Last posts on combray2024-03-29T11:48:03+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/combray/atom.xmlfredlautrehttp://lantidote.hautetfort.com/about.htmlAU FIL DE ”LA RECHERCHE” (2)tag:lantidote.hautetfort.com,2012-01-01:41370722012-01-01T09:00:00+01:002012-01-01T09:00:00+01:00 COMBRAY, EPISODE 2 Le deuxième chapitre commence...
<p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">COMBRAY, EPISODE 2 </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Le deuxième chapitre commence sur « madame Octave », la tante Léonie du petit Marcel, qui ne quitte plus sa chambre, voire son lit, qui demande sans cesse à la bonne de monter pour lui dire qu’elle a vu passer dans la rue un chien ou une jeune fille qu’elle ne connaissait pas. La bonne, c’est Françoise, qui fait alors des hypothèses auxquelles la tante réagit par des « je crois bien ! » quand elle n’y croit pas du tout, et des « à moins de ça ! » quand elle pense que la solution est là, à laquelle elle n’avait pas pensé. J'aime beaucoup ce "à moins de ça". </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Tante Léonie est visiblement un personnage de caricature. Comme Françoise la cuisinière. D’ailleurs, en dehors du père et de la mère, quels personnages ne sont pas caricaturaux d’une manière ou d’une autre ? MARCEL PROUST est un écrivain féroce, dont les longues caresses syntaxiques et stylistiques sont enduites de curare (à comprendre au sens de BOBY LAPOINTE : « <em>Ben, si c'est rare, j'aime mieux les yeux rares de Lydia que le "cu-rare" de Lucrèce Borgia</em> ».</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Françoise qui ne fait que des asperges au déjeuner ! On saura plus tard pourquoi. Marcel fait l’éloge de cette domestique qui a une sorte de vénération pour la famille de ses maîtres. Puis il décrit minutieusement et amoureusement l’église de Combray, du 11<sup>ème</sup> siècle roman, avec des vitraux, une crypte, un porche, enfin tout ce qu’il faut pour faire une église. Il décrit en particulier des pierres d’angles bizarrement sculptées par le temps, comme j’en ai vu en Bretagne. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Il en parle ensuite de l’extérieur, quand on arrive par le train, quand on la voit de loin, quand le petit Marcel la voit de sa chambre (juste la base du clocher). Enfin bref, on aura mangé de l’église de Combray comme s’il en pleuvait. PROUST est certainement un monument, mais ses comparaisons à la manière de <span style="text-decoration: underline;">L’Iliade</span>, ça lasse vite. On sait qu’il la connaît à peu près par cœur, ou pas loin. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Ou alors c’est moi qui passe à côté de l’essentiel. Tiens, goûtez-moi cette formule : « <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Mais (surtout à partir du moment où les beaux jours s’installaient à Combray) il y avait bien longtemps que <span style="text-decoration: underline;">l’heure altière de midi, descendue de la tour de Saint-Hilaire qu’elle armoriait des douze fleurons momentanés de sa couronne sonore</span>,</em> (…) ». Vous n’avez pas l’impression qu’il en rajoute ? Moi, je dis : trop, c’est trop. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Il revient ensuite à tante Léonie, dont tout le monde, y compris dans le village, a renoncé à corriger l’hygiène de vie, considérée comme désastreuse, car limitée à son lit d’observation. « <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Est-ce que madame Mézerat est arrivée à la messe avant l’Elévation ?</em> », c’est la grande question qu’elle brûle de poser à Eulalie, quand ce satané curé sera reparti, après sa foutue leçon d’étymologie sur les noms de lieux du coin. Elle aurait bien voulu le refuser, mais ce sont des choses qui ne se font pas ! Du coup, elle est tellement fatiguée qu’elle est obligée de demander à Eulalie de partir aussi, avant d’avoir posé sa question, la seule chose importante qu’elle avait à lui dire. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">On a l’histoire de l’oncle Adolphe et de sa brouille avec la famille de Marcel. En train de lire dans le jardin, à côté d’une petite bâtisse où cet oncle logeait quand il venait à Combray, il se souvient d’une visite impromptue qu’il lui avait rendue un jour à Paris. Trouvant une voiture attelée devant chez lui, il sonne quand même. Et c’est une voix féminine qui demande à l’oncle de le laisser entrer. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">C’est une « cocotte ». L’oncle n’est pas très content, mais le laisse entrer. Il aime en effet le milieu du théâtre et les petites femmes qui y évoluent. Il demande à Marcel, au départ de celui-ci, de ne rien dire. Marcel raconte évidemment tout dans le moindre détail, ce qui provoque évidemment un clash, car les parents sont à cheval sur la morale. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">On revient dans la cuisine de Combray. La fille de cuisine est enceinte jusqu’aux yeux. S’ensuivent diverses considérations sur des fresques de Padoue et des commentaires de Swann sur le ventre enceint des femmes des dites fresques, et la manie d'esthète qui amène Swann à voir dans les fresques de la Renaissance italienne des « plagiats par anticipation », comme l'OU. LI. PO. nomme en les inversant certaines résonances entre passé et présent. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Retour à la lecture, et à la façon dont la littérature fait exister le réel autrement mieux que la vie réelle, trop lente et discontinue. Pages fort intéressantes : le romancier synthétise en quelques pages, voire en quelques mots un personnage ou autre chose, ce qui confère à la vie elle-même un sens dont elle serait démunie autrement. C’est ici qu’apparaît la silhouette de Bergotte, un écrivain estimé des connaisseurs, qui mange à la table de Swann une fois par semaine. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Histoire avec Bloch, à qui la famille fermera sa porte pour des raisons diverses : il est juif, et le père y fait allusion en chantant par exemple un air connu : « <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Oui, je suis du peuple élu</em> ». Il est par ailleurs assez cavalier dans ses manières, qui heurtent le souci des convenances de la famille. Marcel regrette la rupture, car Bloch a de l’intelligence et de la culture. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">On perçoit la sensibilité extrême et extrêmement féminine de PROUST dans les descriptions de fleurs, des aubépines, des épines roses (sic), des pommiers, etc. Quel luxe d’images ! Un tel raffinement finit par en être étouffant et, de mon point de vue, cela frise le ridicule à force de « <em>faire des magnes et du flafla</em> » (ARISTIDE BRUANT). </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">« <em style="mso-bidi-font-style: normal;">La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir ; au-dessous d’elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s’il venait de traverser un verrière ; leur parfum s’étendait aussi onctueux, aussi délimité dans sa forme que si j’eusse été devant l’autel de la Vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d’un air distrait son étincelant bouquet d’étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l’église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s’épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier</em>. » Ouf, n’en jetez plus. On comprend que sa maladie ait touché l’appareil respiratoire. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">« <em style="mso-bidi-font-style: normal;">C’est ainsi qu’au pied de l’allée qui dominait l’étang artificiel, s’était composée sur deux rangs, tressés de fleurs de myosotis et de pervenches, la couronne naturelle, délicate et bleue qui ceint le front clair-obscur des eaux, et que le glaïeul, laissant fléchir ses glaives avec un abandon royal, étendait sur l’eupatoire et la grenouillette au pied mouillé les fleurs de lys en lambeaux, violettes et jaunes, de son sceptre lacustre</em>. » Trop, c’est trop, PROUST en fait des tonnes. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">Voilà ce que je dis, moi.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;">La suite une autre fois. </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-align: justify; line-height: normal;"><span style="font-family: 'Arial','sans-serif'; font-size: 14pt;"> </span></p>
nauherhttp://off-shore.hautetfort.com/about.htmlUn amour de Prousttag:off-shore.hautetfort.com,2010-02-01:25872242010-02-01T05:51:00+01:002010-02-01T05:51:00+01:00 La découverte de Proust à l'adolescence fut une expérience...
<p align="center"><img src="http://boutique.geneanet.org/catalog/images/cartes_mini/28/CU282071.jpg" name="Image1" id="Image1" border="0" height="322" width="436" /></p> <p> </p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;">La découverte de Proust à l'adolescence fut une expérience définitive. Rencontre avec un être si éloigné de ce que j'étais sur tant de points (autre temps, autre milieu, autre culture, autre vie...) qu'il y eut une sidération, une infinie séduction (dans le sens où, comme le rappelle Pascal Quignard, dans <i>Vie secrète</i>, il s'agit de <i>se-ducere</i>, soit : mener à l'écart, et donc conduire ailleurs), séduction incessante, promise à ne jamais s'éteindre. En somme : jusqu'à ce que mort s'ensuive. Les raisons de cette belle rencontre (différée, comme toute littérature, puisque celle-ci est un carrefour d'absences, celle de l'auteur -dont la vie réelle n'est que péripétie- et celle du lecteur -qui reste sans visage-, mais une absence nourrie pour le second des incessantes rencontres que nous permet le livre, rencontres irréductibles aux bavardages parfois pathétiques de notre vie sociale.) sont évidemment multiples. Il y en a une, malgré tout, qui m'est propre, par le plus grand des hasards.</span></span></p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;">Ouvrant <i>Du côté de chez Swann</i>, avant même d'en avoir lu la moindre ligne, je me retrouvai en étrange pays. La première partie est intitulée <i>Combray</i>. Et Combray, je connaissais. Parce que dans un certain village, minuscule et perdu, que mes attaches familiales me rendaient très familier, un lieu-dit (et n'est-ce pas là une belle appellation) portait ce nom. Village à l'habitat dispersé où vivaient ceux des Bourdaines, de la Brisserie, de la Roche, et ceux de Combray, que les gens du coin prononçaient « combraille ». J'y étais passé quelquefois, sans plus d'attention : un regroupement de quelques maisons sans éclats, une banalité paysanne parmi d'autres. Et, lisant Proust, je pensai qu'au delà de la petitesse de l'endroit, sa médiocrité n'aurait pu convenir, parce qu'il ne s'y pouvait rien passer. De même que dans ce qu'on appelait le bourg où vivaient cent cinquante âmes. Bien conscient que le Combray de Proust n'avait pas une étendue phénoménale, je ne m'en faisais pas moins une représentation assez ésotérique, éloigné qu'il devait être de la médiocrité provinciale de Balzac, ou même du Yonville-l'Abbaye de Flaubert.</span></span></p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;">Ayant commencé à lire ce roman en édition Folio, sans la moindre annotation, j'appris plus tard que les scènes d'enfance du narrateur (dont on sait que, peut-être, il s'appellerait Marcel...) trouvaient leur <i>origine</i> dans le village d'Illiers, non loin de Chartres, et que celui-ci avait même changé de nom, devenant Illiers-Combray (le 8 avril 1971, exactement, soit cent ans après la naissance de Proust). Plus tard encore, je me décidai d'aller visiter les lieux, puisqu'on y conservait la fameuse maison de la tante Léonie.</span></span></p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;">Village banal, sans attrait. Et tout ce que j'y trouvais ne s'y trouvait pas <i>vraiment</i>. Il ne me reste qu'un souvenir imprécis, imprécis parce que rien ne se détache de sa réalité que les brûlants lambeaux du texte et l'abîme qu'ils révélaient, mélange d'un temps révolu, que consacrait le caractère très contemporain d'Illiers, et d'une naïveté que j'avais conservée en y venant (naïveté qui est moins faiblesse adolescente que cicatrice entretenue sur la chair de ma propre existence). Il ne me semble pas que l'on eût conservé «le double tintement timide, ovale et doré de la clochette». Le jardin était, je crois, sans visage. En revanche, il y a encore en moi cette «cage d'escalier» que j'imaginais magistrale, quand le narrateur, si malheureux d'avoir en vain attendu sa part de réconfort, voyait «la lumière projetée par la bougie» de sa mère. Mais ce n'était qu'une architecture de bois craquant un peu, comme j'en connaissais une, moi aussi, dans la demeure des voisins, dans ce petit village perdu, architecture que je n'ai jamais revue d'ailleurs, dont je n'ai là aussi que le souvenir, et que je n'avais jamais considérée que comme un escalier parmi d'autres. Il y a aussi la fameuse chambre de Léonie, minuscule, froide, impersonnelle malgré la désuétude de l'agencement, chambre déceptive parce que ne pouvaient s'y perpétuer ni le babil croisé de la tante, de Mademoiselle Sazerat et de Framçoise, ni ce mélange de religion et de pharmacie qui m'avait tellement intrigué.</span></span></p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;">Il est inutile que je parle de l'église, moins encore des madeleines, qu'une pâtisserie du lieu vendait comme des reliques littéraires, alors même que, j'en fais le pari, les commerçants n'avaient jamais affronté le monument de Proust. Inutile que j'en parle, car en parler reviendrait à recopier <i>purement et simplement</i> le roman, ce qui ne serait pas, d'ailleurs, une mince délectation.</span></span></p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;">L'émerveillement que j'espérais, de me retrouver dans son monde, d'en deviner sinon l'ampleur du moins les coulisses, tombait donc à l'eau. Et le panneau <i>Illiers-Combray</i> me parut l'un des mensonges les plus grotesques que j'avais jamais lus. La colère contenue d'avoir été trompé (non par Proust mais par ceux s'en faisaient les gardiens territoriaux) laissa assez vite la place à l'ironie devant la mascarade. Car, dans le fond, que les institutions municipales et nationales (puisque le changement de nom nécessita une parution au Journal Officiel) aient fait allégeance à la littérature (fussent pour des raisons touristiques), voilà ce qu'il fallait peut-être retenir. Néanmoins, ce n'était qu'une illusion de plus. Les écrivains sont des gens de peu, des dilettantes dans une société qui prônent les valeurs utiles et immédiatement pratiques. Pourtant, l'<i>irréel</i> de l'écriture prenait, ici, le dessus. Et peu importe au fond qu'il ne restât rien que la futile et énième conservation des choses, comme si ces choses pouvaient nous dire quoi que ce soit sur les mots, comme si le style pouvait être <i>là,</i> dans les lieux, quand le roman de Proust était justement la quintessence du <i>lieu dit</i>. À vouloir trop gagner, on finit par tout perdre, et ce trop évident hommage à l'homme qui avait sorti le village de son imparable anonymat était, en creux, la reconnaissance suprême de la littérature comme <i>monde</i>, et, par un mouvement inverse de ce que Illiers avait désiré, l'effacement d'Illiers lui-même de la carte géographique <i>et</i> affective du lecteur que j'étais. Ils avaient accolé le nom de Combray, parce qu'ils ne savaient pas lire, sinon ils auraient été au bout de la seule logique tenable, c'est-à-dire de substituer au réel le fictif, et que nous soyons, nous adultes, contraints de nous plier à une loi qui n'aurait eu valeur nulle part ailleurs ; mais ils croyaient que lire et voir sont même expérience, même ancrage, alors que les images ne sont, pour avoir la moindre valeur, que mots en attente : c'était cela qu'il fallait emporter de cette visite, qu'ils étaient ignorants et dupes de leurs propres illusions. Ils en étaient restés au milieu du gué. Illiers-Combray, ou pour l'écrire autrement : Combray parce qu'Illiers. Et tous les hommages, alors, prenaient des allures de mise au tombeau, du nom à la préservation de la maison.</span></span></p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;">Repensant au Combray de mon enfance, je compris que le génie de Proust en aurait fait une aventure, sans même qu'il y ait d'autres péripéties que sa transmutation (et d'ailleurs, à ce titre, il l'aurait <i>débaptisé</i>, et pour le plaisir absurde de la rêverie, je décrèterais qu'il l'aurait appelé Illiers). Je compris que l'écriture n'a qu'un lointain rapport avec son inspiration matérielle, qu'elle n'est, comme les géométries non euclidiennes, qu'une déformation définitive du regard, des choses regardées, et du souvenir des choses regardées. Que rien n'est négligeable, absolument rien, et que nous ne sommes pour toujours que le monde de nos mots.</span></span></p> <p align="justify"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: arial,helvetica,sans-serif;"><br /></span></span></p> <p> </p>
KALLYVASCOhttp://leonmazzella.hautetfort.com/about.htmlLe nom de Guermantes dans Paris mouillétag:leonmazzella.hautetfort.com,2008-03-22:15276232008-03-22T10:21:00+01:002008-03-22T10:21:00+01:00 ... "Mais même en dehors des rares minutes comme celles-là, où...
<div align="justify"><font color="#0000FF"><b>... "Mais même en dehors des rares minutes comme celles-là, où brusquemment nous sentons l'entité originale tressaillir et reprendre sa forme et sa ciselure au sein des syllabes mortes aujourd'hui, si dans le tourbillon vertigineux de la vie courante, où ils n'ont plus qu'un usage entièrement pratique, les noms ont perdu toute couleur comme une toupie prismatique qui tourne trop vite et qui semble grise, en revanche quand, dans la rêverie, nous réfléchissons, nous cherchons pour revenir sur le passé, à ralentir, à suspendre le mouvement perpétuel où nous sommes entraînés, peu à peu nous revoyons apparaître, juxtaposées mais entièrement distinctes les unes des autres, les teintes qu'au cours de notre existence nous présenta successivement un même nom." Marcel Proust, "Le Côté de Guermantes".</b></font><br /></div>