Last posts on climats2024-03-28T15:20:50+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/climats/atom.xmlla bouche plein de terrehttp://manoeuvres.hautetfort.com/about.htmlLa carte postale du jour...tag:manoeuvres.hautetfort.com,2015-01-25:55438932015-01-25T13:21:55+01:002015-01-25T13:21:55+01:00 "Cela reste une loi inéluctable de l'histoire : elle défend précisément...
<blockquote><p><em><strong><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;">"Cela reste une loi inéluctable de l'histoire : elle défend précisément aux contemporains de reconnaître dès leurs premiers commencements les grands mouvements qui déterminent leur époque."</span></strong></em><br /><strong><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;">- Stefan Zweig, Le Monde d'hier</span></strong></p></blockquote><p style="text-align: center;"><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"><img id="media-4879007" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://manoeuvres.hautetfort.com/media/01/02/2435000519.jpg" alt="dimanche 25 janvier 2015.jpg" /></span></p><p><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;">Je me souviens d'avoir acheté mon premier disque de <strong>Tuxedomoon</strong> - <em>Suite en sous-sol</em>, album qui contenait <em>L´étranger</em> (gigue existentielle), version de <em><strong>The Stranger</strong> </em>plus orchestrée, plus orientalisante aussi - chez le disquaire Divertimento, en vieille ville de Genève, installé au premier étage d'une très ancienne bâtisse, dans un appartement cossu dont le sol boisé craquait lorsqu'on passait d'une pièce à l'autre, chacune réservée à un style différent, du classique à la new-wave, magasin aujourd'hui fermé.</span><br /><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;">Je me souviens bien qu'avec Killing an arab de The Cure, The Stranger de Tuxedomoon m'a très vite amené à lire Camus, il en a d'ailleurs été de même avec Bauhaus qui m'a attiré vers les livres d'Antonin Artaud alors que Death In June m'a guidé vers Jean Genet et Yukio Mishima, et cela s'est produit souvent et cela se reproduit encore puisque tout récemment c'est une citation de Cyril Connolly, sur le (superbe) disque <em>The ghost in daylight de Gravenhurst</em>, qui a immédiatement suscité mon intéret pour ce critique littéraire anglais dont j'ai lu et bien aimé le livre <em>Ce qu'il faut faire pour ne plus être écrivain</em>.</span><br /><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;">Je me souviens aussi que, pour moi, Tuxedomoon représente l'archétype même du groupe intemporel, lié à la fois à la new wave la plus expérimentale, à la no wave de New York mais aussi à la scène post-punk européenne, à Camus, mais aussi à la danse - Béjart leur commanda une musique pour l'un de ses ballets -, au film de Wim Wenders <em>Les ailes du désir</em>, pour croiser récemment la route d'artistes comme Tarwater et Tortoise, avec au final une oeuvre riche, même si, dans mon cas, c'est surtout ce disque de 1979 qui compte le plus, alliage étonnant de l'électronique froide et minimale de Steven Brown et du violon strident de Blaine Reininger, porté par la voix déchirante de Winston Tong et son texte inspiré de <em>l'Étranger</em> :</span></p><blockquote><p><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> I was born today</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> There was strangers there</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> Cut me off</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> And left me in a chloroformed cell</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> I yelled and I yelled</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> But nobody cared</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> First day at school</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> I lost my front teeth</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> Boys beat me up</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> Cause I wasn't one of them</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> I fought till I bled</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> And everyone was scared</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> Yeah, everyone was scared</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> It isn't my fault</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> It isn't my fault</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> It isn't my fault</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> That I'm strange</span></em></strong></p></blockquote><p><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"><a href="https://www.youtube.com/watch?v=C-ZsHsumNS4">https://www.youtube.com/watch?v=C-ZsHsumNS4</a></span></p><p><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;">En 1979, <strong>Jonathan Cott</strong> (qui a écrit sur Glenn Gould, Bob Dylan, etc.) mène un long entretien avec l'essayiste américaine la plus en vogue à cette époque : <strong>Susan Sontag</strong>. Réalisé pour le magazine Rolling Stones, il sera publié un tiers seulement de cette conversation fleuve, il faut donc saluer la bonne initiative de l'éditeur Flammarion, et plus encore de la collection Climats, qui réédite ici au complet cet entretien, <em><strong>Tout et rien d'autre</strong></em>, avec Susan Sontag, femme fascinante, grande lectrice, adepte d'une pensée vivante et qui possédait alors, dans son appartement new-yorkais, une bibliothèque de huit mille livres - bibliothèque qu'elle nommait joliment son "archive du désir". Dans cet entretien passionnant, Susan Sontag revient sur plusieurs de ses essais, sur la maladie, la photographie, parle beaucoup de littérature - Kafka, Baudelaire, Barthes, Gass, Beckett, ... -, elle explique son changement de position, d'appréciation du travail de propagande de la réalisatrice allemande Leni Riefenstahl, mais aussi - et c'est là qu'elle en devient encore plus attachante - sa passion, son amour pour son époque, pour le contemporain. Elle déclare d'ailleurs: "<em>Tout mon travail repose sur l'idée que le monde existe vraiment, et je me sens vraiment y appartenir</em>". En ce sens elle rejoint ce magnifique aphorisme de Nietzsche : "<em>Ce qui est grand dans l'homme c'est qu'il est un pont et non un but</em>". Cet entretien est à la fois sérieux et drôle, Susan Sontag s'ouvre à Jonathan Cott avec une liberté généreuse. Bonne lecture.</span></p><p> </p><blockquote><p><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;">"J.Cott : Comme l'a écrit Emily Dickinson, "des fleurs et des livres, ces consolations du chagrin".</span></em></strong></p><p><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> S.Sontag : Oui, la lecture est un divertissement, une distraction, c'est ma consolation, mon petit suicide. Si je ne supporte plus le monde, je me pelotonne avec un livre et c'est comme si j'embarquais à bord d'un petit vaisseau spatial qui m'emmène loin de tout. Mais mes lectures n'ont rien de systématique. J'ai la chance de lire très vite, et comparé à d'autres personnes, je suppose que je lis comme un bolide, ce qui a l'avantage de me permettre de lire une grande quantité de livres, mais ce qui a aussi pour contrepartie que je ne m'attarde sur rien, je l'absorbe entièrement puis je le laisse reposer quelque part. Je suis bien plus ignorante que ce que pensent les gens. Si vous me demandiez de vous expliquer le structuralisme ou la sémiologie, j'en serais incapable. Je pourrais me souvenir d'une image dans une phrase de Barthes, ou comprendre le sens des choses, mais je ne m'y consacre pas plus que ça. J'ai beaucoup de centres d'intérêts, mais je sors aussi au CBGB et à d'autres endroits.</span></em></strong><br /><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> Je crois vraiment en l'histoire, alors que beaucoup n'y croient plus. Je sais que nos actions et nos pensées sont une création historique. Je crois en très peu de choses, mais en voilà une tout à fait certaine : presque tout ce que nous pensons être naturel est en réalité le produit de l'histoire et plonge ses racines essentiellement dans la période romantique et révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Et, fondamentalement, nous continuons à négocier avec des attentes et des sentiments qui ont été formulés à cette époque-là, avec des idées comme le bonheur, l'individu, le changement social, le plaisir. Nous avons hérité d'un vocabulaire qui est né à une époque précise. Lorsque je me rends à un concert de Patti Smith au CBGB, je m'amuse, et j'en profite d'autant mieux que j'ai lu Nietzsche.</span></em></strong></p><p><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> J.Cott : Ou Antonin Artaud.</span></em></strong></p><p><strong><em><span style="font-family: helvetica; font-size: medium;"> S.Sontag : Oui, mais il est trop proche. J'évoquais Nietzsche parce qu'il parlait voilà cent ans de la société moderne et du nihilisme. C'était les années 1870. Que penserait-il s'il avait pu connaître les années 1970 ? Tant de choses aujourd'hui détruites existaient encore il y a un siècle."</span></em></strong></p></blockquote>