Last posts on eisbaer2024-03-29T08:13:46+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/eisbaer/atom.xmlla bouche plein de terrehttp://manoeuvres.hautetfort.com/about.htmlLa carte postale du jour...tag:manoeuvres.hautetfort.com,2016-02-29:57671492016-02-29T20:24:06+01:002016-02-29T20:24:06+01:00 " On peut assurément soutenir que le fait de donner raison au réel...
<blockquote><p><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"><strong>"<span class="citation">On peut assurément soutenir que le fait de donner raison au réel constitue le problème spécifique de la philosophie : en ce sens que c'est son affaire, mais aussi qu'elle n'est, en tant que telle, jamais tout à fait capable d'y faire face."</span></strong></span></em></p><p><span class="citation" style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"><strong>- Clément Rosset, <em>Le réel - traité de l'idiotie</em></strong> </span></p></blockquote><p style="text-align: center;"><img id="media-5307252" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://manoeuvres.hautetfort.com/media/00/01/2992797896.jpg" alt="lundi 29 février 2016.jpg" /></p><p><span class="citation" style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">Je ne me souviens pas exactement depuis quand je cherche le quarante-cinq tours de Claudine Chirac, très longtemps, trop longtemps même, mais je suis bien heureux d'être tombé un beau jour sur cette compilation de groupes suisses, perdue dans un bac de vinyles soldés et datant de 1982, mon regard ayant d'abord été attiré par le nom de <strong>Grauzone</strong> pour découvrir plus bas celui de Claudine Chirac - fantastique !</span></p><p><span class="citation" style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">Je me souviens bien d'avoir joué <em>Eisbaer</em>, le tube de Grauzone, au moins tous les samedis, de 1989 à 1992, au cours nos soirées <em>dark</em> au Midnight, et d'en avoir ainsi tant usé et abusé que je n'ai plus pu le supporter des années durant avant d'y revenir timidement, jusqu'à découvrir récemment que l'artiste Jesper Just l'avait choisi dans sa liste des <em>Ten songs that saved your life</em>, juste avant <em>Decades</em> de Joy Division, ce qui n'est pas rien (mais qui n'est pas si étonnant quand on réalise que l'un de ses courts-métrages s'intitule <em>It will all end in tears</em>, titre qui fait directement référence à un autre classique de cette période new-wave : This Mortal Coil).</span></p><p><span class="citation" style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">Je me souviens aussi que lors de l'enregistrement du titre <em>Eisbaer</em>, en 1980, il avait été reproché au groupe de faire un titre par trop ressemblant à celui de The Cure, <em>A Forest</em>, et que c'est finalement Stefan Eicher qui avait ajouté les bruits de synthé qui font toute la différence ; mais personnellement je préfère plutôt les bluettes naïves de Grauzone que sont <em>Ich lieb' sie</em> ou <span class="tracklist_track_title"><em>Träume mit mir</em>, ou encore <strong><em>Moskau, </em></strong>son rythme stakhanoviste et ses nuages noirs...</span></span></p><blockquote><p><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Bern: Heiter, null</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Prag: Bewölkt, eins</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Warschau: Bewölkt, ein Grad</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Moskau: Bedeckt, Schneefall, minus vier</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Moskau: Bedeckt, Schneefall, minus vier</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Moskau: Bedeckt, Schneefall, minus vier</span></em></strong></p><p><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Moskau, dein Körper brennt</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Du hast mich Weinen gelernt</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Dein Tod ist das Schweigen</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Es zwingt mich, allein zu bleiben</span></em></strong></p><p><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Schwarze Wolke über Moskau</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Diese Stille macht dir Angst</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Deine Kinder, sie weinen nicht mehr</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Deine Kinder, sie hungern zu sehr</span></em></strong></p><p><strong><em><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">Wir dienen Moskau</span></em></strong></p></blockquote><p><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">https://www.youtube.com/watch?v=ldJx9lZfDhE</span></p><p> </p><p><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">Qui n'a pas encore découvert la prose <em>desprogienne</em> de <strong>Iegor</strong> <strong>Gran</strong> ne sait pas ce qu'il perd ; dans ce cas je recommande de toute urgence la lecture de <em>La Revanche de Kevin </em>; puis de tous ses autres romans - avec Iegor Gran on est toujours déçu en bien, comme on dit en Suisse. Avec ce nouveau livre on a affaire à un conte fantastique non conforme, décalé, imprévisible même. Le canon tonne dans ce roman qui commence dans un asile de fou avec l'arrivée d'un Napoléon - mais pas n'importe quel Napoléon, car celui-ci est une femme, ce qui contrarie beaucoup le Général De Gaule. Pour le soigner, le Docteur Day, qui est un inculte absolu en histoire-géographie, décide d'emmener son Napoléon en Russie pour y revivre la retraite de la Grande armée après la fausse prise de Moscou, qui s'était soldée par un vrai désastre - une expérience censée guérir le malade... On l'aura sans doute vite compris : <em>Le Retour de Russie</em> est, au premier abord, une pochade. C'est plutôt facile à lire, mais c'est aussi un texte difficile à lâcher, parce que très bien construit, drôle, passionnant, et qui, par sa forme même - le conte fantastique -, a beaucoup à nous dire sur la folie ; on ne peut s'empêcher de penser à l'antipsychiatrie chère à Deleuze et Guattari (le droit à la folie). D'ailleurs l'une des premières (bonnes) rencontres que font notre Napoléon féminin et notre déraisonnable docteur, eh bien cette rencontre n'est autre qu'"André le débile", le simple d'esprit qui vit seul dans la forêt et semble être le plus heureux des hommes. Et puis Iegor Gran a eu la bonne idée d'utiliser les dessins de sa fille, Sophie, pour illustrer son histoire, et de faire aussi des clins d'œil à certains textes de son père, le célèbre dissident André Siniavski qui, lui, mêlait satire de la réalité et fantastique, à la façon de Boulgakov. D'ailleurs s'il fallait employer un simple slogan pour vendre ce livre, je dirais qu'il est justement dans cet entre-deux improbable et fantastique, quelque part entre Desproges et Boulgakov, tiens - rien moins que génial, quoi. </span></p><p><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">Extrait de <strong><em>Le Retour de Russie</em></strong>, de <strong>Iegor Gran</strong> (publié aux éditions P.O.L.) :</span></p><blockquote><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;">"De grandes silhouettes noires et immobiles se découpent en effet au loin. On dirait des toits, des poteaux. On s'approche. Aucune lumière. Ce doit être des granges abandonnées. La route s'élargit légèrement, comme quand on est près d'un village. Et aussi, on le sent tout de suite, une odeur de brûlé. On s'approche encore, quand Pauline crie :</span></strong></em></p><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> - C'est le POJAR, docteur !</span></strong></em></p><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Il y a une pointe d'angoisse dans sa voix, qui me fait s'arrêter.</span></strong></em></p><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> - Encore et toujours le pojar!</span></strong></em></p><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> Comme je ne comprends pas ce mot, elle m'explique.</span></strong></em></p><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> - Le pojar, c'est une spécialité de ce pays de malheur. À chaque fois que l'on s'approchait d'un village, on le découvrait vide et brûlé. Les Russes s'enfuyaient en mettant le feu à leurs maisons, vous imaginez ça, docteur ? Et comme tout était en bois, et qu'on était en été, le pojar se propageait rapidement.</span></strong></em></p><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> - Alors il n'y avait pas que Moscou.</span></strong></em></p><p><em><strong><span style="font-family: helvetica,arial,sans-serif; font-size: 14pt;"> - Non, dit Pauline. Smolensk aussi. Et Dorogobouj. Et Malo-Iaroslavetz. Et toutes les autres, petites ou grandes, brûlaient semblablement. De gigantesques colonnes de fumée nous attendaient partout. On entrait dans les rues dévastées. Les stocks de nourriture, le foin pour les chevaux, les magasins d'habillement, les ateliers de réparation, les tavernes : tout brûlait ou était déjà noir. Un air irrespirable. On prenait la ville, certes, et les Russes reculaient, mais impossible d'y rester, d'établir une garnison solide."</span></strong></em></p></blockquote><p> </p>