Last posts on sundown2024-03-29T11:47:43+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/sundown/atom.xmlJacques-Emile Mirielhttp://jemiriel.hautetfort.com/about.html”Sundown” du réalisateur mexicain Michel Francotag:jemiriel.hautetfort.com,2022-07-31:63943952022-07-31T06:29:54+02:002022-07-31T06:29:54+02:00 Le bleu du ciel Pour son septième long métrage, le...
<p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: x-large;"><strong>Le bleu du ciel</strong></span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: medium;">Pour son septième long métrage, le cinéaste mexicain Michel Franco s’est inspiré de <em>L’</em><em>É</em><em>tranger </em>d’Albert Camus. Le livre n’est pas crédité au générique, cependant on sent une influence certaine, non peut-être pas <em>directe</em>, mais bien présente ‒ surtout pour ceux qui, comme moi, nourrissent une fascination absolue pour le roman de l’écrivain français. <em>L’</em><em>É</em><em>tranger </em>n’en finit pas d’être lu par les artistes de tout acabit, comme une source inépuisable pour décrire notre modernité, depuis sa parution en 1942.</span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: medium;">La première image de <em>Sundown</em> est un gros plan sur des rougets, dans un marché d’Acapulco au Mexique. Le soleil darde ses rayons maléfiques, comme dans un film d’Antonioni. Une famille de Londoniens très riches, jouissant du luxe d’un palace, reçoit un coup de téléphone qui les oblige à interrompre leurs vacances et à rentrer chez eux. Le frère, Neil, incarné par Tim Roth, homme trapu d’une cinquantaine d’années, célibataire, décide de faire croire à sa sœur et à ses neveu et nièce qu’il a égaré son passeport. Il reste seul dans l’incertain Mexique, paradis paradoxal où la violence éclate au quotidien.</span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: medium;">On constate rapidement que Neil est pris d’une apathie radicale. Il choisit un hôtel bon marché, et passe ses journées sur la plage, à boire des bières. Il fait la connaissance d’une autochtone, Berenice, avec laquelle il noue une relation amoureuse. Il ne répond plus au téléphone, même quand sa sœur, affolée, essaie de le joindre. C’est lorsque celle-ci reviendra, quelques semaines plus tard, pour tenter de le ramener en Europe, que nous comprendrons les rapports de forces qui lient les uns et les autres au sein de la famille.</span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: medium;">La sœur, dont le rôle incombe à une remarquable Charlotte Gainsbourg, est en position dominante. Elle dirige la grosse entreprise familiale. Face à elle, Neil fait figure de faible, de désœuvré. Il n’a pas son mot à dire et doit suivre le mouvement. Il a sans doute l’impression de s’ennuyer mortellement, et de vivre à côté de sa vie. Ne pas être rentré à Londres avec les autres est pour lui un acte de rébellion salvateur. Non qu’il se prenne déjà totalement en main, du moins il se cache, il se terre, se préserve. D’un non-sens global, il est passé à un non-sens individuel. La caméra zoome sur sa solitude, son état de perdition, de refus de tout, dans l’instabilité du monde.</span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: medium;">Comme dans <em>L’</em><em>É</em><em>tranger</em>, il y aura la prison, qu’il supporte avec fatalité. Neil est en effet brièvement soupçonné par la police mexicaine d’avoir organisé le meurtre de sa sœur (toujours cette violence âpre, qui vous ramène à la réalité des choses, sans que cependant la léthargie de Neil ne décroisse). Devant sa sœur, il se défendait déjà de n’avoir rien à se reprocher. De quoi est-il coupable, en fait ? D’où vient sa honte ? Comme Meursault, peut-être, du simple fait de <em>n’avoir pas envie </em>? <em>« J’ai dit que oui</em>, écrit Camus dans <em>L’</em><em>É</em><em>tranger, mais que dans le fond cela m’était égal. Il m’a demandé alors si je n’étais pas intéressé par un changement de vie. J’ai répondu qu’on ne changeait jamais de vie, qu’en tout cas toutes se valaient et que la mienne ici ne me déplaisait pas du tout. » </em>Neil est, on le voit, dans un état d’esprit comparable à celui de Meursault, tous deux sont d’étranges <em>épicuriens</em>...</span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: medium;">Le réalisateur a voulu conclure son film en expliquant l’attitude de Neil par des causes physiologiques. Je n’ai pas aimé cette partie, où les médecins découvrent à Neil un cancer foudroyant du cerveau. On sentait monter en lui une sorte de folie, c’est vrai, avec des hallucinations visuelles traumatisantes, mais pourquoi transformer son attitude de refus en une pathologie irrémédiable et sortant si complètement de l’ordinaire ? Quel besoin, surtout, de faire intervenir, par ce moyen, une perspective moralisatrice dans cette histoire, comme une excuse <em>in fine</em> ? Michel Franco aurait dû s’en tenir, selon moi, à la part d’indécidable et de non-dit, inscrite dans le nécessaire <em>hors champ </em>du cinéma, d’ailleurs déjà parfaite évocation de la mort.</span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'Book Antiqua', serif; color: #333333;"><span style="font-size: medium;">Cependant, je dois admettre que le dernier plan, d’une énième chambre d’hôtel à Mexico, qui préfigure la tombe, est une très belle conclusion. C’est là où sans doute se terminera, entre chien et loup, l’errance maladive du personnage de Neil (et de ses semblables), dans l’imminence de quelque tombée du jour définitive : le mot <em>Sundown </em>signifiant «<em> crépuscule »</em>, en anglais.</span></span></p>