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Christian COTTET-EMARD
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L'énigme du bonheur (Carnet de voyage)
tag:cottetemard.hautetfort.com,2014-06-07:5386209
2014-06-07T01:22:48+02:00
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Plus les trains sont rapides, moins ils servent à partir, excepté à...
<p style="font: 14px Helvetica; margin: 0px; text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;"><img id="media-4586186" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://cottetemard.hautetfort.com/media/00/00/1792517698.jpg" alt="carnet,carnet de voyage,train,autorail,wagon,compartiment,modane,bardonechia,venise,voyage en train,motrice,chemin de fer,turin,frontière,douanier,douane,cardère sauvage,ballast,mâchefer,casse-croûte,salami,vin,bière,œufs durs,œuf,sandwiche,tartine,biscuit,santa lucia,gare santa lucia,italie,bonheur,blog littéraire de christian cottet-emard,souvenir,thermos,café,cigarette,christian cottet-emard,littérature de voyage,littérature,bugey,europe" />Plus les trains sont rapides, moins ils servent à partir, excepté à destination de Venise.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;">Je voudrais que les lignes poussives parfois baptisées <em>rapides</em> ou <em>express</em> puissent me transporter d'un bond depuis mes forêts d'épicéas jusqu'à la lagune vénitienne. Il ne faut pas moins de douze heures de chemin de fer (et un moral d'acier) pour relier le quai désert de ma petite ville du Bugey à la gare Santa Lucia. Entre temps, il faut escalader le marchepied d'autorails exténués. Il faut se laisser bercer par les mouvements furtifs de wagons si éloignés de la motrice qu'ils semblent glisser à l'abandon dans une irréelle dimension. Il faut longer au ralenti des lacs sinistres, fermer les yeux sur des vallées grises, pencher la tête sur les quais de Modane et de Bardonechia (<em>E pericoloso sporgersi...</em>)</span></span></p><p style="font: 14px Helvetica; margin: 0px; text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;">Après la frontière, il faut attendre que les passagers italiens retrouvent leur bonne humeur. Ils ont dû subir les regards inquisiteurs de leurs compatriotes douaniers qui, d'un geste las, font remballer leurs cartes d'identité aux voyageurs français. En direction de Turin, l'atmosphère se détend d'un seul coup. Cela se passe à un endroit de la ligne qui doit signifier quelque chose d'obscur dans l'esprit des italiens. Le train ralentit. Il s'arrête.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;">Je me penche dehors. Cet endroit, personne excepté moi ne songerait à le nommer. Un lieu de joie incompréhensible... Des cardères sauvages hissent leurs têtes de hérissons jusqu'au-dessus du ballast.</span></span></p><p style="font: 14px Helvetica; margin: 0px; text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;">Quand les trains s'immobilisent quelques minutes en rase campagne ou aux abords d'une gare, le silence passe sur le monde. Je pense à l'aile géante d'un oiseau de légende ou à un nuage devant le soleil. Nous voici nulle part, au rendez-vous muet des heures et des kilomètres, là où s’embrouillent ces deux mesures en une pelote d'aiguillages, de gravier, de cailloux et de mâchefer.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;">Sandwiches, tartines, biscuits, chocolat, salami, bière, vin, cigarettes circulent dans le compartiment. Des dames seules au maintien aristocratique croquent à belles dents leur casse-croûte. Des bambins courent partout. On se passe le sel pour les œufs durs. On se prête une tasse en plastique qui coiffe un thermos de café. On fume. On prendra un vrai café à la gare de Turin.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;">En ce moment, ces gens sont heureux. Nombre d'entre eux ont sans doute des problèmes (chagrins d’amour, fins de mois, dettes, deuils, travail, petits chefs teigneux, logement, maladie, rêves avortés, échecs...) Et pourtant, en cet instant précis, en ce lieu sans nom, une sorte de grâce les habite.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;">J'ai devant moi l'énigme du bonheur.</span></span></p><p> </p><p><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-size: x-small;"><em><span style="font-size: xx-small;"><span style="font-size: x-small;"><strong><span style="font-size: xx-small;"><span style="font-size: x-small;">Extrait de Carnet italien. </span></span></strong></span></span></em></span></span></span><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-size: x-small;"><em><span style="font-size: xx-small;"><span style="font-size: x-small;">© 2014 by Christian Cottet-Emard </span></span></em></span></span></span><span style="font-family: 'times new roman', times;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-size: x-small;"><em><span style="font-size: xx-small;"><span style="font-size: x-small;">© 1992, Éditions Orage-Lagune-Express</span></span></em></span></span></span></p>