Last posts on bachofen2024-03-29T15:30:40+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/bachofen/atom.xmlFerrierhttp://thomasferrier.hautetfort.com/about.htmlMythe n°9 : ”le dieu cornu et la déesse-mère”tag:thomasferrier.hautetfort.com,2011-11-27:38848742011-11-27T19:20:00+01:002011-11-27T19:20:00+01:00 Contrairement à la vision coutumière d’un panthéon proto-indo-européen...
<p style="text-align: justify;"><img id="media-3313773" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://thomasferrier.hautetfort.com/media/00/02/4058994888.jpg" alt="wicca,julius evola,bachofen,satanisme,sorcières,amazones,thomas ferrier" />Contrairement à la vision coutumière d’un panthéon proto-indo-européen popularisé notamment par Marija Gimbutas, afin de défendre une prétendue religion pré-indo-européenne fondée sur le culte d’une déesse-mère, et en sens exactement contraire par l’ésotériste Giulio Evola, défenseur d’un modèle aristocratique et guerrier fantasmé, fondé sur une spiritualité solaire et patriarcale, les Indo-Européens disposaient, on l’a vu dans un article précédent, d’une religion polythéiste des plus classiques, avec des divinités masculines aussi bien que féminines très importantes incarnant les objets célestes et les forces de la nature. Le dieu « cornu », *Kernunos, c'est-à-dire *Pausōn (gr. Pan) et la terre-mère, *Dhghōm Matēr, étaient eux-mêmes des divinités indo-européennes .<br /><br />Depuis de nombreuses années, les paléo-anthropologues cherchent à comprendre l’émergence du phénomène religieux chez l’homme moderne. Ayant retrouvé certaines représentations d’un homme-cerf et de petites statuettes féminines au large bassin, surnommées « Venus préhistoriques », ils ont alors imaginé une religion primitive fondée sur un couple de divinités formé d’un dieu cornu et d’une déesse-mère. Cette thèse a rencontré celle de Bachofen (XIXème siècle) sur le matriarcat primitif, idée que les sociétés humaines auraient reposé sur un pouvoir féminin, lié au don de la vie. Ce mythe moderne n’est au fond que l’adaptation de celui des Amazones, femmes guerrières mythiques ayant réussi à se passer complètement des hommes, à l’exception évidente de la procréation.<br /><br />Des formes naïves de néo-« paganisme » moderne sont apparues au cours des années 70, reposant sur une forme d’éco-féminisme, parallèlement à des courants de néo-sorcellerie à la limite du satanisme. Popularisées par des séries américaines, comme Charmed ou Buffy, le mythe de la « bonne sorcière » a rencontré celui de la « païenne » sur le bûcher. L’idée que les sorcières honoraient Diane, ce dont les autorités ecclésiastiques médiévales et modernes accusaient certaines femmes, a eu la vie dure. Selon la démarche de ce nouveau courant ésotérique, les sorcières sont présentées comme les gardiennes de l’ancienne religion, non le paganisme classique que nous connaissons mais d’une religion préhistorique pré-indo-européenne. Le courant le plus symptomatique est la Wicca, qui réduit les divinités des différents panthéons, puisque ce mouvement se veut universaliste à sa manière, à un dieu-mâle assez timide et à une déesse-mère dominatrice. On retrouve ici cette croyance en l’existence d’un panthéon primitif réduit à une dualité qui émane de certains travaux historiques aujourd’hui obsolètes.<br /><br />Notons qu’il n’est pas anodin que ce mouvement soit né aux Etats-Unis, pays des spiritualités de marge et de nombreuses sectes, car il existe une mauvaise conscience spécifique du peuple américain quant au martyr des innocentes « sorcières » de Salem. Samantha (Elisabeth Montgomery) dans « Bewitched » a également considérablement popularisé cette image d’une douce enchanteresse.<br /><br />En réalité, le panthéon indo-européen connaît à la fois une déesse-mère, qui est la Terre personnifiée, et aussi une déesse aux dimensions guerrières, celle de l’Aurore, qui peut manifester aussi bien son côté aphrodisien que son côté athénéen, aboutissant dans ce second cas à la Zoria slave munie d’une épée, à Athéna Potnia en Grèce et bien sûr aux valkyries. Parallèlement, le dieu « cornu » y existe, au sein d’un panthéon qui intégrera aussi le dieu de l’orage et le dieu du soleil et fait du dieu du ciel son souverain. Le couple originel ciel/terre, qu’on retrouve dans le serment de mariage de l’hindouisme (« asmi dyaus, asi prthivi » en sanskrit, je suis le ciel [dit le mari], tu es la terre), en est la manifestation la plus évidente. On voit bien que cette « religion » wiccane repose sur des affirmations péremptoires qui ne résistent pas à l’analyse.<br /><br />Si le paganisme reconstructiviste entend restaurer la religion ancienne des Européens, en s’appuyant sur les sources historiques et archéologiques, et ambitionne d’être la réponse européenne à la décadence civilisationnelle de notre continent, le néo-« paganisme », qui se place dans une logique mondialiste mélangeant tous les panthéons (grec, nordique, égyptien, chinois… etc), est l’expression même de la bourgeoisie occidentale déclinante. Toutefois, le second porte un tort considérable au premier, avec lequel il est parfois amalgamé.<br /><br />Il n’existe pas de spiritualité masculine s’opposant à une spiritualité féminine, même si les hommes se sentiront davantage proches des dieux, qui sont des modèles qu’ils doivent s’efforcer d’imiter, et même si les femmes se sentiront davantage proches des déesses, pour les mêmes raisons. Il n’existe pas non plus de spiritualité solaire s’opposant à une spiritualité lunaire, ou de dieux dominateurs et guerriers imposant leur règne à de douces et pacifiques déesses. Les élucubrations d’Evola, non dénuées d’obsessions idéologiques, n’ont pas la moindre valeur scientifique à ce sujet, mais ceux qui croient à une religion matriarcale, pour d’autres raisons, n’en ont pas non plus. Les uns et les autres déconsidèrent l’objet de croyance qu’ils évoquent. Qu’Evola ait renié le seul ouvrage vraiment païen, « Impérialisme païen », écrit en 1926, qu’il ait pu écrire, est très signifiant. Il a subi l’influence catastrophique des pérennialistes, sorte de « mondialistes » spirituels, avec en tête René Guénon, regroupant au nom d’une « Tradition » primordiale des éléments disparates des différentes religions historiques. Guénon, à la fin de sa quête spirituelle, tournant le dos à l’Europe, se convertira ainsi à l’islam.<br /><br />De la même façon, la version moderne appliquée à la religion de la thèse farfelue de Bachofen n’est pas plus intéressante. Il n’existe d’ailleurs pas plus de lutte des sexes que de lutte des classes, mais une complémentarité naturelle, facteur de santé civilisationnelle. La néo-sorcellerie naît d’une méconnaissance des données historiques, à savoir la confusion entre l’assassinat de jeunes femmes innocentes sous de fausses accusations venant de prêtres inquisiteurs et le fait que ces femmes auraient réellement été des sorcières. Il est évident que certaines « sorcières » ont été condamnées pour paganisme parce qu’elles répétaient, sans en comprendre le sens, des rites traditionnels païens, alors que d’autres, accomplissant les mêmes rites mais en version christianisées, comme les feux de la Saint Jean ou Noël, n’avaient aucun problème.<br /><br />Seul le paganisme reconstructiviste a la légitimité historique et culturelle nécessaire pour représenter le retour de la foi envers les dieux dans nos sociétés modernes. Il ne repose pas sur des thèses modernes appliquées à des réalités anciennes, ni sur le « spirituellement correct » imposé par les media. Le plus beau cadeau fait au christianisme, c’est de lui opposer un néo-paganisme de carton pâte, né d’inventions doctrinales d’esprits peu qualifiés en ce domaine, et destiné à justifier sur un plan religieux les dérives libertaires d’une société en déclin. Les païens européens modernes ont encore beaucoup de travail afin de nettoyer leurs écuries d’Augias.</p><p style="text-align: justify;"><strong>Thomas Ferrier<br /></strong><em>Secrétaire général du PSUNE</em></p>
Pascal Adamhttp://theatrummundi.hautetfort.com/about.htmlVirginie T., qualité essentielle (2)tag:theatrummundi.hautetfort.com,2008-06-08:16520712008-06-08T00:05:00+02:002008-06-08T00:05:00+02:00 Eloignons-nous encore de notre point de départ ....
<div style="text-align: center"><a target="_blank" href="http://theatrummundi.hautetfort.com/media/02/00/2010281312.jpg"><font size="3" face="Times New Roman"><img name="media-1057526" src="http://theatrummundi.hautetfort.com/media/02/00/1544150668.jpg" alt="Kill Bill.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-1057526" /></font></a></div> <p style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt" class="MsoNormal"> </p> <p style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt" class="MsoNormal"><font size="3" face="Times New Roman">Eloignons-nous encore de <a target="_blank" href="http://theatrummundi.hautetfort.com/archive/2008/06/05/virginie-t-qualite-essentielle.html">notre point de départ</a>.</font></p> <p style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt" class="MsoNormal"> </p> <p align="justify" style="margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt" class="MsoNormal"><font size="3" face="Times New Roman">Les grandes matriarchies supposées de Bachofen (<i>Le Droit maternel</i>), dont Klossowski prétend que la conception « reste toujours valable sur le plan fondamental de l’inconscient collectif » (<i>Origines cultuelles et mythiques d’un certain comportement des dames romaines</i>), afin de défaire toute prétention à la paternité, prostituaient les vierges en une cérémonie cultuelle leur permettant de s’identifier aux divinités telluriques…</font></p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"><font size="3"><font face="Times New Roman">Si l’on considère que la biologisation de la fonction paternelle, sa traçabilité par l’ADN, qui parut à la Justice française valoir que l’on exhumât Yves Montand, par exemple, est une façon encore d’évacuer la Parole au profit de la Science ; si l’on considère que la biologisation de la fonction paternelle est en somme une façon encore de démolir le Père, lequel, toujours « incertain » n’existait que sur la parole de la mère, « certaine » ; si d’autre part l’on considère l’idéologie moderne confiant aux femmes, et surtout <i>à elles seules</i>, la gestion biotechnologique et « médicale » de la fécondité et de la reproduction – contraception et avortement inclus ; si l’on considère le déluge pornographique, hérité de ces libérations et libéralisations tant vantées, comme un incitation à vivre sa sexualité comme une boucherie (Pierre Legendre n’hésite pas à définir l’hitlérisme comme « une conception bouchère de l’histoire » et je ne suis personnellement pas éloigné de penser que l’hitlérisme, que je préfère nommer ici <a target="_blank" href="http://theatrummundi.hautetfort.com/archive/2008/05/03/de-l-invertissement-ii-paroles.html">post-nazisme</a>, ait gagné le cœur même de nos sociétés qui, comiquement, ne le savent pas du tout et, traquant partout le retour de la Bête, ne traquent jamais que leur ombre – le chasseur qui est aussi la proie ne diffère <i>in fine</i> son suicide que par le fait de traquer son ombre propre…), incitation visant l’obligation, le passage obligé ; si l’on considère que la laïcisation du mariage – le mariage républicain n’étant que le mariage religieux dépouillé du sacrement et partant, du sacré – tourne à sa pure et simple contractualisation libérale proposant des modèles de contrats pouvant être rompus et renoués à volonté, alors il faut bien admettre que nous nous approchons grandement, avec certes notre propre façon moderne et scientiste, de ces matriarchies supposées, et de leur mode de passage rituel. J’aurais tendance à penser, comme je l’ai dit dans la première partie de ce billet, que la fonction réelle (quoique par réelle, je ne veuille aucunement dire : voulue, ou consciente) des établissements scolaires est de permettre cette initiation (1). <span> </span></font></font></p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"><font size="3" face="Times New Roman">Le tout bien sûr est emballé à l’amour, lequel est une invention conceptuelle typiquement occidentale du XII° siècle. Invention essentiellement féminine : une proportion non négligeable d’hommes jeunes étant partie en guerre (les Croisades, par exemple), les femmes purent imposer le mode de discours qui leur convenait le mieux, etc. Ce fut l’amour courtois, qui leur fit d’un coup atteindre les hautes sphères – il faudrait voir comment Dante, jusqu’en son <i>Paradis</i>, sacrifie, mais formellement, à cette nouveauté-là et finalement la récupère à son profit –, et le commencement de leur idéalisation et de leur divinisation, lesquelles ont leur tribut réel, je viens de l’évoquer, dans une forme singulière de prostitution visant à évacuer la fonction paternelle. Car le Père est une fiction ; on ne rencontre d’un point de vue technique d’abord que des fils et des filles, puis des mères. Le Père, comme fiction, est un ouvrage de la Parole ; et c’est cette Parole d’abord qu’il convient d’attaquer. Qui ne voit que le père moderne devra toujours davantage tenir sa légitimité d’un critère biologique sur lequel il ne devrait pas être trop compliqué de greffer un virement bancaire automatique, par exemple ; quitte à ce que ce post-père-là monnaie son absence, comblant ainsi perversement ce manque fondamental <i>par lequel il était</i>, et donc disparaissant. Ce qui revient ni plus ni moins à lever un impôt, impôt d’étrange facture, je le concède volontiers.</font></p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"><font size="3" face="Times New Roman">Et si l’amour ne servait qu’à cela ? A faire payer.</font></p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"><span style="font-size: 10pt"><font face="Times New Roman">(1) Je n’insiste pas ici, faute de temps, et de courage, sur la dimension paganiste ou néopaganiste de ceci. On pourra néanmoins lire <a target="_blank" href="http://theatrummundi.hautetfort.com/archive/2008/04/19/malraux-est-grand-et-bhl-n-est-pas-sur-la-photo.html">cette ébauche</a>.</font></span></p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"><font size="3" face="Times New Roman">(A suivre…)</font></p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p> <p style="text-justify: inter-ideograph; margin: 0cm 0cm 0pt; text-indent: 9pt; text-align: justify" class="MsoNormal"> </p>
Ratatoskhttp://euro-synergies.hautetfort.com/about.htmlLes mères et la virilité olympiennetag:euro-synergies.hautetfort.com,2008-05-25:16066652008-05-25T00:52:00+02:002008-05-25T00:52:00+02:00 LES MERES ET LA VIRILITE OLYMPIENNE Introduction de Julius...
<p align="center"><a href="http://temple.legrimoiredelalune.com/DeessesHistoire/venus.html"><img src="http://askesis.hautetfort.com/images/medium_bachofen_woman.2.jpg" /></a></p> <p align="center"><strong><u>LES MERES ET LA VIRILITE OLYMPIENNE</u></strong></p> <div align="center"></div> <p align="center"><strong><u>Introduction de Julius Evola</u></strong></p> <p align="justify"><strong>On peut dire de Johann Jakob Bachofen qu'il est une "découverte" de la culture européenne la plus récente. Contemporain de Nietzsche (puisqu'il naquit à Bâle en 1815 et y mourut en 1887), il appartient au même climat spirituel dans lequel <i>La naissance de la tragédie</i> du même Nietzsche, et la <i>Psyché</i> d'E. Rohde virent le jour. De son temps, l'œuvre de Bachofen n'éveilla quasiment aucun écho. Le grand public n'y eut pas accès, tandis que les "spécialistes" en fait d'histoire ancienne et d'archéologie y opposèrent une espèce de conjuration du silence motivée par l'originalité des méthodes et des conceptions de Bachofen par rapport aux leurs.</strong></p> <p align="justify"><strong>Aujourd'hui, son œuvre a été reprise par de nombreux auteurs et elle est considérée comme celle d'un précurseur et d'un chef d'école. Une 1ère réédition de morceaux choisis de Bachofen en 3 volumes est parue à Leipzig en 1926 ; due à C.A. Bernouilli, elle porte le titre de <i>Urreligion und antike Symbole</i>. Une 2nde, enrichie d'une ample étude introductive et intitulée <i>Der Mythos von Orient und Okzident</i>, fut assurée par A. Baümler, en 1926 également. Ajoutons qu'une réimpression de l'ensemble des ouvrages de Bachofen, devenus pratiquement introuvables dans l'édition originale, est actuellement en cours.</strong></p> <p align="justify"><strong>Maîtrisant parfaitement toutes les connaissances de l'archéologie et de la philologie de son temps, Bachofen s'est consacré à une interprétation originale des symboles, des mythes, des cultes et des formes juridiques des temps les plus reculés, interprétations particulièrement importantes par la quantité des thèmes et des référence qu'elle offre à quiconque entend s'ouvrir à une dimension quasiment insoupçonnée du monde des origines - au point d’apparaître comme une espèce d'histoire spirituelle secrète des civilisations antiques que masque l'histoire officielle, pourtant considérée par l’historiographie dite "critique" comme l'instance suprême.</strong></p> <p align="justify"><strong>Le fait que, par ailleurs, chez Bachofen, certaines déductions et certains points de détail soient inexacts, que quelques rapprochements pèchent par excès de simplification et qu’après lui, les historiens de l'Antiquité aient recueilli bien d'autres matériaux - tout ceci ne remet pas en question l'essentiel et n'autorise aucun de nos contemporains à juger "dépassées" ses œuvres maîtresses, fruits d’études approfondies et complexes et d'heureuses intuitions. De nos jours, Bachofen est aussi peu "dépassé" qu'un Fustel de Coulanges, un Max Muller ou un Schelling. Par rapport à ces auteurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que ceux qui sont venus après auraient bien besoin de se mettre à la page ; car si leurs lunettes - c-à-d. leurs instruments critiques et analytiques - sont indubitablement plus perfectionnés, intérieu-rement, leur vue semble avoir singulièrement baissé. Quant à leurs recherches, qui sombrent si fréquemment dans une spécialisation opaque et sans âme, elles ne reflètent plus rien du pouvoir de synthèse et de la sûreté d'intuition de certains maîtres de jadis.</strong></p> <p align="justify"><strong>Ce qui est particulièrement digne d’intérêt chez Bachofen, c'est avant tout la MÉTHODE. Cette méthode est novatrice, révolutionnaire par rapport à la façon habituelle scolastique et académique, de considérer les anciennes civilisations, leurs cultes et leurs mythes, pour la simple raison qu'elle est "traditionnelle", au sens supérieur de ce terme. Nous voulons dire par là que la manière dont l'homme de toute civilisation traditionnelle, c-à-d. anti-individualiste et antirationaliste, affrontait le monde de la religion, des mythes et des symboles, est, dans ses grandes lignes, identique à celle adoptée par Bachofen pour tenter de découvrir le secret du monde des origines. La prémisse fondamentale de l'œuvre de Bachofen, c'est que le symbole et le mythe sont des témoignages dont toute recherche historique doit tenir sûrement compte. Ce ne sont pas des créations arbitraires, des projections fantaisistes de l'imagination poétique : ce sont, au contraire, des "représentations des expériences d'une race à la lumière de sa religiosité", lesquelles obéissent à une logique et à une loi bien déterminées. Par ailleurs, symboles, traditions et légendes ne doivent pas être considérés et mis en valeur en fonction de leur "historicité", au sens le plus étroit du terme : c'est précisément ici que réside le malentendu qui a empêché l'acquisition de connaissances précieuses. Ce n'est pas leur problématique signification historique, mais leur signification réelle de "faits spirituels" qu'il faut considérer.</strong></p> <p align="justify"><strong>À chaque fois que l'événement dûment enregistré et que le document "positif" cessent de nous parler, le mythe, le symbole et la légende s'offrent à nous, prêts à nous faire pénétrer une réalité plus profonde, secrète et essentielle : une réalité dont les traits extérieurs, historiques et tangibles des sociétés, des races et des civilisations passées ne sont qu'une conséquence. Dans cette optique, ceux-ci représentent assez fréquemment les seuls documents positifs que le passé a conservés. Bachofen observe très justement que l'on ne peut jamais se fier aveuglément à l'histoire : un événement peut, certes, laisser des traces, mais sa signification interne se perd, elle est emportée par le courant du temps au point d’être insaisissable et incompréhensible chaque fois que la tradition et le mythe ne l'ont pas fixée.</strong></p> <p align="justify"><strong>Dans les développements, les modifications, les oppositions et même les contradictions des divers symboles, mythes et traditions, nous pouvons en effet déceler les forces plus profondes, les "éléments premiers", spirituels et métaphysiques, qui agirent dans le cadre des cycles de civilisation primordiaux et dont ils déterminèrent les bouleversements les plus décisifs. C'est ainsi que s'ouvre devant nous la voie d'une MÉTAPHYSIQUE DE L'HISTOIRE qui, par la suite, n'est autre que l'histoire intégrale, où la dimension la plus importante - la 3ème dimension - est précisément mise en exergue. L'interprétation de l'histoire interne de Rome à laquelle se livre Bachofen, sur la base, justement, des mythes et des légendes de la romanité, est l'un des exemples les plus convaincants de la portée et de la fécondité d'une telle méthode.</strong></p> <p align="justify"><strong>En 2nd lieu, l'œuvre de Bachofen revêt une importance toute particulière sur le plan aussi bien d'une "mythologie de la civilisation" que d'une "typologie" et une "science des races de l'esprit". Se fondant sur les diverses formes que revêtirent jadis les rapports entre les sexes, les recherches de Bachofen mettent à jour l'existence de certaines formes, typiques et distinctes, de civilisation qui ramènent à autant d'idées centrales - liées, à leur tour, à des attitudes générales, attestées par autant de conceptions du monde, du destin, de l'au-delà, du droit, de la société. De telles idées ont quasiment valeur d' "archétypes", au sens platonicien : ce sont des forces formatrices riches de rapports analogiques avec les grandes forces des choses. Par la suite, elles se manifestent, chez les individus, sous la forme de divers modes d'être, de divers "styles" de l'âme : dans la façon de sentir, d'agir et de réagir.</strong></p> <p align="justify"><strong>C'est à ce type bien particulier de science que Bachofen ouvre la voie. Toutefois, il n'a pas su s'émanciper totalement du préjugé "évolu-tionniste" qui prévalait de son temps. C'est ainsi qu'il a été amené à croire que les diverses formes mises en évidence par lui, dans la direction indiquée plus haut, pouvaient se ranger dans une espèce de succession de stades liée à un "progrès" de la civilisation humaine en général. Si, sur le plan morphologique et typologique, la signification supérieure de ses recherches ne doit pas être remise en cause, une pareille limitation doit, bien entendu, être écartée.</strong></p> <p align="justify"><strong>Essentiellement, le monde analysé par Bachofen est celui des antiques civilisations méditerra-néennes. La multiplicité chaotique des cultes, des mythes, des symboles, des formes juridiques, des coutumes, etc., qu'elles nous proposent, se reconstitue dans les ouvrages de Bachofen pour faire finalement apparaître la permanence, sous des formes variées, de 2 idées fondamentales antithétiques : l'idée OLYMPIANO-VIRILE et l'idée TELLURICO-FEMININE. Une telle polarité peut également s'exprimer à travers les oppositions suivantes : civilisation des Héros et civilisation des Mères ; idée solaire et idée chtonico-lunaire ; droit patriarcal et matriarcat ; éthique aristocratique de la différence et promiscuité orgiastico-communautaire ; idéal olympien du "supramonde" et mysticisme panthéiste ; droit positif de l'IMPERIUM et droit naturel.</strong></p> <p align="justify"><strong>Bachofen a mis à jour l’<i>ère gynécocratique</i>, c-à-d. l’ère en laquelle le principe féminin est souverain, et à laquelle correspond un stade archaïque de la civilisation méditerranéenne, lié aux populations pélasgiques [= préhelléniques] ainsi qu'à un ensemble d'ethnies du bassin sud-oriental et asiatique de la Méditerranée. Bachofen a très justement relevé qu'aux origines, un ensemble d'éléments, divers mais concordants, renvoie chez ces peuples à l'idée centrale selon laquelle, à la source et à l'apex de toute chose, se tiendrait un principe féminin, une Déesse ou Femme divine incarnant les suprêmes valeurs de l'esprit. En face d'elle, ce n'est pas seulement le principe masculin mais également celui de la personnalité et de la différence qui apparaîtraient secondaires et contingents, soumis à la loi du devenir et de la déchéance - par opposition à l'éternité et à l'immutabilité propres à la Grande Matrice cosmique, à la Mère de la Vie.</strong></p> <p align="justify"><strong>Cette Mère est parfois la Terre, parfois la loi naturelle conçue comme un fait auquel les dieux eux-mêmes sont assujettis. Sous d'autres aspects (auxquels nous verrons que correspondent diverses différenciations), celle-ci est aussi bien Déméter, en tant que déesse de l'agriculture et de la terre mise en ordre, qu'Aphrodite-Astarté, en tant que principe d'ex-tases orgiastiques, d'abandons dionysiaques, de dérèglement hétaïrique dont la correspondance analogique est la flore sauvage des marais. Le caractère spécifique de ce cycle de civilisation consiste principalement dans le fait qu'il cantonne au domaine naturaliste et matérialiste tout ce qui est personnalité, virilité, différence : dans le fait, inversement, de mettre sous le signe féminin (féminin au sens le plus large) le domaine spirituel, au point d'en faire souvent, justement, un synonyme de promiscuité panthéiste et l’antithèse de tout ce qui est forme, droit positif, vocation héroïque d'une</strong> <a target="_blank" href="http://chistusfiscus.hautetfort.com/files/Evola.pdf"><font color="#990099"><strong>virilité</strong></font></a> <strong>au sens non matériel.</strong></p> <p align="justify"><strong>Extérieurement, l'expression la plus concrète de ce type de civilisation est le matriarcat et, de façon plus générale, la gynécocratie. La gynécocratie, c-à-d. la souveraineté de la femme, reflète la valeur mystique qu'une telle conception du monde lui attribue. Celle-ci peut cependant avoir pour contrepartie (en ses formes les plus basses) l'égalitarisme du droit naturel, l'universalisme et le communisme. Le peu de cas fait de tout ce qui est différencié, l'égalité de tous les individus devant la Matrice cosmique, principe maternel et "tellurique" (de <i>tellus</i>, terre) de la nature dont toute chose et tout être proviennent et en lequel ils se disséminent à nouveau au terme d'une existence éphémère, c'est cela que l'on trouve à la base de la promiscuité communautaire comme de celle, orgiastique, des fêtes lors desquelles on célébrait précisément, jadis, le retour à la Mère et à l'état naturel, et où toutes les distinctions sociales se voyaient temporairement abolies.</strong></p> <p align="justify"><strong>Le principe masculin n'a pas d'existence propre, il ne se suffit pas à lui-même. Sur le plan matériel, il n'a de valeur que comme instrument de la génération ; il se soumet au lien de la femme ou bien est tenu dans l'ombre par la luminosité démétrienne de la mère. Sur le plan spirituel, ce n'est qu'à travers une extase dionysiaque, rendue propice par des éléments sensualistes et féminins, qu'il faut recueillir le sens de ce qui est éternel et immuable, qu'il peut pressentir l'immortalité - laquelle n'a cependant rien à voir avec celle, céleste, des Olympiens et des Héros. Et même sur le plan social, l'homme, qui ne connaît rien d'autre que la loi brutale de la force et de la lutte, perçoit à travers la femme l'existence d'un ordre supérieur plus serein et supra-individuel ; il perçoit ce "mystère démétrien" qui, sous une forme ou sous une autre, constitua dans l'Antiquité la base et le soutien de la loi matriarcale et de la gynécocratie.</strong></p> <p align="justify"><strong>À ces conceptions s'oppose de façon très nette, dans l'ancien monde méditerranéen, le cycle de la civilisation <i>olympiano-ouranienne</i>. Le centre, ici, n'est plus constitué par les symboles de la Terre ou de la Lune, mais par ceux du Soleil ou des régions célestes ("ouraniens", du mot grec <i>Ouranos</i>) ; par la réalité non pas naturaliste et sensuelle, mais immatérielle ; non par le giron maternel, pas plus que par la virilité phallique qui en est la contrepartie, mais par la virilité ouranienne liée aux symboles du Soleil et de la Lune ; non par le symbolisme de la Nuit et de la Mère, mais par celui du Jour et du Père. Dans une telle civilisation, l'idéal suprême s'incarne précisément dans le monde <i>ouranien</i>, conçu comme celui d'entités lumineuses, immuables, détachées, privées de naissance - par opposition au monde inférieur des êtres qui naissent, deviennent et meurent, au fil d'une existence éphémère car toujours associée à la mort. La religion d'Apollon et de Zeus : tel est le point de référence suprême. C'est la spiritualité <i>olympienne</i>, la virilité immatérielle, le caractère <i>solaire</i> de dieux libérés du lien de la femme et de la mère, dont les attributs sont la paternité et la domination.</strong></p> <p align="justify"><strong>Les traces laissées par cette tradition, y compris dans la spéculation grecque, sont connues de tous, ou peu s'en faut : telles qu'elles furent conçues par les philosophes grecs, les notions de <i>noûs</i> et de "sphère intelligible" s'y rattachent directement. Mais Bachofen met en évidence bien d'autres expressions de cette tradition : le patriarcat, notamment en ses formes patriciennes, n'a pas d'autres prémisses. L'impulsion à dépasser la simple virilité "tellurique" (physique et phallique) dans l'optique d'une virilité héroïque ou spirituelle ; l'intégration de tout ce qui est forme et différence, au lieu d'en faire fi ; le mépris de la condition naturaliste ; le dépassement du droit naturel par, un droit positif ; l'idéal d'une formation de soi où l'état de nature, avec sa loi de la Mère et de la Terre, est remplacé par un nouvel ordonnancement, sous le signe du Soleil et des travaux symboliques d'un Héraklès, d'un Persée ou d'autres héros de la Lumière - tout ceci procède d'un type de civilisation identique.</strong></p> <p align="justify"><strong>Telle est la conception fondamentale de Bachofen. Et elle fournit la clef d'un type de recherches susceptible d'être étendues à des domaines beaucoup plus vastes que ceux considérés par le penseur bâlois, d'autant plus que, nous y avons fait allusion, Bachofen s'est uniquement servi de tels points de référence pour fixer les grandes lignes des conflits, des bouleversements et des transformations propres à l'histoire secrète de l'antique monde méditerranéen. En Grèce, contrastant avec les formes plus archaïques, aborigènes, liées au culte tellurico-maternel, irradia la lumière de la spiritualité héroïco-olympienne - mais la "civilisation des pères" y connut une brève existence. Minée par des processus d'involution, du fait qu'elle n'avait pas été étayée par une organisation politique solide, elle fut victime de la résurgence de cultes et de forces liés à la période précédente, pélasgico-orientale, qu'elle semblait avoir tout d'abord jugulés. L'idée qui la sous-tendait parvint à se transmettre à Rome où elle connut un développement beaucoup plus prometteur, si l'on se réfère à l'histoire, jusqu'à Auguste. A l'époque d'Auguste, Rome sembla, en effet, sur le point d'instaurer une nouvelle ère universelle qui conduirait à son terme cette mission - selon Bachofen, spécifiquement occidentale - pour laquelle la civilisation de l'Apollon delphique s'était montrée insuffisamment qualifiée.</strong></p> <p align="justify"><strong>Tels étant les principaux traits de la métaphysique de Bachofen quant à l'histoire méditerranéenne ancienne, il serait opportun de faire maintenant allusion aux autres possibilités qu'elle offre - une fois dépassé le cadre général "évolutionniste" dont nous parlions plus haut.</strong></p> <p align="justify"><strong>Des constatations de Bachofen, il ressort que s'est développée, par opposition aux fondements d'un monde plus archaïque imprégné d'une "civilisation de la Mère", une civilisation virile et paternelle qui la supplanta et la vainquit - même si, dans un 2ème temps et dans certaines régions, elle subit à nouveau des bouleversements au terme d'un cycle donné de civilisation. Tout ceci fut analysé par Bachofen par référence à une espèce de développement automatique advenu au sein d'une même famille ethnique. Il ramène donc essentiellement l'opposition entre ces 2 civilisations à celle existant entre 2 phases progressives et évolutives d'un processus unique - sans se demander COMMENT l'une avait pu procéder de l'autre.</strong></p> <p align="justify"><strong>Il convient, au contraire, de se poser cette question en faisant appel, pour y répondre, à l'ethnologie. Il ressort d'un ensemble de recherches ultérieures dans d'autres domaines, avec une marge de crédibilité suffisante, l'idée selon laquelle la civilisation méditerranéenne la plus archaïque, préhellénique, caractérisée par le culte de la Femme, du matriarcat, de la gynécocratie sociale ou spirituelle, serait liée à des influences pré-aryennes ou non aryennes - alors que la vision opposée du monde héroïque, solaire et olympien aurait une origine proprement aryenne. Au reste, ceci avait même été pressenti par Bachofen lorsqu'il mit en relation la 1ère civilisation avec les populations pélasgiques et qu'il observa que le culte le plus caractéristique du cycle héroïco-solaire, celui de l'Apollon de Delphes, avait des origines "hyperboréennes et thraces" - ce qui revient à dire nordico-aryennes. Ses préjugés évolu-tionnistes l'ont toutefois empêché d'approfondir ces données. Alors qu'il a accompli une œuvre géniale en ramenant les vestiges de la civilisation gynécocratique, parvenus jusqu'à nous, à l'unité archaïque à laquelle ils appartenaient, il a négligé de procéder de façon analogue en ce qui concerne les éléments solaires et olympiens qui avaient affleuré et s'étaient affirmés dans l'ancien monde méditerranéen. Ceci l'aurait amené à constater l'existence d'une civilisation olympienne et paternelle tout aussi archaïque, mais d'origine ethnique différente. Dans le bassin méditerranéen, les formes les plus pures de cette civilisation sont, par rapport à l'autre, plus récentes : mais "plus récentes" au sens relatif, du fait qu'elles apparurent seulement à un moment donné - et non pas au sens absolu, c'est-à-dire au sens qu'auparavant elles n'existèrent ou n'apparurent nulle part, sinon comme les ultérieurs "stades évolutifs" d'un même groupe ethnique. Le contraire pourrait être tout aussi vrai, à savoir que de nombreuses formes, rattachées par Bachofen au cycle de la Mère (à ses aspects supérieurs : <i>lunaires</i> et <i>démétriens</i>), pourraient être considérées, plutôt que réellement propres à une telle civilisation, comme les formes involutives de certains rameaux de la traditon solaire (ce qui correspondrait, entre autres, aux enseignements concernant les "quatre âges" que nous a transmis Hésiode), ou encore comme le produit d'interférences entre elle et la Tradition opposée.</strong></p> <p align="justify"><strong>Mais nous ne pouvons nous attarder davantage sur cette question dans la mesure où elle sort du cadre des recherches proprement dites de Bachofen et où, d'autre part, nous l'avons déjà traitée dans d'autres ouvrages <font color="#0000FF">(1)</font>. Quoiqu'il en soit, le travail effectué par Bachofen se révélera extrêmement utile, à titre préparatoire, pour celui qui souhaiterait, sur la base des traces constituées par les symboles, les rites, les institutions, les coutumes et les formes juridiques dérivant respectivement de la civilisation de la Mère et de la civilisation héroïco-solaire, identifier les influences spirituelles et les "races de l'es prit" antithétiques qui agirent dans l'ancien monde méditerranéen, l'Hellade et Rome comprises. Du fait des nouveaux matériaux recueillis entre-temps, une telle recherche pourrait obtenir des résultats absolument passionnants. En outre, il serait toujours possible de l'entreprendre, en partant des mêmes prémisses, vis-à-vis d'autres civilisations, européennes ou non européennes.</strong></p> <p align="justify"><strong>En ce qui concerne l'utilisation des conceptions de Bachofen sur le plan proprement morphologique et typologique, il conviendrait de noter que cet auteur ne s'est pas contenté de considérer les 2 seuls termes de l’antithèse - c-à-d. <i>solaire</i> et <i>tellurique</i>, principe viril ouranien-paternel et principe tellurico-maternel ; il s'est également penché sur des formes intermédiaires auxquelles correspondent les termes de <i>démétrien</i> (ou <i>lunaire</i>), d’<i>amazonien</i>, d'<i>héroïque</i> et de <i>dionysien</i>. Nous disposons donc, en tout, de 6 points de référence en fonction desquels on pourrait définir non seulement des types de civilisation, mais également des modes d'être spécifiques - au point de pouvoir parler d'un type d'homme <i>solaire</i>, <i>lunaire</i>, <i>tellurique</i>, <i>amazonien</i>, <i>héroïque</i> ou <i>dionysien</i>. Nous-mêmes, notamment dans l'ouvrage évoqué plus haut, nous avons cherché à développer, sur ces bases, une typologie particulière. Une fois encore, il s'agit là d'un nouveau domaine des sciences de l'esprit aux explorations desquels les conceptions de Bachofen peuvent fournir des points de référence précieux.</strong></p> <p align="justify"><strong>Enfin, il convient d'ajouter que ce type de recherches n'a pas seulement un intérêt rétrospectif dans le cadre de l'élaboration d'une histoire secrète du monde antique : il pourrait également s'avérer très utile à tous ceux qui s'efforcent de découvrir le véritable visage de l'époque que nous vivons et de formuler à la fois un diagnostic et un pronostic sur la civilisation occidentale dans son ensemble. Ici et là, dans ses ouvrages, Bachofen a pressenti l'existence de lois cycliques sous le poids desquelles, au terme d'un développement donné, certaines formes involutives et dégénérescentes représentent quasiment un retour de stades positifs jadis laissés derrière lui par le processus de développement général. Or, plus d'un auteur a relevé, dans le sillage de Bachofen, combien la civilisation occidentale contemporaine présente et reproduit de façon inquiétante les traits distinctifs d'une <i>époque de la Mère</i>, d'une <i>époque tellurique</i> et <i>aphrodisienne</i>, avec toutes les conséquences que cela implique.</strong></p> <p align="justify"><strong>Voici, par ex., ce qu'écrit Alfred Baümler dans l'introduction déjà citée à des morceaux choisis de Bachofen : "Un seul regard jeté, dans les rues de Berlin, Paris ou Londres, sur le visage d'un homme ou d'une femme moderne, suffit à se convaincre qu'aujourd'hui le culte d'Aphrodite est celui devant lequel Zeus ou Apollon doit laisser la place (...). C'est un fait patent que le monde contemporain présente tous les traits d'une époque gynécocratique. Au cœur d'une civilisation épuisée et décadente surgissent de nouveaux temples d'Isis et d'Astarté, de ces divinités maternelles asiatiques que l'on servait par l'orgie et le dérèglement, avec le sentiment d'un abandon sans espoir dans la jouissance. Le type de la femme fascinante est l'idole de notre temps et, les lèvres fardées, elle hante les villes d'Europe comme jadis Babylone. Et comme si elle voulait confirmer la profonde intuition de Bachofen, la dominatrice moderne de l'homme, ne cachant rien de ses charmes, porte dans ses bras un chien, symbole de la promiscuité sexuelle sans limites et des forces d'en-bas". Mais ce type d'analogie pourrait donner lieu à de bien plus vastes développements.</strong></p> <p align="justify"><strong>L'époque moderne est "tellurique" non seulement en ses aspects mécanicistes et matérialistes, mais encore, essentiellement, en, ses divers aspects activistes, dans son fatras de religions de la Vie, de l'Irrationnel et du Devenir - exactes antithèses de toute conception classique ou "olympienne" du monde. Un Keyserling, par ex., a cru pouvoir parler du caractère "tellurique" - c-à-d. irrationaliste, lié essentiellement à des formes de courage, de sacrifice, d'élan et de don de soi privées de toute référence vraiment transcendante - présenté par ce moderne mouvement de masse que l'on a appelé, de façon générale, le "révolution mondiale". Avec la démocratie, 1e marxisme et le communisme, l'Occident a fini par exhumer, sous des formes sécularisées et matérialisées, l'antique droit naturel, la loi égalitariste et anti-aristocratique de la Mère chthonienne qui stigmatise l’ "injustice" de toute différence : et le pouvoir si souvent accordé, sur cette base, à l'élément collectiviste semble proprement remettre en honneur l'ancien discrédit de l'individu propre à la conception <i>tellurique</i>.</strong></p> <p align="justify"><strong>Avec le romantisme moderne, voici que renaît Dionysos : il a la même passion pour l'informe, le confus, l'illimité ; on y trouve la même confusion entre sensation et esprit, la même opposition à l'idéal viril et apollinien de la clarté, de la forme de la limite. Nietzsche lui-même, grand admirateur de Dionysos, est une preuve vivante et tragique de l'incompréhension moderne pour un tel idéal et l'aspect <i>tellurique</i> de nombre de ses conceptions le montre bien. Par ailleurs, après avoir lu Bachofen, il n'est pas difficile de constater le caractère <i>lunaire</i> propre au type le plus répandu de la culture moderne : à savoir la culture basée sur un blafard et vide intellectualisme, la culture stérile, coupée de la vie, s'épuisant dans la critique, la spéculation abstraite et la vaine créativité esthétisante - culture qui, ici encore, est à mettre en relation étroite avec une civilisation qui a porté le raffinement de la vie matérielle à des formes extrêmes (selon la terminologie proprement bachofenienne, on dirait <i>aphrodisiennes</i>) et où la femme et la sensualité deviennent souvent des thèmes prédominants - au point de devenir quasiment pathologiques et obsessionnels.</strong></p> <p align="justify"><strong>Et là où la femme ne devient pas la nouvelle idole des masses sous 1a forme moderne, non plus des déesses mais des "divas" cinématographiques et autres apparitions <i>aphrodisiennes</i> envoûtantes, elle affirme fréquemment sa primauté sous de nouvelles formes <i>amazoniennes</i>. C'est ainsi qu'apparaît la femme moderne, masculinisée, sportive et <i>garçonne</i> - la femme qui se consacre exclusivement à l'épanouissement de son corps (trahissant ainsi la mission qui l'attend normalement dans une civilisation de type viril), qui s'émancipe, qui se rend indispensable et va jusqu'à faire irruption dans l’arène politique. Mais, cela non plus ne lui suffit pas.</strong></p> <p align="justify"><strong>Dans les sociétés anglo-saxonnes et surtout en Amérique, l'homme qui épuise sa vie et son temps dans l'abrutissement des affaires et la poursuite des richesses - richesses qui servent, pour une bonne part, à payer le luxe, les caprices, les vices et les "raffinements" féminins -, un tel homme, qui s'intéresse tout au plus au sport, a volontiers laissé à la femme le privilège, sinon le monopole, de s'occuper des "choses spirituelles". C'est pourquoi l'on voit surtout pulluler, dans ce type de société, les sectes "spiritualistes", spirites et occultistes où le fait que prédomine l'élément féminin est déjà en soi significatif (ce sont, par ex., 2 femmes, Madame Blavatsky et Madame Besant, qui ont fondé et dirigé ce qui prit le nom de Société Théosophique). Mais c'est pour bien d'autres raisons que cette simple circonstance que le néo-spiritualisme nous apparaît comme une espèce de réincarnation des vieux Mystères féminins : l'informe évasion de l'âme dans de nébuleuses expériences suprasensibles, la confusion entre médiumnité et spiritualité, l'évocation inconsciente d'influences réellement "infernales" et l'importance accordée à des doctrines telles que la réincarnation tendent à confirmer, dans ces courants pseudo-spiritualistes, la correspondance déjà évoquée et à démontrer que, dans ces aspirations déviées de dépasser le "matérialisme", le monde moderne n'a rien su trouver qui le remette en contact avec des traditions supérieures de caractère olympien et "solaire" <font color="#0000FF">(2).</font></strong></p> <p align="justify"><strong>Quant à la psychanalyse, avec la prééminence qu’elle accorde à l’inconscient par rapport au conscient, au côté "nocturne", souterrain, atavique, instinctif et sexuel de l’être humain par rapport à l'existence de veille, à la volonté, à la véritable personnalité, elle semble se référer proprement à la vieille doctrine de la Nuit sur le Jour, de l'obscurité des Mères sur les formes, supposées caduques et sans intérêt, qui émanent d'elle.</strong></p> <p align="justify"><strong>On doit reconnaître que de telles analogies ne sont ni extravagantes ni le fait de dilettantes ; elles ont une base considérable et sérieuse qui leur donne un caractère inquiétant, dans la mesure où, selon nous, la réapparition d'une ère gynécocratique ne peut signifier que la fin d'un cycle et l'écroulement des civilisations fondées sur une race d'ordre supérieur. Mais, nombre de conceptions de Bachofen, au même titre qu'elles nous permettent de mettre en évidence ces symptômes de décadence, nous indiquent également des points de référence en vue d'une réaction et d'une restauration éventuelles. Ils ne peuvent être constitués que par les valeurs "olympiennes" d'une nouvelle civilisation, anti-gynécocratique et virile. Tel est, pour Bachofen lui-même, le "mythe de l'Occident" - c'est-à-dire l'idée formatrice, l'idéal qui définirait ce qu'il y a de plus spécifiquement "occidental" dans l'histoire de la civilisation.</strong></p> <p align="justify"><strong>Pour Bachofen, nous l'avons vu, c'est Rome qui, au terme de la tentative de l'Hellade apollinienne, aurait assumé un tel idéal, aurait affirmé une "société du père" sur des bases universelles, au long d'une lutte tragique contre des forces qui, peu à peu, devaient à nouveau réaffleurer, puis se réaffirmer, dans tel ou tel domaine de la vie et de la société romaines. Celui qui est capable de pressentir la profonde vérité de cette vue de Bachofen voit s'ouvrir à lui un champ de recherches aussi vaste que passionnant : celui du repérage et de la découverte d'une romanité olympiano-paternelle, au sens supérieur. Cependant, après le massacre qu'une insipide et prétentieuse rhétorique a fait du nom de Rome, après ce qu'une érudition et ce qu'une historiographie académiques, plates et sans âme ont accompli pour nous faire ignorer tout ce que la romanité des origines possédait de lumineux, d'éternel et qui constituait sa véritable mission, comment mettre sérieusement en évidence l'importance qu'aurait, selon nous, une telle recherche et celle que revêt, dans cette optique, l'œuvre même de Bachofen de façon générale ?</strong></p> <p align="justify"><strong>Mais ce qui, pour un ensemble de facteurs en partie contingents, n'est peut-être pas possible aujourd'hui, il peut se faire que cela le soit demain, à une époque moins troublée. Avoir bien mis en évidence la dignité de la société virile et olympienne, c'est là l'un des plus grands mérites de l'œuvre de Bachofen - utile correctif à tant de déviations idéologiques et de vocations faussées propres aux temps modernes.</strong></p> <ol> <li><strong>Essentiellement dans <i><a href="http://www.lagedhomme.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=2-8251-0164-8&code_lg=lg_fr&type=29&num=1"><font color="#FF0066">Révolte contre le monde moderne</font></a></i>. </strong></li> <li> <div align="justify"><strong>Cf. not. <i><a href="http://www.tilsafe.com/page/libfr/PROD/LTD/056-LTD-DPS" class="undefined"><font color="#FF0099">Masques et visages du spiritualisme contemporain</font></a></i> (1932).</strong></div> </li> </ol>