Last posts on bailli2024-03-29T14:07:30+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/bailli/atom.xmlMartinehttp://legendesvivantes.hautetfort.com/about.htmlLe voeu de Messire Arnulphtag:legendesvivantes.hautetfort.com,2006-09-08:6339212006-09-08T15:05:00+02:002006-09-08T15:05:00+02:00 An de grâce 1440 Dame Ermeline traverse le pont Arnaud qui enjambe...
<p><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">An de grâce 1440</span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;"><img style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px;" src="http://legendesvivantes.hautetfort.com/images/thumb_Pont_Arnaud_3.3.jpg" alt="medium_Pont_Arnaud_3.3.jpg" />Dame Ermeline traverse le pont Arnaud qui enjambe la Deûme de ses deux arches de pierre. En dessous, la rivière tourbillonne et se précipite vers le Pied de Bœuf<sup>1</sup> où elle se jette dans la Cance. Mais la damoiselle<sup>2</sup> n’est pas le moins du monde émue à la pensée de ces tendres épousailles, elle se dirige à grands pas vers le faubourg de Bourgville qui s’étend au pied du château d’Annonay. A l’exception du moulin à moudre la moutarde toujours actif au bord de l’eau, les maisons de ce quartier ne sont plus que des mures<sup>3</sup> envahies par le lierre et les orties.</span></span> <span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">Dame Ermeline franchit la belle porte de Bayas et se retrouve sur la place des Estimes ; une foule bruyante et colorée se presse autour du Banc des Chevaliers. Mais il n’est pas question de s’attarder, la donzelle<sup>2</sup> se fraye un passage jusqu’à la demeure de son amie, Jeanne, où elle est attendue.</span></span> <span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">Après les embrassades, nos deux commères s’assoient. Parmi les nombreuses nouvelles qui passent de bouche à oreille, une en particulier mérite toute leur attention. Qui aurait pu penser que la jeune Guillemette puisse tromper son pauvre Béranger avec un escoffier ? Le coquin lui fait sans doute bonnes chaussures à son pied !</span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">Mais personne en vérité n’aurait connu l’affaire si la belle n’était pas allée se confesser au prieur. Avant de lui donner l’absolution, ce dernier se renseigne : quand, où, comment et <img style="float: right; margin: 0.2em 0px 1.4em 0.7em; border-width: 0px;" src="http://legendesvivantes.hautetfort.com/images/thumb_Impasse_des_Recollets.2.jpg" alt="medium_Impasse_des_Recollets.2.jpg" />combien de fois l’adultère est-il consommé ? Guillemette répond sans méfiance et, le lendemain, alors que les amants sont au lit, on vient les arrêter ! En effet, le clergé d’Annonay possède le droit d’appréhender, de jour comme de nuit, les couples adultérins ou concubins et de les conduire dans un lieu dépendant de l’Eglise. Là, un abbé leur propose de payer une amende afin d’échapper à un infâme châtiment. L’escoffier n’est qu’apprenti et il n’a pas un sou vaillant ; Béranger refuse de donner un seul de ses écus pour sauver une ribaude qu’il a eu le malheur d’épouser. Alors, les amants sont condamnés à courir dans les rues aussi nus que des vers ! Rouges de honte, tels Adam et Eve fuyant le Paradis Terrestre, ils font le tour de la ville sous les huées et les crachats.</span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">Depuis, Guillemette l’infidèle, chassée par son époux, est recluse dans un couvent où elle prie et jeûne pour le salut de son âme. Quant à l’escoffier, dame Jeanne affirme qu’après l’avoir vu courir par les rues dans le plus simple appareil, toutes les dames soupirent maintenant à fendre l’âme lorsqu’elles passent devant sa boutique !</span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">Mais un nouveau spectacle attire les deux amies vers la fenêtre. Sous bonne escorte, Messire Arnulph descend péniblement la colline du château. En sa qualité de bailli d’Annonay, il siège chaque semaine au Banc des Chevaliers pour y rendre la justice. Déjà de nombreux plaignants l’y attendent. Mais ce matin, le poids des ans lui semble bien lourd à porter. Malgré le soleil de printemps, il est glacé jusqu’aux os. Au crépuscule de sa vie, peut-être est-il tourmenté par l’idée de la mort.</span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;"><img style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px;" src="http://legendesvivantes.hautetfort.com/images/thumb_Porte_de_Bourgville_1.2.jpg" alt="medium_Porte_de_Bourgville_1.2.jpg" />Le banc des chevaliers est installé au pied de la montée du château sous un orme centenaire. Messire Arnulph se laisse tomber lourdement sur son fauteuil tendu de velours cramoisi et ramène sur lui les pans de son manteau. Tour à tour, chacun vient exposer ses griefs et s’en remettre au jugement du vieux bailli. Mais ce dernier n’accorde qu’une oreille distraite aux parties en présence. Pour l’instant, une seule pensée occupe son esprit : ne pas se laisser surprendre par la Grande Faucheuse ; mettre ses affaires en ordre avant que tout soit dit. </span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">A midi, toutes les plaintes ont été entendues, jugées et consignées sur les registres. Messire Arnulph rentre chez lui et demande qu’on appelle un notaire ; il a décidé de faire son testament.</span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;"><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Book Antiqua';">« Je, Arnulph, en mon sain entendement et en ma bonne connaissance, rappelant à ma mémoire que rien n’est plus certain que la mort, j’établis et ordonne mon dernier testament et mon dernier devis en cette manière… » </span></span></span><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">Certes, le bailli est fort riche ; il a soin de répartir équitablement toutes ses possessions entre les membres de sa nombreuse famille. Mais il ne s’en tient pas là car il lui reste à exprimer une toute dernière volonté : « donner à treize pauvres, en l’honneur de Notre Seigneur et de ses douze apôtres, un bon dîner et une paire de chaussures ». Ce vœu pieux fut-il exprimé dans l’espoir de faire taire quelque remord de conscience ou révèle-t-il une âme compatissante à la misère d’autrui ? Cent ans de guerre contre les Anglais ont ruiné le royaume et le pillage d’Annonay par les soudards de Rodrigue Villandrando est encore dans toutes les mémoires. Les miséreux affamés s’entassent dans les hospices de la ville : le vieil hôpital de l’Aumone, l’hôpital des Pauvres de Notre-Dame-La-Belle fondée par le Cardinal Bertrand et la commanderie Saint-Antoine où les corps affaiblis se consument du Mal des Ardents.</span></span></p><p align="justify"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">Louis Arnulph pousse un soupir ; il se sent soulagé. Le visage de la mort ne lui paraît plus si terrible ; il sait maintenant qu’il a mis de l’ordre dans sa vie et à l’heure venue de faire ses adieux, il pourra s’en aller en paix.</span></span></p><p> </p><p align="center"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><span style="font-size: medium;">« Frères humains qui après nous vivez<br /> N'ayez les coeurs contre nous endurciz,<br /> Car, se pitié de nous pauvres avez,<br /> Dieu en aura plus tost de vous merciz. »<sup>4</sup></span></span></p><div style="text-align: center;"><span style="font-family: 'Book Antiqua';"><img style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px;" src="http://legendesvivantes.hautetfort.com/images/thumb_Voute_derriere_place_Mayol.2.jpg" alt="medium_Voute_derriere_place_Mayol.2.jpg" /></span></div><p><span style="font-size: medium;"><sup><span style="font-family: 'Book Antiqua';">1</span></sup> <span style="font-family: 'Book Antiqua';">Pied de bœuf : confluent</span></span></p><p><span style="font-size: medium;"><sup><span style="font-family: 'Book Antiqua';">2</span></sup> <span style="font-family: 'Book Antiqua';">Jusqu’au XVII<sup>ème</sup> siècle, mots employés pour désigner une femme mariée de la petite noblesse ou de la haute bourgeoisie.</span></span></p><p><span style="font-size: medium;"><sup><span style="font-family: 'Book Antiqua';">3</span></sup> <span style="font-family: 'Book Antiqua';">Mure : maison en ruine</span></span></p><p><span style="font-size: medium;"><sup><span style="font-family: 'Book Antiqua';">4</span></sup> <span style="font-family: 'Book Antiqua';">François Villon </span></span></p>