Last posts on tonga2024-03-29T03:00:55+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/tonga/atom.xmlYannick Ferhttp://yannickfer.hautetfort.com/about.htmlNoël aux quatre coins du Pacifiquetag:yannickfer.hautetfort.com,2011-12-25:41626152011-12-25T16:39:00+01:002011-12-25T16:39:00+01:00 Au centre commercial de Tapoo City, à Suva (Fidji), le Père Noël a enfilé...
<p style="text-align: justify;"><img id="media-3355903" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://yannickfer.hautetfort.com/media/00/01/4281012494.jpg" alt="noël,christmas,fidiji,pacifique,églises,religion,océanie,polynésie,tahiti,tonga,protestantisme,mormon,samoa,hawaii,sociologie,anthropologie" />Au centre commercial de Tapoo City, à <strong>Suva</strong> (Fidji), le Père Noël a enfilé son manteau et ses gants pour accueillir les visiteurs (il est en photo dans le <a href="http://www.fijisun.com.fj/2011/12/25/santa%E2%80%99s-treat-for-kids/" target="_blank">Fiji Sun</a>)... Comme tous les ans, Noël donne lieu dans les îles du Pacifique à des scènes assez surpenantes, où l'on voit surgir <strong>des rennes et des traineaux sur fond de cocotiers</strong>, tandis que le Père Noël semble à peine se remettre du décalage horaire après un vol très long courrier. Certes, depuis les premières missions du 19ème siècle, le christianisme est bien devenu une religion d'Océanie, un élément central de l'identité océanienne telle que la définissent aujourd'hui les Océaniens. Et les représentations de Jésus et de la sainte famille leur attribuent souvent des traits océaniens. Mais l'imaginaire de Noël, avec ses sapins (on en trouve sur les hauteurs de certaines îles de Polynésie française, notamment, où ils ont été plantés pour freiner l'érosion mais provoquent aussi une acidification des sols), ses guirlandes et son Père Noël, garde un air d'exotisme irréductible.</p><p style="text-align: justify;"><img id="media-3355916" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://yannickfer.hautetfort.com/media/00/00/2399784093.jpg" alt="noël,christmas,fidiji,pacifique,églises,religion,océanie,polynésie,tahiti,tonga,protestantisme,mormon,samoa,hawaii,sociologie,anthropologie" width="120" height="120" />Noël est aussi une fête de famille, l'occasion de retrouver les membres de la famille éparpillée par les <strong>migrations internationales</strong> ou de donner quelques coups de téléphone en Australie, en Nouvelle-Zélande ou aux Etats-Unis, où se concentrent les plus importantes communautés de <em>Pacific Peoples</em>, migrants majoritairement originaires de Samoa, Tonga et des îles Cook. Sur le site de <strong>Tonga News</strong>, <a href="http://www.taimionline.com/articles/6437" target="_blank">Lopeti Senituli</a> imagine ainsi un dialogue entre une mère tongienne et son fils installé en Nouvelle-Zélande, qui rappelle l'humour des <a href="http://yannickfer.hautetfort.com/archive/2007/04/16/petits-contes-du-pacifique-epeli-hau-ofa.html" target="_blank"><em>Petits Contes du Pacifique</em></a> du Tongien Epeli Hau'ofa: il y est notamment question de Hastings (Hawke's Bay, au nord d'Auckland), où les travailleurs tongiens se retrouvent chaque année pour participer à la cueillette des pommes, et de la collecte annuelle de l'église de village à Tonga, des collectes auxquelles les migrants contribuent très largement.</p><blockquote><p style="text-align: justify;">- "Combien le village a-t-il récolté d'argent?" demande le fils, qui a envoyé 3000$.</p><p style="text-align: justify;">- "En tout, nous avons eu 65,000$", répond la mère.</p><p style="text-align: justify;">- "Et quel était le montant fixé comme objectif ?"</p><p style="text-align: justify;">- "Le village devait atteindre 35,000$. Est-ce que ce n'est pas magnifique! Nous avons récolté partiquement le double de ce qu'on nous demandait ! N'est-ce pas magnifique ! Comme les gens aiment Dieu !"</p><p style="text-align: justify;">Et comme le fils s'étonne de l'écart entre la somme fixée et les montants récoltés, il s'attire les remontrances d'une mère, qui contrairement à ces enfants exilés, reste attachée à la vie d'église traditionnelle et aux logiques de surenchère que l'on retrouve lors des collectes de la plupart des églises protestantes du Pacifique (voir notamment <a href="http://jda.revues.org/329" target="_blank">l'article de G. Malogne-Fer</a> sur la collecte du mê en Polynésie française):</p><p style="text-align: justify;">- "Quoi ? Que dis-tu? Comment oses-tu? Ferme-là ou je vais venir jusqu'à Hastings pour te clouer le bec! (...) As-tu oublié que ton père est mort en servant l'église! Qu'il a travaillé pendant trente ans de sa vie comme chef des diacres de l'église de notre village pour vous assurer, à toi et à tes frères et soeurs, toutes les bénédictions de Dieu! As-tu oublié tout ça! Et maintenant que tu es un grand monsieur, tu commences à critiquer l'église?"</p></blockquote><p style="text-align: justify;">Les îles anglophones du Pacifique ont repris la tradition des "<strong>Christmas Carols</strong>", ces chants de Noël que l'on chante à l'église mais aussi dans les rues, de porte à porte. A <strong>Rarotonga</strong> (îles Cook), une chorale rend visite aux malades de l'hôpital:</p><p><object style="height: 210px; width: 380px; display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" width="380" height="210" data="http://www.youtube.com/v/5iFzrGDnUxg?version=3&feature=player_detailpage" type="application/x-shockwave-flash"><param name="wmode" value="transparent"></param><param name="wmode" value="transparent" /><param name="allowFullScreen" value="true" /><param name="allowScriptAccess" value="always" /><param name="src" value="http://www.youtube.com/v/5iFzrGDnUxg?version=3&feature=player_detailpage" /><param name="allowfullscreen" value="true" /><param name="allowscriptaccess" value="always" /></object></p><p style="text-align: justify;">En Australie comme en Nouvelle-Zélande (où le christianisme a nettement décliné chez les descendants de migrants européens au cours des dernières décennies), les <em>Pacific Peoples</em> constituent aujourd'hui une grande partie des forces vives de beaucoup d'églises protestantes. "Les traditions samoanes font chanter la communauté d'église", écrit ainsi le <a href="http://www.canberratimes.com.au/news/local/news/general/samoan-traditions-get-congregation-on-song/2403366.aspx" target="_blank"><em>Canberra Times</em></a> (<strong>Australie</strong>) qui a rendu visite à un groupe de jeunes samoans méthodiste occupés à répéter des chants de Noël:</p><p><iframe width="380" height="214" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="http://www.youtube.com/embed/AZ2o1qkMLNk?feature=player_embedded" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe></p><p style="text-align: justify;"><img id="media-3355937" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://yannickfer.hautetfort.com/media/01/02/2019079090.jpg" alt="noël,christmas,fidiji,pacifique,églises,religion,océanie,polynésie,tahiti,tonga,protestantisme,mormon,samoa,hawaii,sociologie,anthropologie" width="126" height="84" />A <strong>Salt Lake City</strong>, aux Etats-Unis (<a href="http://www.deseretnews.com/article/700206236/Choirs-welcome-Tonga-princess-to-Salt-Lake-City.html" target="_blank">Deseret News</a>), une chorale de Noël samoane accueille la princesse Salote Mafile'o Pilolevu Tuita, soeur du <a href="http://yannickfer.hautetfort.com/archive/2010/11/28/tonga.html" target="_blank">roi de Tonga Tupou V</a>, en visite dans cette capitale mondiale de l'église (mormone) de Jésus-Christ des saints des derniers jours (Tonga est le pays au monde qui compte la plus forte proportion de Mormons, près de 15% de la population).</p><p style="text-align: justify;">Tandis qu'en <strong>Nouvelle-Zélande</strong>, dans une société qui - du fait des migrations internationales - conjugue aujourd'hui un biculturalisme officiel (entre Maori autochtones et Pakeha, descendants des migrants européens) et un multiculturalisme de fait, avec une diversité culturelle et religieuse croissante, le <a href="http://www.stuff.co.nz/auckland/local-news/east-bays-courier/6165705/Christmas-of-many-cultures" target="_blank">East & Bays Courier d'Auckland</a> s'intéresse au Noël des "multi-ethnic families", les familles multiculturelles.</p><p style="text-align: justify;">Et pour finir ce voyage de Noël dans les îles du Pacifique, voici la version hawaiienne d'un des chants de Noël les plus chantés dans le monde, sur fond de <strong>paysages hawaiiens</strong>:</p><p style="text-align: justify;"> </p><p><object style="height: 260px; width: 420px; display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" width="640" height="360" data="http://www.youtube.com/v/mdGfjs1ulek?version=3&feature=player_detailpage" type="application/x-shockwave-flash"><param name="wmode" value="transparent"></param><param name="wmode" value="transparent" /><param name="allowFullScreen" value="true" /><param name="allowScriptAccess" value="always" /><param name="src" value="http://www.youtube.com/v/mdGfjs1ulek?version=3&feature=player_detailpage" /><param name="allowfullscreen" value="true" /><param name="allowscriptaccess" value="always" /></object></p><p style="text-align: justify;">Bonne année 2012, et à bientôt !</p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #003366;"><strong>Illustrations</strong></span>: couverture d'une <a href="http://www16.plala.or.jp/christmas1956/06ch-hawa03.html" target="_blank">compilation 2007</a> de chants hawaiiens de Noël; Père Noël hawaiien (<a href="http://www.amazon.com/Hawaiian-Surfboard-Woodie-Christmas-Ornament/dp/B001GIHPN0/ref=sr_1_14?ie=UTF8&qid=1324826717&sr=8-14" target="_blank">Amazon</a>); La Princesse Salote Mafile'o (Ian Stehbens sur <a href="http://www.panoramio.com/photo/12012668" target="_blank">panoramio.com</a>).</p>
Yannick Ferhttp://yannickfer.hautetfort.com/about.htmlDémocratie à Tonga (post-scriptum): Un gouvernement toujours dominé par la noblessetag:yannickfer.hautetfort.com,2011-01-19:30725332011-01-19T21:03:00+01:002011-01-19T21:03:00+01:00 Fin novembre, j'évoquais ici les récentes élections qui ont permis aux...
<p style="text-align: justify;"><img id="media-2851880" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" src="http://yannickfer.hautetfort.com/media/01/02/834300847.jpg" alt="arms Tonga.jpg" width="79" height="79" />Fin novembre, j'évoquais <a href="http://yannickfer.hautetfort.com/archive/2010/11/28/tonga.html" target="_blank">ici</a> les récentes élections qui ont permis aux citoyens tongiens d'élire 17 de leur 26 représentants au Parlement, tandis que les 33 familles nobles de l'archipel polynésien conservaient 9 sièges. En remportant 13 de ces 17 sièges, le<em><strong><em> Friendly Islands Democratic Party</em></strong>, </em>parti pro-démocratie conduit par Akilisi Pohiva, semblait assuré de diriger le nouveau gouvernement. Un événement qui devait logiquement parachever les réformes démocratiques lancées par le nouveau roi Tupou V, depuis son accession au trône en 2008.</p><p style="text-align: justify;">Mais l'événement n'a finalement pas eu lieu: les 9 élus nobles ont en effet fait obstacle à la nomination de A. Pohiva aux fonctions de premier ministre et le gouvernement formé fin décembre, <img id="media-2851853" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt;" src="http://yannickfer.hautetfort.com/media/00/00/2442802196.jpg" alt="Tu’ivakano.jpg" width="114" height="88" />dirigé par Lord Tu'ivakano (ci-contre), ne lui accordait qu'un poste de ministre de la santé. Le parti démocratique ne comptait que deux ministres sur onze.</p><p style="text-align: justify;">Après seulement deux semaines d'exercice, A. Pohiva vient de donner sa démission, en protestant à la fois contre cette trop faible représentation de son parti au gouvernement et contre le recrutement, dans le même temps, de deux ministres non élus au Parlement. Le franchissement de la dernière marche vers la démocratie s'avère plus difficile que prévu...</p>
Yannick Ferhttp://yannickfer.hautetfort.com/about.htmlPetits contes du Pacifique (Epeli Hau'ofa)tag:yannickfer.hautetfort.com,2007-04-19:9893052007-04-19T15:00:00+02:002007-04-19T15:00:00+02:00 L'écrivain tongien Epeli Hau’ofa, qui est aussi anthropologue, dirige...
<p align="justify"><img src="http://yannickfer.hautetfort.com/images/thumb_contes_pacifique.jpg" alt="medium_contes_pacifique.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" height="158" width="158" />L'écrivain tongien Epeli Hau’ofa, qui est aussi anthropologue, dirige aujourd'hui le <a href="http://yannickfer.hautetfort.com/files/oceania-centre.pdf">Oceania Centre for Arts and Culture</a> qu'il a fondé à l'<i>University of the South Pacific</i> de Fidji à la fin des années 1990. </p> <p align="justify">Il a publié en 1983 un recueil de nouvelles intitulé <i>Tales of the Tikongs</i> (contes tikongs), récemment traduit en français et publié en 2006 par les éditions de l'Aube sous le titre <a href="http://www.amazon.fr/Petits-contes-Pacifique-Epeli-Hauofa/dp/2752601492/ref=sr_1_1/402-8133188-5265731?ie=UTF8&s=books&qid=1177011874&sr=1-1" target="_blank"><i>Petits contes du Pacifique</i></a>. Le royaume de Tiko ressemble sous bien des aspects à celui de Tonga, même si l'humour corrosif de Epeli Hau'ofa concerne aussi, plus largement, les petites sociétés insulaires du Pacifique, leurs églises, leurs administrations et leurs relations avec des parrains décrits comme aussi généreux que paternalistes: les puissances régionales (Australie, Nouvelle-Zélande) et les organisations internationales.</p> <p align="justify">Les églises sont omniprésentes et le décor est planté dès la première nouvelle, intitulée "Le septième jour et les autres", où Epeli Hau'ofa décrit la vie de Sione Falesi, un aristocrate polynésien, personnalité éminente de l'administration et de l'église locales, qui prend soin de respecter la règle voulant que "Tiko se repose six jours et travaille le septième", afin de consacrer l'essentiel de son énergie aux nombreux cultes dominicaux. Entouré de collaborateurs guère plus compétents que lui, Sione Falesi a cette phrase admirable, qui traduit bien les relations entre Tonga et sa diaspora (les îles Tonga comptent environ 100000 habitants, tandis que plus de 40000 Tongiens vivent en Nouvelle-Zélande, près de 20000 aux États-Unis): "Tous nos meilleurs éléments sont en Nouvelle-Zélande"... Argument imparable qui vient justifier ici l'inertie de l'administration.</p> <p align="justify">Si aucune église n'échappe au regard ironique de Epeli Hau'ofa, les églises protestantes historiques comme la <i>Free Wesleyan Church of Tonga</i> sont assez sévèrement critiquées au travers de "l'église sabbathienne" décrite comme "ennuyeuse, lourde et peu bandante" dans une des nouvelles les plus drôles, "Le voyage d'un pèlerin", qui est aussi la plus sociologique, puisqu'elle évoque la figure du pèlerin - une des figures majeures de la modernité religieuse selon Danièle Hervieu-Léger (<i>Le pèlerin et le converti</i>, la religion en mouvement, 1999) - et raconte le parcours de conversions successives qui conduit un jeune de l'église sabbathienne à rejoindre l'église mormone (qui représente plus de 15% de la population), puis différentes églises pentecôtistes, avant de retourner finalement une fois marié à l'église traditionnelle. Sa motivation essentielle est en l'occurence de lier connaissance avec des jeunes filles, telles que les majorettes mormones ou les jeunes évangélistes pentecôtistes qui jouent de la musique dans les rues (c'est d'ailleurs l'une d'entre elles, des assemblées de Dieu, qu'il épouse). Mais au-delà de cet aspect comique (qui parfois n'est pas complètement sans rapport avec la réalité), ce type de parcours a été observé notamment au sein de la communauté samoane de Nouvelle-Zélande, dans une étude publiée en 2001 dans le <i>Journal of Ritual Studies</i> par Cluny et La'avasa Macpherson.</p> <p><img src="http://yannickfer.hautetfort.com/images/thumb_hauofa.jpg" alt="medium_hauofa.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" /></p> La nouvelle la plus politique, "Les sentiers vers la gloire", met en scène Tevita Popo, un jeune revenu au pays avec d'importants diplômes étrangers, interpellé par son oncle, puis son père et enfin par un chauffeur de taxi émèché. Deux extraits : <div align="justify"></div> <p align="justify">"Et puis, mon fils, pourquoi critiques-tu autant le Gouvernement? Pourquoi critiques-tu autant l'Église? Tu prétends vouloir dire la vérité. Mais à quoi sert la vérité à Tiko ? (...) Si tu restes du côté de la vérité, contre Son Excellence et les Grands Chefs, Tiko va te réduire en bouillie."</p> <div align="justify"></div> <p align="justify">"Encore autre chose. Vous aimez tellement parler de démocratie. La démocratie est une idée étrangère. (...) On est à Tiko ici, docteur. (...) Laissez-moi vous dire un truc. La démocratie est une chose extrêment difficile à obtenir à Tiko. Il vous faudra la gagner à la dure, et encore, vous ne l'aurez pas dans cette vie ; pas ici en tout cas".</p> <div align="justify"></div> <p align="justify">Une nouvelle qui fait directement écho aux évolutions de la situation politique à Tonga et aux rôles des diasporas, de la jeune génération dans le développement du mouvement pro-démocratique, mais aussi aux débats autour de la conciliation entre démocratie et tradition ou culture, où l'on voit que, comme le notaient en 1997 Marie-Claire Bataille et George Benguigui, "des partisans fermes et avérés de la démocratie sont également des défenseurs de la tradition, ou du moins de certains de ses aspects et, réciproquement, (…) certains farouches partisans de la royauté sont des modernisateurs actifs." Depuis ma note du 13 septembre dernier, après la mort du roi Tupou IV, des émeutes ont éclaté en novembre 2006 dans la capitale Nuku'alofa, qui ont entraîné la destruction du quartier des affaires et l'établissement de l'État d'urgence, prolongé en février 2007 pour une durée de cinq mois, ce qui fait craindre de nouveaux affrontements entre <a href="http://www.thewest.com.au/aapstory.aspx?StoryName=373678" target="_blank">militants pro-démocratiques</a> et tenants d'une monarchie sans concession.</p>
Yannick Ferhttp://yannickfer.hautetfort.com/about.htmlMort du roi Tupou IV. Diaspora, églises et démocratie à Tongatag:yannickfer.hautetfort.com,2006-09-13:6402842006-09-13T11:25:00+02:002006-09-13T11:25:00+02:00 Le roi de Tonga Taufa'ahau Tupou IV est mort dans la nuit de dimanche 10...
<p align="justify"><img src="http://yannickfer.hautetfort.com/images/thumb_King-Tonga.jpg" alt="medium_King-Tonga.jpg" style="border-width: 0pt; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0pt; float: left" />Le roi de Tonga Taufa'ahau Tupou IV est mort dans la nuit de dimanche 10 septembre 2006 à Wellington (Nouvelle-Zélande) où il était hospitalisé, à l’âge de 88 ans et après 41 ans de règne. Son fils, le prince Tupouto’a (58 ans) qui lui succède se trouve déjà sous la pression du mouvement pro-démocratique qui réclame notamment, depuis plusieurs années, que les 30 députés du parlement tongien soient tous élus par le peuple – et non majoritairement choisis par la famille royale parmi les nobles – et que la famille royale renonce au contrôle qu’elle exerce sur l’économie tongienne. Le leader du mouvement démocratique, Akilisi Pohiva – indique le site néo-zélandais <a href="http://www.stuff.co.nz/stuff/0,2106,3794758a12,00.html" target="_blank">stuff.co.nz</a> - a ainsi déclaré que le nouveau roi doit renoncer à ses participations dans les affaires, ajoutant : « il doit le faire, il n’a pas le choix ». Les compagnies aux mains du roi possèdent le monopole de la production d’électricité et des positions dominantes dans les télécommunications, le transport aérien ou la brasserie « royale ».</p> <div align="justify"></div> <p align="justify">Signe d’un possible changement d’époque, le bureau du premier ministre a annoncé une période « tapu » – de deuil national – d’un mois seulement, alors que le décès de la reine Salote en 1965 avait donné lieu à un deuil de six mois. La revendication démocratique s’est en effet amplifiée depuis l’an dernier, où le pays avait connu une longue grève des fonctionnaires, relayée par des manifestations à Tonga et dans les pays de forte migration tongienne, comme la Nouvelle-Zélande (où s’est constitué un « comité pour la démocratie à Tonga »), obligeant le gouvernement royal à promettre en novembre 2005 une série de mesures de démocratisation.</p> <div align="justify"></div> <p align="justify">Une des composantes essentielles du mouvement démocratique et, plus largement, de l’identité tongienne contemporaine tient à ces relations étroites entre <b>la diaspora tongienne</b> et les îles de Tonga. A peu près autant de Tongiens vivent aujourd’hui hors de Tonga qu’à Tonga (environ 100 000), ils étaient 40700 en Nouvelle-Zélande lors du recensement de 2001 – soit 18% des Pacific People (230000) – et sont près de 20000 aux États-Unis. C’est d’ailleurs lors d’une visite aux Tongiens de Californie que l’un des membres de la famille royale les plus engagés en faveur des réformes démocratiques, le neveu du roi Prince Tu’ipelehake et son épouse la princesse Kaimana ont trouvé la mort à Palo Alto en juillet dernier dans un accident de la route. Plusieurs sites Internet témoignent de l’existence de cette communauté tongienne transnationale, comme le site de la <a href="http://www.pacificforum.com/kavabowl/tongahistory" target="_blank">Tongan History Association</a> où les Tongiens de la diaspora échangent des informations généalogiques et discutent de l’identité tongienne ou le site <a href="http://www.planet-tonga.com" target="_blank">Planet-tonga</a>, un site d’information. Le titre d’un article publié en 2004 par Helen Morton Lee (dans le livre collectif dirigé par Victoria S. Lockwood, <i>Globalization and Cultural Change in the Pacific Islands</i>, Pearson, New Jersey) résume bien ce phénomène : « All Tongans Are Connected : Tongan Transnationalism ».<br /> Outre l’influence des Tongiens vivant dans des pays démocratiques, plusieurs responsables d’église éminents ont également contribué à l’essor de la revendication démocratique. <b>Le Human Rights & Democracy Movement In Tonga</b>, créé à la fin des années 1970 et qui a connu un moment fort avec l’organisation en 1992 de la Convention on the Tongan Constitution and Democracy à la basilique St. Antoine de Padoue de Nuku’alofa (capitale tongienne), comptait plusieurs hommes d’église parmi ses fondateurs. En particulier le Dr. Sione ‘Amanaki Havea, ancien président de la Free Wesleyan Church, ancien directeur du Pacific Theological College et théologien très influent dans le Pacifique où il a œuvré en faveur d’une théologie océanienne connue sous le nom de « théologie du coco ».<br /> L’histoire du protestantisme de Tonga est marquée par des tensions entre églises et famille royale : afin de marquer son indépendance vis-à-vis des missions wesleyennes (d’origine britannique) arrivées en 1822, le roi George Tupou I (lui-même converti en 1834) a fondé en 1885 la Free Church of Tonga, fondation qui a donné lieu au cours des années 1880 à des persécutions envers les membres de l’église wesleyenne. Le père de Sione ‘Amanaki Havea étaient parmi ceux qui subirent cette hostilité royale. En 1924, la reine Salote obtint la réunification des deux églises rivales, sous le nom de Free Wesleyan Church of Tonga, mais des anti-unionistes ont malgré tout maintenu la Free Church of Tonga (qui a elle-même connu depuis plusieurs scissions…).</p> <div align="justify"></div> <div align="justify"><b>Aujourd’hui, le paysage religieux tongien est très diversifié et résolument pluraliste</b>, à Tonga et a fortiori parmi les communautés tongiennes installées dans des pays de grande diversité religieuse comme les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Implantée en 1891, l’église mormone représente plus de 15 % de la population, ce qui est le taux le plus élevé au monde (par pays, sans prendre en compte le cas des États qui, aux Etats-Unis, sont liés historiquement au mormonisme, comme l’Utah). Dans le même temps, la Free Wesleyan Church est passée de 49,9 % de la population en 1966 à seulement 36,4 % en 1992 et on observe, ici comme dans l’ensemble des îles de la Polynésie, une progression rapide des mouvements évangéliques.</div> <div align="justify">Par exemple, le journaliste Kalafi Moala, une des personnalités influentes de Tonga, un des fondateurs du mouvement pro-démocratique et directeur-fondateur du premier journal tongien pro-démocratique – Taimi O Tonga (Times of Tonga) – est issu de cette tendance évangélique. Créé en 1989, année où K. Moala est revenu vivre à Tonga après de nombreuses années passées à l’étranger, ce journal lui a valu d’être condamné en 1996 à un mois de prison pour offense au Parlement. Le journal a été interdit à Tonga mais a continué à paraître, il s’est installé dans la banlieue d’Auckland.</div> <div align="justify">Avant d’être journaliste, Kalafi Moala a été pendant vingt ans missionnaire au sein de Youth With a Mission, une organisation évangélique charismatique qu’il a rencontrée en 1966, alors qu’il était étudiant à Auckland. A la fin de 1968, après une formation de missionnaire dans un institut méthodiste australien, il a rejoint YWAM comme équipier à temps plein et est devenu rapidement un responsable de premier plan, dans une organisation qui commençait juste à se développer en Asie et dans le Pacifique (YWAM a été créée en 1960). Il a participé aux premières campagnes en Papouasie Nouvelle-Guinée, dans plusieurs pays d’Asie, a été directeur de YWAM pour le Japon, directeur régional pour l’Asie et le Pacifique et membre du bureau international de YWAM. L’histoire de son journal est racontée dans le livre qu’il a publié en 2002, <i>Island Kingdom Strikes Back</i>, Pacmedia Publ., Auckland.<br /></div> <p> </p>