Last posts on bidonvillisation2024-03-28T15:57:14+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/bidonvillisation/atom.xmlZedhttp://metapoinfos.hautetfort.com/about.htmlLa ville, aujourd'hui...tag:metapoinfos.hautetfort.com,2011-03-16:31433262011-03-16T10:28:00+01:002011-03-16T10:28:00+01:00 Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Pierre Le Vigan sur le...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec <strong>Pierre Le Vigan</strong> sur le thème de la ville. Spécialiste des questions d'urbanisme, <strong>Pierre Le Vigan</strong> collabore régulièrement à la revue <a href="http://www.revue-elements.com/"><em>Eléments</em></a> et est l'auteur de plusieurs ouvrages dont <strong><em>Inventaire de la modernité, avant liquidation</em></strong> (Avatar éditions, 2007) et <strong><em>Le Front du Cachalot </em></strong>(Dualpha, 2009).</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><br /></span></p><p> </p><p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: center;"><img id="media-2940007" style="margin: 0.7em 0;" src="http://metapoinfos.hautetfort.com/media/02/02/3161483629.jpg" alt="la-defense.jpg" /></p><p> </p><p> </p><blockquote><br /></blockquote><blockquote><span style="font-size: medium;"><strong>La ville, aujourd'hui...</strong></span><br /><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Qu’est-ce que la ville moderne selon vous ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">La ville moderne est un espace urbain marquée par la volonté de rendre rentables tous les espaces de la ville. De ce fait, elle fonctionne sur le mode de la relégation. Il y a assignation à résidence dans des lieux déqualifiés. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>La critique de la production et de la reproduction de l'espace urbain est une constante dans vos écrits. Comment percevez-vous l'urbanisme actuel?</em></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Au plan mondial il y a le risque d’une « bidonvillisation » du monde, avec quelques zones hyperprotégées et privatisées pour l’hyperclasse et ses satellites. Au plan français ce qui se dessine c’est l’acceptation de quartiers ghettos, sacrifiés à l’impératif de compétitivité des métropoles et sous-traités aux petits délinquants et aux gros dealers, avec un encadrement culturel de base délégué à l’Islam. C’est le principe de l’instrumentalisation des religions et de la pseudo « insuffisance » de la laïcité – comme s’il n’y avait pas une morale laïque ! Bref on tourne le dos à la République qui veut le droit pour tous et partout chez lui. Il faut viser à une certaine égalité urbaine c'est-à-dire à la qualité urbaine de tous les lieux, même si bien entendu la Courneuve ne sera jamais le Champ de Mars. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Donc il faut désenclaver la banlieue, la densifier et en contrepartie en diminuer l’étendue. Par plus de densité urbaine il faut transformer la banlieue en ville. Avec plus de 2 fois la superficie de Paris (236 km2 contre 105) la Seine Saint Denis n’a que 1,5 million d’habitants. Avec le double d’habitants, la densité resterait inférieure à Paris, pourtant beaucoup plus agréable. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Comment a évolué l’urbanisme en France ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">On construit peu en France depuis 1975, moment de la fin du grand boom de la construction de logements, et notamment de logements sociaux. Il y a eu abandon du gigantisme, c’est le bon coté, et nombre de « programmes » de construction, qui concernent 100 logements, ou le double, sont bien conçus, ou en tout cas rarement catastrophiques. On ne peut que s’en réjouir. Ceci dit, boucher des « dents creuses », par exemple une parcelle vide, c’est bien, mais repenser la ville, c’est autre chose. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Qu’est ce qui oppose la ville traditionnelle à la ville moderne ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">La ville traditionnelle est constituée plus ou moins en forme de labyrinthe, avec une multiplicité des modes de transports sur une même voie : piétons, chevaux, diligences… Le principe moderne est de scinder les choses en créant des autoroutes, ou des périphériques exclusivement pour les voitures. Ces voies de communication coupent la ville en morceaux. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>En quoi « la banlieue » est-elle « contre les hommes » comme vous l’avez écrit ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">La banlieue telle qu’elle est devenue est gigantesque et étouffe la ville. Il y a beaucoup plus de citadins qui vivent en banlieue qu’en ville. Historiquement, les villes ont toujours eu des faubourgs, souvent au-delà des remparts. Ces faubourgs sont devenus des banlieues à partir de la fin du XIXe siècle. Au XXe siècle les banlieues se sont développées de manière monstrueuse. Les banlieues ont concentré les nuisances et les populations les plus laborieuses. Les banlieues résidentielles, au sens de banlieues bourgeoises ont toujours été une minorité. La banlieue a souffert des grandes voies routières et de la déshumanisation avec les grands ensembles, vastes zones d’habitat sans entreprises à coté - elles étaient reléguées dans les zones industrielles - et sans histoire. Des villes trop neuves, sans racines. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Vous avez dit du bien des conceptions de Roland Castro. Sur quels aspects précisément le soutenez vous ? </em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Roland Castro, qui est un architecte parfois bien inspiré et aussi un agitateur d’idées un peu protéiforme, a eu (et a toujours) le mérite, même s’il n’a pas été le seul, de faire une critique radicale du fonctionnalisme en architecture. Et comme il ne passe pas inaperçu, on a tendance à lui attribuer cette critique bien venue. Bien entendu les gens qui critiquent l’idéologie de Le Corbusier et de la Charte d’Athènes ont raison. A la suite de Castro, je plaide pour mailler le territoire, par exemple utiliser la route des forts en Ile de France, utiliser les fleuves, marquer le territoire de signes forts, qui n’ont pas besoin d’être des tours. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Ceci clarifié, il y a tout un courant « traditionaliste » en urbanisme qui a fait cette critique bien avant Roland Castro. De fait, l’idéologie de l’urbanisme après guerre – celle qui a été dominante - est fausse : Non, il ne faut pas couper l’homme en tranches : travail, loisir, repos. Non, il ne faut pas raser le centre de Paris, non il ne faut pas construire la même chose partout, comme si l’homme était partout le même. Bien sûr entre ce qu’a vraiment dit et écrit le Corbusier et ce qu’on en a retenu il y a un décalage. On a retenu le plus simple et à quelques nuances près cela convenait aussi bien à la droite modernisatrice et industrialiste qu’à la gauche communisante, « progressiste », et d’ailleurs carrément stalinienne à une époque, gauche elle aussi rationalisatrice et modernisatrice à sa façon. On a voulu faire du logement un objet formaté et reproductible facilement partout et pour tous, à l’instar de l’œuvre d’art qu’analysait Walter Benjamin dés les années 30. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Les lotissements, les zones pavillonnaires et autres néo-villages ne sont-ils pas nés d’une vision exclusivement utilitariste et financière ? En quoi abolissent-ils toutes notions de géographie et de territoire ? </em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Les lotissements sont une réponse à un besoin naturel d’avoir un « bout de terrain » à soi. N’oublions pas que nombre de Français sont des descendants de ruraux, qui étaient encore la majorité dans les années 40. Bien sûr si les promoteurs en font c’est qu’ils y gagnent de l’argent et pourquoi pas si cela reste raisonnable et compatible avec de la qualité ? L’ennui c’est que les lotissements sont mal faits, très consommateurs d’espace, affreusement uniformes, incompatibles avec des transports en commun, générateur de trajets interminables en voitures, celles-ci de plus en plus nombreuses sur des routes et autoroutes, de ce fait de plus en plus embouteillées. Mais ce sont avant tout les maires qui décident d’ouvrir tel terrain à la construction. Ce sont eux, les élus, les premiers responsables, avec ceux qui les ont élus, nous tous ! Je ne pense donc pas que le lotissement soit le bon modèle urbain. Je pense que ce phénomène doit être non pas supprimé – on peut les améliorer au demeurant – mais en tout cas restreint. Ce ne sont pas les « pavillons » - qui doivent être développés pour « produire de la ville ». </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Peut-on définir une mode architecturale dans nos villes modernes ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Il y a une mode qui est le kitsch, le néo-classique ou encore le néo village que vous avez évoqué. Il y a des pastiches du modernisme de le Corbusier. Il y a toutes les modes possibles et imaginables, et ce n’est pas fini. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Quelle est la place de l’art dans la ville moderne ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">A notre époque, l’art est utilisé comme parodie. L’art dans la ville fonctionne sur le mode d’un système de renvoi d’ascenseur entre pseudo-artistes et vrais carriéristes. Il y a eu jusqu’à la Révolution française, et un peu après, une tradition d’art populaire, répandu dans le peuple et pratiqué par le peuple. Cela a disparu avec la modernité. L’art est devenu une marchandise. Walter Benjamin a écrit des pages très pertinentes là-dessus. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Paradoxalement, le temps des mégalopoles n’est-il pas celui de la fin des villes ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">C’est la question. La distinction entre urbain et non urbain devient floue. Les villes deviennent immenses, elles se « banlieueisent ». La campagne est mitée par un habitat pavillonnaire en rupture complète avec les modes de constructions locaux, qui étaient basés sur les matériaux disponibles sur place, sur la connaissance de la géographie, sur les usages locaux. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Les mégapoles sont souvent basées aussi sur l’immigration de masse et le déracinement, de gens des campagnes ou bien de gens originaires de pays étrangers. Ce n’est pas viable pour le lien social donc pour la ville si ces immigrés sont plus qu’une petite minorité voire s’ils sont – comme c’est le cas en France – la majorité dans certains quartiers. Les traditions de l’habitat sont différentes et l’intégration, alors, ne se fait pas, ou se fait mal, dans le domaine de la culture de l’habitat comme dans les autres domaines culturels. C’est en somme très simple : pour qu’une greffe se produise et réussisse, il faut que le tronc soit fort. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">En matière d’habitat, il y a tout un travail d’éducation qui a pu se faire entre compatriotes, basé sur des non dits, sur des choses qui se sont transmises de génération en génération, des « habitus » (Bourdieu) mais cela sous entend une certaine permanence des gens sur un certain territoire, et une transmission des cultures de « la maison ». </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>En critiquant les mégapoles soutenez vous que nos villes sont trop grandes ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Oui. L’optimum serait de réduire la taille de toutes les villes à la fois trop peuplées et trop étendues. Vaste programme. Paris compte 12 millions d’habitants, je parle bien sûr de l’agglomération au sens large, dont un peu plus de 2 millions sont à Paris intra muros, expression malheureusement très exacte puisque Paris est enserré par le périphérique, construction très dommageable qui était déjà envisagée par les technocrates de Vichy. Je crois à la nécessité de développer avant tout les villes moyennes, de 50 000 à 400 000 habitants, et de mener une certaine décroissance ailleurs. La problématique de l’aménagement du territoire devrait redevenir centrale. On l’a complètement oubliée au profit du mythe des mégapoles « compétitives » ce qui veut dire en clair des villes invivables sauf pour l’hyperclasse mondialisée. Il faut sortir d’une vision des villes totalement dominée par l’impératif économique, en outre un impératif économique dans le cadre d’échanges mondiaux « libérés » c'est-à-dire dérégulés. Dans le domaine des choses très critiquables, n’oublions pas que le rapport Attali pour « libérer la croissance » proposait de réduire les contrôles, les enquêtes préalables, les consultations de façon à « mettre le turbo » en matière de grands projets urbains et en conséquence de super profits immobiliers. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Que pensez vous du mot d’ordre : « ras le bol du béton » ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Le béton peut être très beau, notamment le béton brut, par exemple dans le « nouveau forum » des Halles, celui de Paul Chemetov, un de mes architectes préférés (longtemps communiste). Le moins écologique des matériaux de construction c’est l’acier, qui s’accompagne souvent du verre. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Quel avenir souhaitez vous pour les centre-villes ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Il faut qu’il soient l’objet d’une reconquête sociale par les couches populaires, il faut sortir de la muséification des centres-villes, de la piétonisation excessive, il faut retrouver quelque chose dont on ne parle jamais, obsédés que sont les politiques par la « mixité sociale » - ce qui veut dire mettre quelques pauvres dans les quartiers « aisés » – à savoir retrouver la mixité habitat-activités, la mixité entre petites entreprises de proximité et logements. C’est cela qui est nécessaire. Pour cela, il faut tendre à sortir de la « boboisation » des villes, de leur tertiairisation excessive, du confinement des entreprises, notamment industrielles, dans des zones d’activité. C’est aussi d’ailleurs un enjeu national et européen qui m’est cher : il faut ré-industrialisation notre continent, renouer avec une culture industrielle, remettre de l’industrie dans chaque département, dans chaque région, et donc dans chaque ville. C’est comme cela que l’on sortira vraiment des délocalisations. Cela implique une certaine visibilité des industries, alors que la tendance est de les cacher. La France est un pays de très longue tradition industrielle, il y avait déjà une métallurgie chez les Gaulois, il faut assumer ce bel héritage et ne pas devenir un simple pays du tourisme, ce qui n’est pas très glorieux, et ce qui veut dire un pays « au riche passé »… mais sans avenir. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Et quels sont les priorités en général pour les villes ?</em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Il faut développer les transports en commun dans les centre villes comme dans les banlieues : les tramways surtout, mais aussi les métros aériens (les métros souterrains sont sinistres à haute dose), il faut une visibilité des transports en commun. Il faut rechercher de la beauté dans ce domaine. Il faut une « démocratie du beau », démocratiser le beau, le rendre accessible au peuple. « Il faut des monuments aux cités de l'homme, autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? » disait Victor Hugo. Pour moi la bonne démocratie ce doit être cela, tirer le peuple vers le haut, avoir un certain niveau d’exigence pour le peuple mais aussi d’exigences demandées au peuple. </span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>Existe t-il des projets alternatifs visant à dépasser « l'inhumanité » des grands ensembles urbains? </em></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Les éco-quartiers sont tout à fait intéressants. Les rues-villages peuvent être assez denses et donc viables, on peut construire un continu des immeubles de 6 ou 8 étages qui sont beaucoup plus dense que les grands ensembles et bien plus agréables. Même un urbanisme d’immeubles de 3 ou 4 étages (pas besoin d’ascenseur jusqu’à 4 étages) peut être plus dense par logements et nombre d’habitants à l’hectare que la plupart des grands ensembles. Le point principal est qu’il ne peut y avoir aucun urbanisme de qualité sans densité. En contrepartie la création ou la préservation de grands parcs est bien sûr nécessaire.</span></p><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><em>S’il faut construire, comment construire autre chose que des grands ensembles ?</em> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Il faut construire un habitat dense du type haussmannien, alors que les grands ensembles sont très peu denses, insuffisamment denses. Exemple de quartier néo-haussmannien assez réussi : le quartier Montgolfier à Saint-Maurice dans le Val de Marne. On peut bien sûr ricaner du « néo » dans l’architecture mise en oeuvre. Mais la ville n’est pas un fétiche d’architecte, pas plus qu’une femme n’est une couverture de catalogue. La ville est là pour se donner à vivre. Revenons sur la question de la densité. La densité des grands ensembles (et en prenant vraiment les plus denses) est de 50 à 100 logements à l’hectare, la densité des vieux centres-villes est de 150 à 200 logements à l’hectare, donc plus é