c’est très pratique quand on n’a pas un supermarché à côté. Mais, de l’autre main on se cramponne aux trucs des anciens, les vieilles médecines, la tradition, les coutumes, la sorcellerie... Les frères s’étaient imaginé que Geneviève pratiquait la magie et qu’un jour, elle partirait dans son monde, dès qu’elle aurait choisi sa destination... son pot quoi!<br /> Elle a emporté ses livres, ses disques et ses dessins, quelques fringues, mais elle a laissé ses pots. Le train, les bocaux ou alors une troisième piste. Un vieux bus anglais à impériale a fait halte un soir aux abords de la ferme — la veille de la disparition de ma sœur. Deux types sont venus nous demander la permission de passer la nuit à cet endroit ; on a bien rigolé, avec leurs cheveux longs ils ressemblaient à deux nanas. Ils n’ont pas fait de bruit, sauf le matin en partant, ils ont klaxonné une dizaine de fois, sans doute pour nous remercier. On a attendu deux semaines, et là, on a compris qu’elle ne reviendrait plus. Bon débarras qu’on s’est dit, on a vidé sa chambre, c’était sinistre toute cette couleur marron sur les murs. Afin que la mère récupère les pots, on a versé toute la terre qu’ils contenaient dans les champs, un sacré compost qu’on se disait, et pas cher. Et un pot, c’est vraiment utile, ce n’est pas fait pour décorer sans servir.<br /> <br /> Et puis, quelques mois plus tard, on s’est maudit ; toutes nos cultures ont été détruites, comme si des petites bêtes mangeaient les graines sous le sol. Même les champs des voisins y sont passés ; à la vérité, ça allait bien plus loin, le désastre, à l’œil nu on le voyait se répandre. Quand on a raconté l’histoire des pots, tout est devenu clair. Les ingénieurs agronomes qui travaillaient sur place, et à qui on s’est finalement confié, ont compris tout de suite. Ils nous ont expliqué le phénomène : l’un des pots provenant d’un pays d’Asie, contenait des larves d’un insecte qui bouffe tout sur son passage et qui a proliféré sous notre climat.<br /> <br /> Aujourd’hui, nous sommes ruinés, notre terre ne vaut plus rien et l’on a un tas de procès sur le dos. Si Geneviève avait bien voulu se contenter de voyager en France, on n’en serait pas là !<br /> <br /> J’ai repris mes études, il faut que je trouve du boulot. Maintenant que j’y pense, je me demande si elle n’avait pas jeté d’autres bouteilles.<br /> <br /> FIN<br /> <br /></p>