Last posts on 30s2024-03-29T16:14:43+01:00All Rights Reserved blogSpirithttps://www.hautetfort.com/https://www.hautetfort.com/explore/posts/tag/30s/atom.xmlEdouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlTillie and Gustag:nightswimming.hautetfort.com,2012-01-09:43378762012-01-09T21:34:00+01:002012-01-09T21:34:00+01:00 ** ** Tillie and Gus serait une comédie familiale tout à fait...
<p style="text-align: center;"><img id="media-3377735" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/02/3870870428.jpg" alt="martin,etats-unis,comédie,30s" /></p><p><span style="font-size: xx-large;"><strong>**<span style="color: #999999;">**</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><strong><em>Tillie and Gus</em></strong> serait une comédie familiale tout à fait négligeable si elle n'était élevée par W.C. Fields. L'histoire est celle d'un jeune couple spolié de son héritage par un méchant notaire puis sauvé par l'arrivée d'un oncle et d'une tante, mari et femme mais séparés, faux missionnaires mais vrais escrocs. Après que la gentille exposition de la difficile situation financière des amoureux, la deuxième séquence lance le film. Elle sert à présenter le personnage de Fields, Augustus Winterbottom, en plein procès pour tentative d'assassinat sur un joueur de poker. Découpée efficacement, elle repose sur les épaules de l'acteur mais pas seulement, les petits rôles se mettant au diapason (le juge commençant à trembler lorsque Fields s'enfile une bouteille de whisky) pour faire de ce moment sans doute le meilleur du film. </p><p style="text-align: justify;">W.C. Fields, que je découvre réellement ici, c'est cet homme d'un certain âge déjà, rondelet, sûr de lui et ne respectant absolument aucune des convenances. Buvant et fumant ostensiblement, tapotant ceux qui le gêne avec sa canne, coupant les files d'attente, il impose sa présence et dérange. Cet anarchisme le rend sympathique. L'acteur est génial dans la réalisation des petits gestes agaçants et dans la formulation de phrases absurdes ou de bons mots ("- <em>Do you like children ? - If they are well cooked</em>"). Cousin artistique des Marx Brothers et continuateur des travaux burlesques du muet, il semble un peu moins performant dans la grande action et les cadres très larges. La faute probablement aussi, dans ce <em>Tillie and Gus</em> en tout cas, aux insuffisances d'une mise en scène très fonctionnelle, peu soucieuse de beauté plastique et architecturale dès lors que la caméra s'éloigne.</p><p style="text-align: justify;">Le scénario offre tout de même l'occasion de plans expressifs à travers la confrontation entre Fields et Baby LeRoy, acteur d'une dizaine de mois destiné à prolonger bien au-delà de ce premier film cette collaboration. L'opposition de ces deux masses, assez comparables malgré la différence d'échelle, est plutôt savoureuse. Surtout, la présence de ce bambin n'occasionne pas autant de facilités que l'on pourrait le craindre. Winterbottom n'hésite pas à sauver ce petit neveu mais, plus ou moins consciemment, il le met régulièrement en danger, dans un engrenage presque cruel aux yeux du spectateur. C'est que, je le répète, Fields ne respecte rien. S'il se rabiboche avec sa femme qui était bien décidée à l'occire, c'est pour retrouver le frisson que provoque l'escroquerie à deux. Et l'idée commune d'arnaquer leur naïve nièce parvient à les effleurer un instant.</p><p style="text-align: justify;">Très distrayant dans sa première moitié, le film devient plus prévisible dans la seconde (une course de bateau à gros enjeu entre le notaire et la famille) et se termine sur une classique recomposition familiale. Après avoir donné quelques vifs coups de pieds, il s'en trouve tout adoucit, ce qui n'empêche pas de continuer à le trouver plaisant.</p><p> </p><p><img id="media-3376806" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/00/1792514400.jpg" alt="tillie&gus00.jpg" /><strong>TILLIE AND GUS</strong></p><p>de Francis Martin</p><p>(Etats-Unis / 58 min / 1933)</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlScarlet dawntag:nightswimming.hautetfort.com,2010-03-14:26518552010-03-14T19:23:00+01:002010-03-14T19:23:00+01:00 (William Dieterle / Etats-Unis / 1932) ■□□□ Nikita Krasnoff, prince...
<p style="text-align: justify;">(William Dieterle / Etats-Unis / 1932)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">■□□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/00/1528060625.jpg" id="media-2334831" alt="scarletdawn.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Nikita Krasnoff, prince russe et membre de la garde du tsar, combat les communistes, est dépossédé de ses biens par la Révolution, parvient à passer en Turquie en compagnie de sa servante qu'il épouse dans la foulée. A Constantinople, sans un sou, il doit travailler de ses mains pour la première fois de sa vie. Devenu serveur de restaurant, il croise une ancienne maîtresse qui l'entraîne alors dans une machination destinée à dépouiller une riche famille américaine. Au dernier moment, Nikita trouve la force morale de renoncer à l'arnaque. Venant d'apprendre que les Turcs renvoient tous les Russes réfugiés chez eux, il coure rejoindre sa femme qu'il avait abandonné à son sort. Il la retrouve in extremis avant de s'embarquer, épuisée et probablement enceinte.</p> <p style="text-align: justify;">Ce récit rocambolesque tient à l'écran en cinquante-huit minutes. A l'instar de Patrick Brion, on peut apprécier la concision de ce cinéma disparu. On peut aussi trouver cela proprement ahurissant et se sentir largué devant tant de raccourcis, d'approximations, de superficialité et de clichés. <b><i>Scarlet dawn</i></b> est particulièrement difficile à caractériser en termes de genre, quasiment chaque séquence jouant sur un registre différent de la précédente. Nous passons ainsi de l'aventure à la comédie sophistiquée, du film historique à la chronique réaliste, de l'exotisme au suspense, de la guerre au mélodrame. N'oublions pas une séquence dansée et des plans documentaires de défilés militaires sous le régime tsariste.</p> <p style="text-align: justify;">La première partie présente la révolution russe de manière caricaturale et désinvolte et débouche sur l'éloge de l'individualisme à travers ce personnage d'aristocrate débrouillard (Douglas Fairbanks Jr, dont le jeu ne se distingue pas par sa subtilité). Franchement désarçonné par ce <i>Tintin au pays des Soviets</i>, le spectateur se raccroche à l'ambiance nocturne et onirique créée par la mise en scène de Dieterle, à coups d'éclairages travaillés, de décors chargés, de voiles et de sur-cadrages.</p> <p style="text-align: justify;">Cependant, le charme de l'irréalisme ne perdure pas et les défauts se font de moins en moins supportables. Le film est bien évidemment parlé en anglais, ce qui n'a rien de scandaleux. En revanche, le bref usage de l'arabe, caractérisant la propriétaire de la chambre louée par les tourtereaux (femme, qui plus est, voleuse), ainsi que les quelques mots de français et d'allemand, ne sont là que pour faire couleur locale à peu de frais.</p> <p style="text-align: justify;">Le récit prend tellement de virages qu'il finit par agacer. Des personnages importants débarquent d'on ne sait où pour disparaître aussitôt. La fille de l'Américain surgit à l'écran et se présente comme déjà amoureuse de Nikita. Un peu plus tôt, ce dernier a repensé avec émotion et nostalgie au jour de son mariage, scène que nous avons vécu à peine dix minutes auparavant. La notion du temps explose. Il n'y a plus que des péripéties, du scénario. A peine a-t-on profité de quelques jolis moments éparses (le mariage improvisé, les poignantes retrouvailles)... Au final, décrochés, nous avons l'impression d'avoir vu un peu n'importe quoi.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLes deux orphelinestag:nightswimming.hautetfort.com,2009-09-24:23849332009-09-24T13:08:00+02:002009-09-24T13:08:00+02:00 (David W. Griffith / Etats-Unis / 1921 & Maurice Tourneur / France /...
<p style="text-align: justify;">(David W. Griffith / Etats-Unis / 1921 & Maurice Tourneur / France / 1933)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">■■■□</span> / <span style="font-size: medium;">■■□□</span></p> <p style="text-align: justify;">A l'époque où se font entendre les premiers grondements révolutionnaires, deux jeunes femmes arrivent à Paris. Henriette et Louise, qui est aveugle et a été abandonnée enfant par sa véritable mère, ont été élevées comme des soeurs. Dans la capitale, livrées à elles-mêmes, elles sont brutalement séparées. Henriette tombe sous la coupe d'un aristocrate pervers et Louise sous celle d'une mendiante brutale.</p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/01/239905026.jpg" alt="orphans.jpg" id="media-1996919" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />J'ai découvert il y a cinq ans de cela la version de Griffith des <b><i>Deux orphelines</i></b> (<i>Orphans of the storm</i>). Quelques notes griffonées alors me permettent de me la remémorer, au moment d'écrire sur celle de Tourneur.</p> <p style="text-align: justify;">Ce qui impressionne d'abord chez Griffith est l'ampleur de la narration. La présentation des divers personnages laisse d'abord craindre d'avoir à feuilleter un simple catalogue de la reconstitution historique mais très vite, le cinéaste déploie les panneaux de son récit, multiplie les parallèles, développe les relations entre les nombreux protagonistes et éclaire leurs motivations par de courts flash-backs.</p> <p style="text-align: justify;">La première partie culmine avec une longue et magnifique séquence de retrouvailles avortées entre Louise et Henriette. Cette dernière croit divaguer en entendant sa soeur chanter dans la rue, en contrebas et tarde à aller à sa fenêtre. L'écoulement du temps provoque le déchirement et la scène devient l'une des plus belles du cinéma muet.</p> <p style="text-align: justify;">La deuxième partie est peut-être légèrement inférieure, plus linéaire et plus marquée par l'idéologie. En effet, Griffith a greffé à l'argument original l'Histoire avec un(e) grand(e) H(ache). Les figures les plus connues de la Révolution française apparaissent. Le peuple est dépeint comme une entité manipulable à l'envi et se lançant aveuglément dans l'expérience de la Terreur. Le péril bolchévique est là. Au final, les deux tyrannies, celle du peuple et celle du Roi, sont renvoyées dos à dos, à la faveur d'un éloge de l'individualisme et de la famille.</p> <p style="text-align: justify;">Les deux "soeurs" sont interprétées par Dorothy et Lilian Gish, ce qui suffit déjà à faire naître une émotion. Lilian, dont le visage illumine comme toujours le moindre plan, joue d'ailleurs ici pour la dernière fois sous la direction de son mentor.</p> <p style="text-align: justify;">Le film de Griffith est parfois négligé par rapport à ses oeuvres antérieures, certains lui reprochant la répétition stérile de certains effets (comme le sauvetage de dernière minute). Il s'en dégage, selon moi, une telle impression de "cinéma total" (mêlant l'histoire, le mélodrame, le comique, le politique et l'intime) que les quelques réserves qu'il peut susciter sont vite balayées.</p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/01/1715710990.jpg" alt="orphelines.jpg" id="media-1996986" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Douze ans plus tard, Maurice Tourneur réalise à son tour <b><i>Les</i> <i>Deux orphelines</i></b> pour un résultat qui n'est point trop indigne du précédent (il existe plusieurs autres versions, dont une de Riccardo Freda, datant des années 60). Nous n'y trouvons certes pas les mêmes fulgurantes inspirations et Rosine Déréan et Renée Saint-Cyr n'ont pas l'aura des soeurs Gish. Toutefois, le plaisir du récit mélodramatique est toujours présent. Le développement narratif est moins complexe mais assez rigoureux. Tourneur est resté fidèle au roman d'Eugène Cormon et Adolphe d'Ennery : de la Révolution, nous ne sentons qu'à peine les frémissements, là où Griffith faisait intervenir dans son scénario Danton et Robespierre.</p> <p style="text-align: justify;">Le film a parfois du mal à se libérer totalement des pesanteurs inhérentes aux débuts du parlant et se voit, par endroits, coincé entre deux tendances du cinéma français, la volonté du réalisme et la tentation du théâtre. Cette double tension se ressent dans le jeu des comédiens : certains peuvent paraître cabotins avant d'accéder à une expressivité assez forte.</p> <p style="text-align: justify;">Le soin apporté aux décors est notable et Tourneur arrive le plus souvent à faire vivre les scènes à plusieurs personnages (en revanche, les bagarres sont assez médiocrement filmées, sans doute tributaires des difficultés techniques liés au son). Quelques passages atteignent une réelle beauté. Ils concernent essentiellement les malheurs de Louise, réduite à la mendicité et dont l'histoire est plus poignante que celle de sa soeur. Sa cécité, que Tourneur utilise fort bien, ajoute à l'émotion, bien qu'il y ait, tout le long du film, de ce point de vue, une retenue de notre part. Le plus beau moment est sans conteste le dialogue et l'échange de pardessus entre Louise et le "bon" fils de la famille la séquestrant, filmés en plan-séquence fixe, enrobé de neige. Le dénouement est plus intime que chez Griffith, plus contraint par le cadre et plus théâtral par le positionnement des acteurs dans l'espace réduit.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlCopie conformetag:nightswimming.hautetfort.com,2009-09-04:23542562009-09-04T20:54:00+02:002009-09-04T20:54:00+02:00 (Jean Dréville / France / 1947) □□□□ Ismora est un escroc génial qui...
<p style="text-align: justify;">(Jean Dréville / France / 1947)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">□□□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/01/2068269235.jpg" id="media-1961989" alt="copieconforme.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Ismora est un escroc génial qui par son art du travestissement réalise une série de vols spectaculaires. Il se trouve qu'il a un sosie parfait, Mr Dupon, paisible représentant de commerce. Il met la main sur ce dernier et le manipule de façon à ce qu'il accepte de jouer son double dans le beau monde, ce subterfuge fournissant un alibi imparable pendant qu'il commet ses forfaits.</p> <p style="text-align: justify;">De façon bien légère, Jean Dréville tient à s'assurer d'une distinction permanente entre les deux sosies par le spectateur (grâce à une différence flagrante dans la démarche, les intonations, la coiffure, le regard), tout en laissant croire que, dans ce récit, les victimes et les proches se laissent abuser sans sourciller. De ce principe découle une série de péripéties à base de substitutions d'identité totalement invraisemblables.</p> <p style="text-align: justify;">Louis Jouvet commence par se transformer physiquement au gré des arnaques du personnage d'Ismora, avant de jouer aussi son double, Dupon. L'acteur, qui peut être par ailleurs si impressionnant, nous offre là une performance pénible, appuyant tous ses effets de manière particulièrement insupportable dans son rôle d'homme médiocre.</p> <p style="text-align: justify;">La dévitalisation contamine pareillement les dialogues. Absolument toutes les répliques se veulent gorgées d'esprit, se gargarisant de jeux de mots, de formules sur le thème du double, de rimes et d'échos. Ce tourbillon est épuisant. L'oeil, lui, n'est attiré que par quelques cadrages et éclairages expressionnistes mais de ce sujet à la Feuillade ne s'échappe aucun mystère. Nous restons dans le boulevard. Le dénouement, enclenché par la révélation de la supercherie à une Suzie Delair qui ne s'en étonne aucunement, est nul.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlUn jour au cirquetag:nightswimming.hautetfort.com,2009-09-02:23498932009-09-02T21:40:00+02:002009-09-02T21:40:00+02:00 (Edward Buzzell / Etats-Unis / 1939) ■□□□ Au rayon "Classiques du...
<p style="text-align: justify;">(Edward Buzzell / Etats-Unis / 1939)</p> <p><span style="font-size: medium;">■□□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/00/1226222375.jpg" id="media-1958335" alt="unjouraucirque.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Au rayon "Classiques du <i>nonsense</i>", une moins bonne pioche que celle du <a href="http://drorlof.over-blog.com/article-35410920.html">Dr Orlof</a>. Très loin des dévastateurs <i>Soupe au canard</i> (1933) et <i>Monnaie de singe</i> (1931), <b><i>Un jour au cirque</i></b> (<i>At the circus</i>) est le Marx Brothers le plus faible qu'il m'ait été donné de voir. La formule est la suivante : un tiers de sketchs, un tiers de séquences dansées ou chantées, un tiers de romance ou d'intrigues autour d'un couple d'amoureux. On nous raconte l'aide apportée par les trois allumés à un jeune directeur de cirque afin que celui-ci en devienne définitivement le propriétaire et ne dépende plus de son détestable partenaire, mais l'histoire n'a aucune importance.</p> <p style="text-align: justify;">Dans leurs meilleurs films, les Marx créent leur monde à eux, parallèle au nôtre, violent, illogique et, surtout, impose leur rythme. Ici, aucun effort particulier n'est fait, le metteur en scène étant aux abonnés absents. Les séquences sont collées les unes aux autres sans la moindre transition narrative ou esthétique, les numéros musicaux, mis à part le "<i>Lydia, the tattoed lady</i>" assez enlevé de Groucho, sont interminables et le final, grossièrement acrobatique, est d'une facilité désespérante.</p> <p style="text-align: justify;">Il faut donc patienter toutes les dix minutes pour que l'écran se recharge de l'énergie véhiculée par les trois frères, bien que la plupart des situations soient reprises d'oeuvres antérieures et que s'en dégage un goût persistant de déjà-vu. La capacité du trio à saccager un espace réduit est intacte, malgré la nullité de leurs comparses en victimes (un petit garçon grimé en nain et un Goliath à bouclettes et moustache). Groucho vole toutes les scènes et Harpo ne fait rire que lorsqu'il côtoie les deux autres et qu'il embrouille un peu plus le jeu corporel.</p> <p style="text-align: justify;">Cela dit, même dans un film très mineur comme celui-ci, l'absence d'enjeu dramatique et la gratuité totale du déchaînement opéré par les Marx étonnent toujours, fascinent presque.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Dernière minute : Hasard impressionnant, le docteur pré-cité, parle aussi des Marx sur son blog, <a href="http://drorlof.over-blog.com/article-35591640.html">aujourd'hui-même</a>.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlTrois camaradestag:nightswimming.hautetfort.com,2009-07-30:23070012009-07-30T18:54:00+02:002009-07-30T18:54:00+02:00 (Frank Borzage / Etats-Unis / 1938) ■■■□ Trois camarades ( Three...
<p style="text-align: justify;">(Frank Borzage / Etats-Unis / 1938)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">■■■□</span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/02/133423646.jpg" id="media-1900845" alt="troiscamarades.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" /><b><i>Trois camarades</i></b> (<i>Three comrades</i>) s'ouvre sur le soulagement d'une poignée de soldats allemands célébrant dans leur cantine la fin de la guerre (celle de 14-18). Parmi eux, Erich, Otto et Gottfried portent un toast qui n'a pas grand chose d'enjoué. En démarrant au soir de l'arrêt des hostilités, le récit se déploie à partir d'une blessure dont la cicatrisation se révèlera impossible et se leste d'un sentiment de tristesse insondable.</p> <p style="text-align: justify;">Le thème de la camaraderie, entraînant souvent humour et légéreté, aurait pu atténuer ce sentiment-là mais Borzage le traite de manière radicale, extrèmement pure. L'histoire des liens qui unissent les trois protagonistes principaux ne nous est pas contée, l'expérience commune de la guerre constituant un fondement suffisant pour la crédibilité de cette amitié inaltérable. De plus, ces trois ont "<i>la même allure</i>", comme le remarque Pat lorsqu'elle les rencontre et qu'elle tombe amoureuse d'Erich (et effectivement, au-delà de la caractérisation spécifique de leurs personnages respectifs, Robert Taylor, Franchot Tone et Robert Young laisse entrevoir le même feu intérieur et unificateur). Rarement la force d'un lien de cette nature aura été ressentie au cinéma aussi simplement et aussi directement.</p> <p style="text-align: justify;">L'entrée en jeu de la jeune femme, Pat, devrait chambouler l'équilibre parfait du trio. Or, ce quatrième élément va consolider plus encore l'édifice (bâti en quelque sorte contre tous les autres). Otto et Gottfried, sans jamais s'interposer, sans jamais créer la moindre ambiguïté, vont se charger de protéger le couple formé par Erich et Pat car ils représentent les piliers les plus solides de cette construction, par leur pragmatisme et leur lucidité. Surtout, ils sont, selon leurs propres dires, des morts-vivants, contrairement à Erich, qui a vécu moins durement la guerre (il n'est resté au front qu'une année) et qui reste du côté de la vie.</p> <p style="text-align: justify;">Être mort ou vivant, ou... ni l'un ni l'autre. Les conversations et les allusions en ce sens abondent comme s'accumulent les nuages menaçants dans le ciel et les émeutes dans la rue. Ces funestes et répétitifs présages laissent peu d'échappatoires possibles à l'heure du dénouement mais la grande originalité de celui-ci est d'enrichir le drame d'une série de transferts d'énergie. Ceux qui meurent aident les autres à vivre (et les accompagnent toujours après). Toutefois, malgré le spiritualisme qui enrobe l'oeuvre, et à notre grand étonnement, Borzage évite la lourdeur du thème sacrificiel. Tout d'abord, les décès prennent la couleur sombre de l'inéluctable mais n'ont rien de suicidaire. Surtout, dès le début, l'inter-dépendance des personnages dans ce petit cercle a été démontrée, notamment dans la séquence du taxi saccagé : Gottfried, sachant que ses activités politiques mettent en péril la sécurité de ses deux amis, renonce dorénavant à s'impliquer. Le lien est si fort que le moindre événement vécu par l'un affecte tous les autres.</p> <p style="text-align: justify;">Dans une société allemande du début des années 20 totalement déboussolée, les quatre se construisent une bulle (le tournage en studio et l'usage criant des transparences et des décors simplifiés accentuent encore cette sensation). Ils se constituent en noyau insécable. Le mariage de Pat et Erich est célébré dans le bar en la seule présence de Gottfried, d'Otto, du maire, du tenancier et de son employé, les habitués trouvant porte close. Aucune crise interne ne vient perturber le groupe, toutes éclatent uniquement à l'extérieur : dans la rue, dans la société. Des trois amis, Gottfried semble être le seul à tenter un moment autre chose vers l'extérieur, en côtoyant un camarade se lançant dans la rue dans des discours politiques. Le regard que porte Borzage sur les différents groupuscules s'affrontant au dehors reste évasif : un mouvement vaguement pacifiste d'un côté et une organisation martiale et violente de l'autre. Gottfried assurera avoir finalement choisi l'action politique mais son aveu vient si près de la fin qu'il ne semble engager que lui. Il n'entraîne pas le film avec lui. Et en effet, dans l'ultime scène, pendant que la ville gronde au loin, on parle de partir pour l'Amérique du Sud.</p> <p style="text-align: justify;">Ce lieu est largement fantasmé. Il n'est convoqué que par les faux souvenirs qu'Erich aimait égréner devant Pat. Il symbolise donc un ailleurs, voire une autre dimension, plutôt qu'un lieu précis. Ce dénouement sonne comme un désengagement mais la blessure de la guerre semble avoir rendu impossible tout sursaut de ce point de vue. La guerre n'a pas servi de leçon, il ne sert à rien de crier "plus jamais ça". Il ne reste donc qu'à se plonger (ou s'élever) dans l'amour absolu (ou dans l'amitié absolue puisqu'ici, l'un n'exclue pas l'autre au point que l'un ressemble exactement à l'autre), cet amour né d'une déchirure et qui devient nécessité (Erich existe à peine avant sa rencontre avec Pat ; c'est d'ailleurs, dans les premières minutes, le moins "caractérisé" des trois).</p> <p style="text-align: justify;">Dans son style discret et sensible, Borzage recouvre son histoire triste d'un manteau neigeux. S'il s'autorise, à l'occasion, des effets visibles de mise en scène (toujours à bon escient : la vengeance d'Otto, l'ultime redressement de Pat), ce sont des images simples qui frappent et qui déchirent : le cadavre de Gottfried serré contre Erich à l'arrière de la voiture conduite par Otto, à la recherche du meurtrier, ou la séparation sur le quai de la gare où Pat demande aux deux hommes de se retourner pour qu'elle puisse trouver la force de partir. Ce sont aussi ces gros plans sur le visage souffrant mais lumineux de la merveilleuse Margaret Sullavan.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlKing Kong, Le fils de Kong & Monsieur Joetag:nightswimming.hautetfort.com,2009-07-07:22639752009-07-07T00:00:00+02:002009-07-07T00:00:00+02:00 (Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper / Etats-unis / 1933, 1933 &...
<p style="text-align: justify;">(Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper / Etats-unis / 1933, 1933 & 1949)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">■■■□</span> / <span style="font-size: medium;">■■□</span><span style="font-size: medium;">□</span> / <span style="font-size: medium;">■□</span><span style="font-size: medium;">□</span><span style="font-size: medium;">□</span></p> <p style="text-align: justify;">En matière de cinéma, nous sommes d'ordinaire trop accablés par l'offre télévisuelle, hors câble et satellite, pour ne pas applaudir cette fois-ci la programmation par Arte d'une soirée "King Kong", le 22 juin dernier, et cela d'autant plus que le choix des versions était, pour une fois, cohérent : sur la TNT, <i>King Kong</i> était diffusé en multilingue, laissant donc le choix à chacun et permettant ainsi la découverte de ce classique par le plus jeune public, et les deux "suites" que sont <i>Le fils de Kong</i> et <i>Monsieur Joe</i>, plutôt destinées aux curieux, l'étaient en VO.</p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/00/294182886.jpg" id="media-1863035" alt="kingkong.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />En revoyant le <b><i>King Kong</i></b> de Schoedsack et Cooper, frappe d'abord l'évidence d'un coup de génie des auteurs, celui d'avoir voulu faire de leur grand film d'aventure, un film qui réfléchit en même temps sur le pouvoir extraordinaire du cinéma. Grâce au choix initial du scénario de lancer l'expédition sous le prétexte d'un tournage exotique, nombre de séquences acquièrent par la suite une toute autre dimension. L'essai filmé que Carl Denham demande à son actrice Ann Darrow, sur le pont du navire en route pour Skull Island, consiste à la faire crier et à enregistrer son effroi. Celui-ci inquiète par anticipation Jack Driscoll, compagnon bientôt amoureux de la belle. A travers cette scène, le spectateur, lui, perçoit bien plus que cela : l'affirmation que de l'artifice pourra naître l'émotion.</p> <p style="text-align: justify;">Au cinéma, tout est plus grand et le film commence donc véritablement lorsque l'immense porte séparant le village des indigènes et le monde de King Kong s'ouvre, au rythme d'un superbe travelling avant qui met en valeur ce qui, à partir de là, constituera l'un des fondements esthétiques et thématiques de l'oeuvre : la différence d'échelle entre l'humain et les éléments qui le dépasse. Passé ce seuil, tout devient possible. Produire de l'émerveillement est le but premier de Schoedsack et Cooper. Remarquons que lors de la présentation du monstre dans le théâtre new yorkais, nous suivons l'agitation ayant cours derrière le rideau, en compagnie des trois protagonistes principaux et des journalistes, mais le contrechamp révélant le point fixé par leurs regards nous est longuement refusé. Nous sommes rélégués à la même place que les spectateurs assis dans la salle de spectacle et nous devons attendre comme eux le lever de rideau pour voir la "huitième merveille du monde" enchaînée sur la scène.</p> <p style="text-align: justify;">Le personnage de Denham, le cinéaste, est intéressant car il n'évolue pas. Sa quète obsessionelle a beau se finir en désastre, il ne culpabilise jamais. D'autre part, le caractère intrusif de l'expédition de cette équipe est bien marqué, ce qui amène à considérer le regard porté par les auteurs sur les indigènes. Ce type de récit d'aventures exotiques véhicule souvent les plus agaçants stéréotypes et libère régulièrement des relents colonialistes et racistes. Or, dans <i>King Kong</i>, la cruauté des rituels des insulaires vaut bien le cynisme de Denham. Plus remarquable encore, les Noirs et les Blancs sont égaux dans la panique. Le gorille géant ne choisit pas ses victimes en fonction de leur race, comme peuvent le faire les animaux féroces de <a href="http://nightswimming.hautetfort.com/archive/2007/08/08/tarzan-l-homme-singe.html"><i>Tarzan</i></a>, uniquement friands de porteurs noirs. Ceux qui courent affolés entre leurs cases ne sont pas plus ridicules que ceux qui, partis au secours d'Ann, tombent d'un tronc d'arbre secoué par le monstre. La gueule de ce dernier est autant satisfaite à Skull Island qu'à New York.</p> <p style="text-align: justify;">Il faudrait revenir aussi sur cette construction en trois temps (le voyage, l'île, New York), sur la longueur assumée des séquences d'animation et sur certaines scènes en particulier, comme celle de l'Empire State Building, extraordinairement découpée et harmonisant parfaitement des plans de nature très différente. Rappelons tout de même l'érotisme toujours prégnant des mésaventures d'Ann Darrow - Fay Wray. Le déshabillage dont elle est la victime reste toujours aussi délicieux. Coincée dans cette main gigantesque, elle est réduite à l'état de proie, objet de convoitise de multiples créatures. Notons d'ailleurs, et pour finir, que le T-Rex, le monstre de la grotte et l'oiseau préhistorique règnent sur trois domaines précis, la terre, l'eau et l'air, mais que King Kong les terrasse. Il n'est donc pas étonnant que ce dernier soit aussi à l'aise dans la jungle que dans un lac (comment fait-il pour le traverser ?) ou dans les nuages, là où l'aviation peine à l'abattre.</p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/02/1200273900.jpg" id="media-1863283" alt="filsdekong.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Rééditer l'exploit à la faveur d'une suite rapidement mise en chantier (pour une sortie en salles seulement neuf mois après le premier) était une gageure impossible à tenir. Certaines des beautés de <i>King Kong</i>, telles que la charge érotique et la libération de l'imaginaire sont tellement volatiles que l'on peut considérer qu'elles ont échappé aux auteurs. Fatalement, <b><i>Le fils de Kong</i></b> (<i>The son of Kong</i>) est loin d'être porteur de la même fascination. Beaucoup plus court (65 minutes), il est bâti en deux parties distinctes et très inégales.</p> <p style="text-align: justify;">La relance est assez habile et l'intrigue bien ficelée. Carl Denham commence à connaître le remords. Surtout, les victimes de la catastrophe new yorkaise ne cessent de le poursuivre en justice. Retrouvant son capitaine de navire, il reprend la mer. A voir ce bateau se diriger vers le Pacifique et tourner en rond autour de Skull island, on ressent parfaitement l'intensité d'une obsession qui n'ose dire son nom. L'évocation, fantaisiste ou non, d'un trésor oublié arrivera à point nommé pour fournir un prétexte à une nouvelle expédition sur l'île.</p> <p style="text-align: justify;">Les surprises de cette première partie sont bonnes : une figure féminine attachante, une mutinerie "communiste" sur le navire... Schoedsack est parfois très inspiré : lors d'une formidable séquence d'incendie dans un petit cirque, la jeune femme sauve (provisoirement) son père et la caméra accompagne ses efforts en travelling latéral, à travers les tentures successives du chapiteau.</p> <p style="text-align: justify;">Malheureusement, une fois toute l'équipe débarquée sur l'île, les auteurs ne savent plus trop quoi faire. L'apparition du "Petit Kong" est totalement ratée, l'accent étant mis tout de suite sur la compassion (on découvre le singe alors qu'il est prisonnier de sables mouvants). La violence animale a cédé la place à l'attendrissement et à la compréhension mutuelle, rendue possible par un anthropomorphisme <i>disneyen</i>. Cette nouvelle visite n'a pas d'autre enjeu qu'une sélection naturelle (seul le méchant du groupe se fera croquer) et une ultime prise de conscience de Denham, au terme d'un tremblement de terre assez laid et invraisemblable dans ses conséquences, malgré l'astucieuse reprise du motif de l'humain tenu dans la main du primate.</p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/610096801.jpg" id="media-1863343" alt="mrjoe.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Nouvelle variation, seize ans plus tard. Joe est un gorille géant vivant depuis sa naissance près de Jill, aujourd'hui une jeune femme héritière du domaine africain de son père. Max O'Hara (interprété, comme le personnage de Carl Denham, par Robert Armstrong), un entrepreneur de spectacle américain, finit par les rencontrer et faire signer un contrat à Jill afin de produire Joe dans son nouveau night-club new yorkais.</p> <p style="text-align: justify;"><b><i>Monsieur Joe</i></b> (<i>Mighty Joe Young</i>) est lui-même inférieur à <i>Son of Kong</i>, le temps n'ayant guère joué qu'en la faveur des trucages, plus fluides dans le rendu des mouvements et dans la co-présence dans le plan d'acteurs et d'éléments animés. De manière très étonnante, une séquence d'incendie est teintée de rouge, comme au temps du muet. Les interprètes sont d'une rigidité désarmante (la palme à Ben Johnson en cowboy engagé pour attraper les fauves au lasso).</p> <p style="text-align: justify;">Problématique est la question de l'exotisme, alors que la trame se veut plus réaliste que celle des deux précédents. En 1933, les îles du Pacifique étaient la promesse d'un ailleurs ouvrant sur l'inconnu et l'imaginaire. En 1949, l'Afrique n'est plus vue que comme le lieu d'un safari géant. En conséquence, le merveilleux se trouve déplacé et re-créé à New York, dans ce fantastique night-club que l'on arpente au rythme des sinuosités de la caméra, dans la seule séquence vraiment marquante du film.</p> <p style="text-align: justify;">Ce n'est donc plus la magie du cinéma que l'on convoque mais l'<i>entertainment</i>. La violence est donc bannie. Contrairement à King Kong, Joe n'est dangereux que lorsqu'il se défend d'une attaque ou qu'il est sous l'emprise de l'alcool et sa seule victime sera un lion. Chutes sans conséquence, vols-planés rigolos, tout est édulcoré. Nous sommes dans un monde de bons sentiments amusés et enfantins, sans l'ombre d'une trace d'ambiguïté dans les rapports qu'entretiennent la belle et la bête.</p> <p style="text-align: justify;">Une course-poursuite automobile incohérente (on s'arrête pour regonfler un pneu mais pas pour passer moins dangereusement d'un véhicule à l'autre) s'achève en apothéose lorsque les fugitifs stoppent leur périple afin de sauver les pensionnaires d'un orphelinat en flammes sur le bord de la route. Le détour est assez ahurissant. Seul son étirement en atténue le caractère arbitraire, offrant notamment un nouveau renvoi iconographique : le singe grimpe jusqu'en haut d'un arbre comme son ancêtre gravissait le célèbre building, avec toujours quelqu'un dans la main, la proie féminine étant cependant devenue une fillette à sauver.</p> <p style="text-align: justify;">Si faible soit-il, j'ai suivi ce <i>Monsieur Joe</i> sans trop de déplaisir, ce qui m'empêche de le considérer aussi "nul" que Tavernier et Coursodon dans leur dictionnaire, par exemple.</p> <p style="text-align: justify;">La vision successive de ces trois films dégage donc un intérêt particulier, dû aux reprises qui s'y font jour, mais nul doute que les deux derniers ne perdent beaucoup à être découverts séparément, <i>Le fils de Kong</i> et <i>Monsieur Joe</i> n'ajoutant finalement rien à la gloire des auteurs de <i>Chang</i> et des <a href="http://nightswimming.hautetfort.com/archive/2007/12/26/les-poupees-du-diable-les-chasses-du-comte-zaroff.html"><i>Chasses du comte Zaroff</i></a>.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlEt demain ?tag:nightswimming.hautetfort.com,2009-06-16:22436912009-06-16T19:58:00+02:002009-06-16T19:58:00+02:00 (Frank Borzage / Etats-Unis / 1934) ■■■□ Le parcours du jeune couple...
<p style="text-align: justify;">(Frank Borzage / Etats-Unis / 1934)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">■■■□</span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/575282540.jpg" id="media-1820625" alt="etdemain.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Le parcours du jeune couple Hans-Lammchen dans l'Allemagne en crise du début des années 30, leurs difficultés financières, leurs rencontres, le frottement de leur idéalisme au contact d'une société en quête de repères, la fortification de leur amour et le maintien de leur volonté combative...</p> <p style="text-align: justify;">Comme l'a établi la majorité des études sur le cinéaste et comme me le laissaient penser quelques souvenirs lointains (liés aux admirables <i>Lucky star</i>, <i>Liliom</i> ou <i>L'adieu aux armes</i>), <b><i>Et demain ?</i></b> (<i>Little man, what now ?</i>) confirme que Frank Borzage est essentiellement un grand artiste des années 20 et 30. Nous sommes en effet ici loin du factice <a href="http://nightswimming.hautetfort.com/archive/2009/06/11/i-ve-always-loved-you.html"><i>I've always loved you</i></a>. L'histoire est racontée simplement et les effets s'y trouvent ménagés et d'autant plus émouvants. Le tournoiement du manège sur lequel s'est réfugié Lammchen, pleine de remords, ou l'accession à une mansarde sous les étoiles renvoient aux meilleurs moments de l'oeuvre muette. Borzage offre à ses deux amoureux une évolution ascendante, les poussant du rez-de-chaussée d'une officine au dernier étage d'un immeuble bourgeois et jusqu'à un grenier aménagé "<i>près du ciel</i>". Notons bien que cette élévation ne traduit pas une réussite sociale mais plutôt un délestage, une prise de conscience libératrice et, pour le spectateur, une montée émotionnelle.</p> <p style="text-align: justify;">Ce beau scénario, qui tire vers la chronique sensible plutôt que le mélodrame larmoyant, séduit par sa capacité à enchaîner les épisodes révélateurs de l'évolution des rapports à l'intérieur du couple. La pesanteur du contexte se fait sentir par des allusions du dialogue (très bien écrit) et par l'apparition de silhouettes secondaires (petits chefs de magasins, chômeurs errants), mais aussi et surtout par une suite de confrontations entre le couple et des figures supérieures sur le plan social, abusant le plus souvent de leur position. Ce sont les réactions de Hans et de Lammchen qui éclairent sur la position morale de Borzage (qui met moins en garde contre le péril nazi, jamais nommé, qu'il ne professe une même méfiance envers toutes les idéologies). Les caractères sont révélés par les différentes situations et anecdotes, ils ne sont pas pré-programmés. L'épisode du début du film, celui de l'employeur désireux de marier sa fille à Hans (qui cache l'existence de son épouse pour conserver sa place), est à ce titre exemplaire. Il ne semble d'abord tenir que sur le jeu théâtral et quasiment vaudevillesque de la dissimulation des intentions avant de dévoiler sa profonde nécessité dans l'affirmation de la sincérité et de l'inaltérabilité de l'amour partagé par Hans et Lammchen.</p> <p style="text-align: justify;">De la chronique sociale, le récit adopte le rythme en ruptures de tons, s'appuyant sur l'évantail des registres apportés par les différents protagonistes, sur lesquels notre regard peut évoluer au cours de l'histoire : le vieil escroc libidineux devient, sans changer ses habitudes, un attachant protecteur ; Hans, écorché vif, pétri de certitudes difficiles à mettre en pratique, finit par être très attachant par son volontarisme (c'est sur son visage et non sur celui de sa femme que coulent le plus souvent les larmes) ; Lammchen, enceinte, à la maison, s'efface parfois pour mieux affirmer au final sa présence indispensable.</p> <p style="text-align: justify;">Borzage nous touche avec ce portrait d'un couple lié par un amour fou d'autant plus fort qu'il n'est pas donné comme tel mais construit sur la durée. Le jeu de Douglass Montgomery est singulier, à la fois affecté et vif. Margaret Sullavan quant à elle, tournait là son deuxième film, à 25 ans. Elle dégage un charme extraordinaire. L'érotisme discret qui affleure lors de son escapade champêtre avec Hans, la simplicité de sa présence et l'émotion vibrante qui en émane sont à l'image du film.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlJoris Ivens (coffret dvd 1 : 1912-1940)tag:nightswimming.hautetfort.com,2009-03-27:21033982009-03-27T22:15:28+01:002009-03-27T22:15:28+01:00 Le pont ( De brug ) ( Joris Ivens / Pays-Bas / 1928) ■■□□...
<p style="text-align: justify;"><b><i>Le pont</i></b> (<i><span>De <span>brug</span></span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / Pays-Bas / 1928)</span> <span style="font-size: medium;">■■□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i>La pluie</i></b> (<i><span><span>Regen</span></span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / Pays-Bas / 1929)</span> <span style="font-size: medium;">■■□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i>Symphonie industrielle</i></b> (<i><span><span>Philips</span>-Radio</span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / Pays-Bas / 1931)</span> <span style="font-size: medium;">■■□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i><span><span>Komsomol</span> : Le chant des héros</span></i></b> (<i><span><span>Komsomolsk</span></span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / URSS / 1933)</span> <span style="font-size: medium;">■■□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i>Nouvelle terre</i></b> (<i><span><span>Nieuwe</span> <span>gronden</span></span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / Pays-Bas / 1933)</span> <span style="font-size: medium;">■■□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i><span><span>Borinage</span></span></i></b> <span>(<span>Joris</span> <span>Ivens</span> et <span>Henri</span> <span>Stork</span> / <span>Belgique</span> / 1934)</span> <span style="font-size: medium;">■■</span><span style="font-size: medium;">■</span><span style="font-size: medium;">□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i><span>Terre <span>d'Espagne</span></span></i></b> (<i><span><span>The</span> <span>spanish</span> <span>earth</span></span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / <span>Etats</span>-Unis / 1937)</span> <span style="font-size: medium;">■■</span><span style="font-size: medium;">■</span><span style="font-size: medium;">□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i>Les 400 millions</i></b> (<i><span><span>The</span> 400 million</span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / <span>Etats</span>-Unis / 1939)</span> <span style="font-size: medium;">■□</span><span style="font-size: medium;">□</span><span style="font-size: medium;">□</span></p> <p style="text-align: justify;"><b><i>L'électrification et la terre</i></b> (<i><span><span>Power</span> and <span>the</span> land</span></i><span>) (<span>Joris</span> <span>Ivens</span> / <span>Etats</span>-Unis / 1940)</span> <span style="font-size: medium;">■</span><span style="font-size: medium;">□</span><span style="font-size: medium;">□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><span>Pour la plupart des cinéphiles, le nom de <span>Joris</span> <span>Ivens</span> est essentiellement associé à un documentaire mythique tourné en pleine guerre <span>d'Espagne</span> et, éventuellement, à</span> <i>Une histoire de vent</i> (1988), dernier film d'un homme de 90 ans qui allait s'éteindre un an plus tard. Bénéficiant dans les années 60 d'une certaine aura (et de farouches adversaires : "<i><span><span>Joris</span> <span>Ivens</span> qui, n'ayant filmé tout au long de sa carrière que de la pluie, des ponts, de la boue, du maïs et des bennes se trouve être le cinéaste officiel de <span>l'Europe</span> de <span>l'Est</span></span></i><span>", François <span>Truffaut</span>, 1956), l'oeuvre du documentariste est peu diffusée, sans doute à cause de son militantisme que l'on juge d'une autre époque. L'initiative <span>d'Arte</span> de sortir deux coffrets <span>dvd</span> couvrant l'essentiel de la production du cinéaste hollandais est donc à saluer.</span></p> <p style="text-align: justify;"><b>L'avant-garde</b></p> <p style="text-align: justify;"><span><span><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/01/1488980960.jpg" id="media-1663456" alt="Ivens05.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Joris</span> <span>Ivens</span> s'est intéressé très tôt au cinéma. Son premier film, qu'il nomme</span> <b><i>La flèche ardente</i></b> <span>et qui est présenté dans le coffret, il le tourne à 11 ans avec la caméra familiale, dirigeant son entourage, les uns grimés en <span>cow</span>boys, les autres en indiens. Ses véritables débuts, il les effectue au sein d'un groupe d'intellectuels et d'étudiants influencés par <span>Vertov</span>, <span>Eisenstein</span> ou <span>Flaherty</span>. Il profite d'un voyage en France pour tourner un très court-métrage :</span> <b><i><span><span>Etudes</span> des mouvements à Paris</span></i></b>. Jouant avec le montage et le cadrage, il capte la vie urbaine sous l'angle de la circulation incessante et de la vitesse. Les piétons ne l'intéresse guère, il s'attache plutôt aux voitures et à leurs ballets. L'expérience continue avec deux oeuvres plus consistantes, longues d'une quinzaine de minutes, qui le placeront au centre du mouvement d'avant-garde européen de la fin des années 20 : <b><i>Le pont</i></b> et <b><i>La pluie</i></b><span>. Dans le premier, un pont de <span>Rotterdam</span>, ferroviaire et levant, est filmé sous tous les angles possibles. L'attention du cinéaste vire à la fascination pour la mécanique <span>lorsqu'est</span> activé l'impressionnant système permettant la montée et la descente du plateau central nécessaire au passage des bateaux les plus imposants. Déjà cependant, nous remarquons une chose : le gigantisme de la construction laisse toute sa place à l'homme, celui qui l'inspecte ou celui qui met en marche. Le deuxième film est un ouvrage impressionniste orchestrant les prémisses, le déroulement et la fin d'une forte averse sur la ville. Dans un style très vif, nous allons et venons des détails infimes que le grossissement rend abstrait (les gouttes d'eau glissant ou tombant sur les objets) aux plans d'ensembles consacrés aux silhouettes humaines cherchant à se protéger du déluge. Se fait déjà ici le lien entre le formalisme et le réel.</span></p> <p style="text-align: justify;"><b>Le travail</b></p> <p style="text-align: justify;"><span>Tout au long de sa carrière, <span>Joris</span> <span>Ivens</span> aura oscillé entre travaux de commande et projets militants personnels.</span> <b><i>Symphonie industrielle</i></b> <span>est un documentaire retraçant la naissance d'un poste de radio, élément par élément, au sein des usines <span>Philips</span>. Très précis sur les différentes étapes de fabrication, le film est très travaillé, tant au niveau de l'image que du son. Le regard <span>d'Ivens</span> est parfois humoristique, cherchant à faire sourire avec les objets, les rythmes des machines et l'accompagnement musical. Car il s'agit bien de faire danser les bras articulés et les tapis roulants. L'ouvrier, qu'il soit souffleur de verre ou qu'il mette en carton tel produit, est bien sûr partie intégrante du ballet. Le travail à la chaîne n'est certes pas dénoncé, passe plutôt une ode au savoir-faire.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/00/1359154741.jpg" id="media-1663457" alt="Ivens14.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Les liens tissés par <span>Ivens</span> avec certains cinéastes russes comme <span>Poudovkine</span> l'entraîne à cette époque à tourner dans la steppe un film,</span> <b><i><span><span>Komsomol</span></span></i></b><span>, autour de la construction d'un haut fourneau. Dédiée aux travailleurs communistes de l'occident luttant chaque jour en terrain capitaliste, l'oeuvre de propagande est d'une efficacité redoutable par l'expressivité de ses images et la sûreté de son montage. Mais entre les inter-titres didactiques, c'est bien un véritable regard documentaire qui passe. L'architecture est magnifiée mais les corps vivent, les déplacements ne sont pas ordonnés. Dans une bataille <span>productiviste</span> entre deux poseurs de rivets, ce sont avant tout les gestes qui parlent. <span>Ivens</span> filme les hommes au travail simplement. L'image en elle-même n'est pas héroïque, c'est l'enrobage qui la transforme ainsi. Le document donne à voir quelques scènes manifestement rejouées, mais très bien intégrées. Devant ce mélange de fiction et de documentaire, est-il mal placé de penser au cinéma de <span>Jia</span> <span>Zangke</span> (bien que ce dernier s'attache plutôt à la destruction et à l'engloutissement d'un monde qu'à son élévation) ?</span></p> <p style="text-align: justify;"><span>La construction d'un haut fourneau est-elle plus photogénique que celle d'une digue ? La commande que passe le gouvernement néerlandais à <span>Ivens</span> semble en tout cas moins l'intéresser que l'offre russe. Pour</span> <b><i>Nouvelle terre</i></b><span>, il fait donc ce qu'il sait faire, filmer le travail, mais il vagabonde du côté des baraquements d'ouvriers et ne se voit réellement inspiré que lorsqu'il se tourne vers la mer et en tire des images lyriques. Quelques mois après le tournage, <span>Ivens</span> ajoute à son court-métrage un épilogue, montage d'archives sur les effets désastreux de la crise économique mondiale. Vue aujourd'hui, cette version</span> semble déséquilibrée, mais elle annonce clairement la suite.</p> <p style="text-align: justify;"><b>La misère et la guerre</b></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/01/527954923.jpg" id="media-1663460" alt="Ivens21.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Avec <b><i><span><span>Borinage</span></span></i></b><span>, en 1934, <span>Joris</span> <span>Ivens</span> passe de la propagande à l'interventionnisme. Il commence par décrire les rouages de la crise capitaliste mondiale provoquant chômage, famines et révoltes, en reprenant notamment des archives stupéfiantes d'une violente répression policière envers des grévistes du <span>Wisconsin</span>, puis il passe au cas particulier d'une région de <span>Belgique</span> où les mineurs vivent dans d'effroyables conditions. La misère n'a que faire de l'esthétisme (il n'y a pas de musique ni de commentaire) et l'efficacité de la dénonciation demande une approche directe et lisible. <span>Ivens</span> reconstitue donc. Mais ce mensonge n'en est pas un, puisque l'on sent que la caméra aurait très bien pu enregistrer cette réalité, exactement de la même manière, à cette même place, au moment où elle se présentait. La composition des plans n'est toutefois pas oubliée et le montage organise une série d'oppositions qui légitiment la lutte : pylône surplombant une baraque sans électricité, montagnes de charbon inexploitées côtoyant les rebuts de mauvaise qualité laissés aux mineurs, habitants expulsés de maisons pouvant servir ensuite à entreposer les briques destinées à l'édification d'une église... Le temps de l'ode au travail bien fait est passé, voici venu celui des périls et de la colère.</span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/01/1706533003.jpg" id="media-1663462" alt="Ivens23.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Tourné en 1937, <b><i><span>Terre <span>d'Espagne</span></span></i></b> <span>reste la pierre angulaire de la première moitié de carrière de <span>Joris</span> <span>Ivens</span>. L'efficacité du style est à son plus haut point, assemblant remarquablement des éléments disparates au sein d'une narration fluide. Ces images de la guerre <span>d'Espagne</span> ont gardé toute leur force. Rarement aura-t-on ressenti comme ici la violence d'un bombardement : des gens commencent à courir, une bombe explose, des enfants jouent au milieu des débris, une deuxième bombe explose, deux enfants sont morts. Probablement, ce ne sont pas les mêmes que les premiers que l'on a vu. Quant une réalité n'est pas captée telle quelle, faut-il la ré-organiser ? Dans ce genre de séquence, le choc fait que la question ne vient pas vraiment à l'esprit et c'est, paradoxalement, dans des moments moins dramatiques, quand vient la mise en scène du retour au village d'un soldat, qu'elle titille plus intensément le spectateur rompu à la traque de l'artifice. Si le rythme interne des séquences est très travaillé, leur succession donne la preuve de la grande maîtrise du cinéaste dans la construction d'un récit. <span>Ivens</span>, en multipliant les transitions habiles, qu'elles soient visuelles (cartes, trajets) ou sonores (le haut-parleur informant toute la campagne environnante, le bruit de la masse du paysan devenant bombardement), bâtit un édifice narratif qui se trouve être plus thématique que chronologique. Dans cette optique, le commentaire a une importance énorme. Celui écrit et dit sobrement par <span>Ernest</span> <span>Hemingway</span> tantôt fait naître l'image (l'évocation de la mort sous les bombes nous fait passer d'un lieu à un autre), tantôt la décrit. Un bonus du <span>dvd</span> nous permet de voir le film avec le même commentaire dit par <span>Orson</span> <span>Welles</span>, dans une version non distribuée. La comparaison est assez passionnante. Le phrasé de <span>Welles</span> est plus doux, plus fluide et semble <i>fictionnaliser</i> le récit, perdant ainsi la froide urgence <span>d'Hemingway</span>. Le premier nous conte une histoire quand le second nous met face à une réalité. Le texte insiste sur la dimension non-héroïque d'une bataille. L'Espagne éternelle est convoquée en ouverture et en clôture du film. Entre les deux, la guerre est vécue à hauteur d'homme.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/02/1875442101.jpg" id="media-1663463" alt="Ivens27.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" />Si <span>Ivens</span> a trouvé dans</span> <i><span>Terre <span>d'Espagne</span></span></i> l'équilibre parfait entre une vision globale et une conviction personnelle, <b><i>Les 400 millions</i></b><span>, réalisé deux ans plus tard, met en lumière les limites de son cinéma. La situation chinoise de 1939 (le Japon tentait d'envahir son voisin) était, même à l'époque, sans doute moins connue que celle de <span>l'Espagne</span> en 1937. <span>Joris</span> <span>Ivens</span> se fait donc très pédagogique, au travers d'un commentaire signé <span>Dudley</span> <span>Nichols</span> et dit par <span>Frederic</span> <span>March</span>, sur la culture millénaire et sur la paisible population chinoise. Passé un éprouvant prologue montrant des populations civiles sous le choc des attaques aériennes japonaises, nous nous éloignons de la ligne de front pour suivre quelques réunions d'état-major et l'entraînement de nouvelles recrues. Le peuple est vu comme une entité uniforme et <span>Ivens</span> ne peut guère s'approcher du singulier. Son goût pour la reconstitution finit par mettre mal à l'aise lorsqu'il illustre par des images diverses le récit d'un soldat de retour du front : ces plans pris de loin sur des soldats japonais courant affolés sous la mitraille d'héroïques chinois sans qu'aucun ne tombe jamais sous les balles laissent pour le moins sceptique.</span></p> <p style="text-align: justify;"><span>La période se clôt aux <span>Etats</span>-Unis, où le Ministère de l'agriculture demande à <span>Ivens</span> de réaliser un reportage sur les actions en faveur des fermiers ne bénéficiant pas d'approvisionnement en éléctricité.</span> <b><i>L'électrification de la terre</i></b> propose dans sa première partie un portrait digne de paysan américain au rythme des compositions lyriques de la mise en scène. Puis, l'arrivée de la fée électricité coïncide magiquement avec l'acquisition par la famille des produits électroménagers les plus modernes. La propagande prend alors les atours de la publicité.</p> <p style="text-align: justify;"><span>Faisant souvent oeuvre de commande, <span>Joris</span> <span>Ivens</span> n'a donc pas toujours pu se défaire des inévitables entraves qui en découlent, mais son cinéma a ceci d'intéressant : tout en rendant compte de diverses réalités aux quatre coins du monde, il explore incessamment la frontière entre militantisme et propagande et celle entre documentaire et fiction.</span></p> <p style="text-align: justify;">(Chronique DVD pour <i><a href="http://www.arkepix.com/kinok/index.html">Kinok</a></i>)</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLe bonheurtag:nightswimming.hautetfort.com,2009-01-09:19872362009-01-09T18:22:00+01:002009-01-09T18:22:00+01:00 (Alexandre Medvedkine / URSS / 1934) ■■□□ Khmyr est un jeune paysan...
<p style="text-align: justify;">(Alexandre Medvedkine / URSS / 1934)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">■■□□</span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/02/1812002922.jpg" alt="lebonheur.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-1501841" />Khmyr est un jeune paysan survivant misérablement dans la Russie tsariste, aux côtés de sa femme. A la recherche d'un bonheur illusoire, il pense voir enfin la chance lui sourire en tombant par hasard sur un porte-monnaie bien rempli. Mais la belle récolte qu'il peut ensuite produire grâce à ce petit pécule est vite réduite à néant après le passage des oppresseurs de tout type, réclamant taxes et impôts : militaires, fonctionnaires, ecclésiastiques. Construisant alors son propre cercueil, Khmyr se voit même nié le droit de se donner la mort. Des années plus tard, on le voit brisé au point de ne pas pouvoir profiter des bienfaits de la révolution communiste. Pris pour un fainéant alors que sa femme, grande travailleuse, fait les beaux jours d'un kolkhoze où tout n'est que joie et abondance, il ne parvient pas à s'adapter. Les camarades en viennent même à le renvoyer, après lui avoir maintes fois laissé sa chance. Khmyr finira pourtant par prouver sa valeur en déjouant la énième tentative malfaisante d'un vieux profiteur.</p> <p style="text-align: justify;"><i><b>Le bonheur</b></i> (<i>Schastye</i>) est l'un des derniers muets soviétiques. Son sujet édifiant est parfaitement dans la ligne, déroulant la série habituelle d'oppositions entre l'avant et l'après révolution et entre les sales accapareurs et les bons communistes. Il ne pouvait certainement pas en être autrement en 1934, à l'entame d'une des plus dures périodes du stalinisme. En revanche, c'est bien le ton adopté, assez surprenant, qui a permis la redécouverte du film en Occident dans les années 70.</p> <p style="text-align: justify;">Medvedkine nous conte une fable, humoristique et débridée. Il pousse chacune de ses séquences jusqu'au dernier point du délire burlesque. Un cheval se retrouve sur le toit, un curé meurt en se débattant sur le dos, tel un insecte, des voleurs transportent une maison... La narration se relâche, d'un tableau à l'autre (plus encore : entre les deux parties de l'histoire, nous faisons soudain un bond de 33 ans, sans que les personnages ne vieillissent). Si le déroulement est logique, à l'intérieur de chaque scène, tout peut arriver et les surprises sont constantes mais très inégales. On peut tomber sur deux nonnes venant collecter leurs impôts en robes intégralement transparentes ou, plus loin, assister au suicide d'une vieille femme par pendaison... à une aile de moulin en marche.</p> <p style="text-align: justify;">Les personnages sont des pantins, le spectateur est à Guignol. Les méchants portent généralement des postiches (barbes, gros nez). Plus étonnant, entre grotesque et inquiétude : tous les soldats d'un bataillon tsariste ont la même tête, oreilles décolées et bouche grande ouverte. Prendre le parti de l'humour peut permettre de se délester quelque peu d'idéologie, mais le recours à la pantomime interdit d'échapper à l'outrance.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlPension d'artistes & Gabriel over the White Housetag:nightswimming.hautetfort.com,2008-11-05:18802912008-11-05T17:12:00+01:002008-11-05T17:12:00+01:00 (Gregory La Cava / Etats-Unis / 1937 & 1933) ■□□□ / ■□□□...
<p style="text-align: justify;">(Gregory La Cava / Etats-Unis / 1937 & 1933)</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size: medium;">■□□□</span> / <span style="font-size: medium;">■□□□</span></p> <p style="text-align: justify;">De temps à autre fleurissent dans la presse de cinéma des articles visant à replacer l'oeuvre de Gregory La Cava dans les mêmes hautes sphères que celles de ses contemporains Capra ou McCarey. Pour l'instant, la croisade se fait sans moi...</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Premier temps</strong>. Je tombe (il y a de cela fort longtemps) sur une diffusion télé de <em>Gabriel over the White House</em>. Je n'aime pas.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/01/752846349.jpg" alt="pension.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-1375810" />Deuxième temps</strong>. Début 2007, j'ai l'occasion de voir en DVD, <em><strong>Pension d'artistes</strong></em> (<em>Stage door</em>), l'un des plus fameux titres de La Cava. Je vous livre telles quelles les notes griffonnées à l'époque :</p> <p style="text-align: justify;">Tiré d'une pièce, film extrêmement bavard, uniquement basé sur l'effet comique des réparties des pensionnaires (toutes féminines) d'une maison abritant des apprenties comédiennes à la recherche de producteurs. Rien de très emballant dans la mise en scène du groupe (une réplique / une coupe / un plan fixe / une réplique...). Les piques échangées portent surtout sur les origines de chacune, venant de telle ville des USA, blagues qui nous parlent peu. La vision du métier est assez noire mais la simplification des référents culturels (Sarah Bernard, Shakespeare... pour que tout le monde comprenne bien) et des techniques de jeu (Hepburn, touchée par la mort d'une pensionnaire qui convoitait son rôle, ressent soudainement l'émotion qui la rend brillante et émouvante le soir de la première, alors que les répétitions la montraient exagérément mauvaise) rend tout cela bien artificiel. Ginger Rogers n'est pas drôle et j'ai du mal à juger Katharine Hepburn. Bien sûr, c'est l'aristocrate qui réussit...</p> <p style="text-align: justify;"><strong><img src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/1141103696.jpg" alt="gabrielover.jpg" style="border-width: 0; float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" id="media-1375811" />Troisième temps</strong>. Le <em>Cinéma de Minuit</em> rediffuse <strong><em>Gabriel over the White House</em></strong>(c'était dimanche dernier). Je tente à nouveau le coup. Le film est une fable politique. Le premier quart d'heure est assez réussi. Judson Hammond est élu à la Présidence des Etats-Unis. Il prend possession de la Maison Blanche, entouré des ses amis du parti (jamais nommé, sauf inattention de ma part) et de ses conseillers. Les bons mots pleins de cynisme fusent, chacun s'amusant à penser que nul élu n'est obligé de tenir les promesses de sa campagne. Devant la presse, le Président use d'une parfaite langue de bois pour répondre aux questions alarmistes. Peu après, nous le voyons jouer avec son petit neveu dans son bureau, totalement indifférent à l'appel radiophonique poignant lancé par le leader de "l'armée des chômeurs" regroupée dans des camps de fortune, aux portes de Washington. Jusque là, tout va bien.</p> <p style="text-align: justify;">Conduisant lui-même sa voiture, le Président finit dans le fossé. Donné pour mort, il semble recevoir sur son lit de souffrance un signe divin (apporté, selon l'interprétation de sa secrétaire personnelle, par l'ange Gabriel). Notre miraculé se remet alors aux affaires, mais cette fois-ci, de manière réfléchie et en se mettant au service du peuple. Les auteurs poussent alors à l'extrême l'image mythologique du guide de la Nation, la confondant presque avec l'image de Dieu. Hammond passe outre les décisions du Congrès, décrète l'état d'urgence, tend vers un exercice du pouvoir dictatorial (mais, assure-t-il, cette dictature serait "<em>fondée sur la définition jeffersonienne de la démocratie</em>") et finit par imposer par la force aux pays européens et asiatiques le paiement de leurs dettes contractées à la sortie de la guerre de 14. La paix mondiale et la prospérité nationale par les voies du totalitarisme : on en reste coi.</p> <p style="text-align: justify;">La rigidité de la mise en scène s'accordait avec le ton cassant de la première partie. Ensuite, elle ne fait qu'accuser l'assommante dignité du héros. On note de nombreux faux raccords dans des scènes pourtant simples (il faut dire que le film a été apparemment beaucoup censuré à l'époque, ceci expliquant peut-être cela), d'affreuses transparences (la séquence sur le bateau est très laide) et des accélérations criardes (la course effrénée en voiture). Surtout, la narration ne rend jamais compte de l'écoulement du temps. Ainsi, la lutte contre le gangstérisme est condensée en quelques plans, dont une grotesque séquence d'embuscade. Un riche truand symbolise toute la pègre, un syndicaliste le peuple et bien sûr, le Président réglera directement les problèmes avec eux.</p> <p style="text-align: justify;">La transformation spectaculaire, qui peut évoquer une sorte de Jekyll et Hyde, reste inexpliquée, sinon par la main de Dieu. Ne réfléchissez pas. Faîtes confiance. Je vous guide...</p> <p style="text-align: justify;">Je ne comprends pas ce film.</p> <p style="text-align: justify;">A lire, un avis opposé : <a href="http://films.nonutc.fr/?p=223">Avis sur des films</a>.</p> <p style="text-align: justify;">A lire également dans le numéro de <em>Positif</em>du mois de septembre, un intéressant article (de Francis Bordat) replaçant précisément le film dans son contexte.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlTumultestag:nightswimming.hautetfort.com,2008-07-30:17264942008-07-30T21:19:51+02:002008-07-30T21:19:51+02:00 (Robert Siodmak / France - Allemagne / 1932) □□□□ Ralph Schwartz est...
<p align="justify">(Robert Siodmak / France - Allemagne / 1932)</p> <p align="justify"><font size="4">□□□□</font></p> <p align="justify"><img name="media-1164994" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/844245565.jpg" alt="tumultes.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-1164994" />Ralph Schwartz est un bon gars un peu brute, un voyou qui en impose tout en sachant mettre tout le monde dans sa poche par sa gouaille naturelle. Grâce à sa bonne conduite, il sort plus tôt que prévu de taule, où il a passé deux ans comme en colonie de vacances. Il court retrouver sa donzelle Ania. Elle est surprise mais heureuse. Elle pense un peu trop à la bagatelle alors que Ralph doit ouvrir tout son courrier. Elle lui fout du rouge à lèvres sur la joue. Faut pas pousser : Ralph lui en colle une. Quelque chose nous dit qu'elle l'a bien méritée. Les potes qui s'ramènent, ça détend l'atmosphère. Alors qu'on n'attend pas pour mettre au jus Ralph du casse à venir, Ania parle en douce à Gustave, son amant, "photographe d'art" (pour qui elle a posé nue, la garce). Le manège éveille les soupçons de Willy, le jeune garçon (d'une bonne trentaine d'années), que Ralph a été sortir de maison de correction (dette d'honneur). Doit-il tout balancer à son protecteur ? Il ne tient pas longtemps et c'est le drame : Gustave finit éclaté dans la mare. Ralph en colle une autre à Ania, mais cède à nouveau devant ses appâts, avant de s'enfuir pour pas se faire choper par les flics. Mais elle le trahit encore, et doublement même : elle le donne à la police et met le grappin sur Willy. Retour en taule pour Ralph. Il faut qu'il se fasse la malle pour se venger. Le différend se règle à coups de couteau et de poings, entre vrais hommes. Les deux se relèvent tant bien que mal. Ralph laisse volontiers cette grue à Willy, en lui souhaitant bon courage pour les années à venir. Au bon commissaire, il dit qu'il préfère encore la taule à toutes ces saloperies.</p> <p align="justify"><em><strong>Tumultes</strong></em> (<em>Sturme der Leidenschaft</em>pour les Allemands, selon la pratique de l'époque des doubles versions) est un bien mauvais film de Robert Siodmak, cinéaste cosmopolite par la force des choses (le nazisme le poussa à quitter l'Allemagne pour la France, puis l'Amérique) et auteur inégal parfois capable du meilleur (<em>Les hommes le dimanche</em>, <em>Les tueurs</em>, <em>Les SS frappent la nuit</em>). Ce drame criminel accumule tous les défauts possibles des oeuvres du début du parlant : des personnages univoques, des bons mots popus à chaque phrase, du théâtre, une interprétation appuyée, une profonde misogynie. Le cabotinage est la règle. Charles Boyer, dans le rôle de Ralph, est mauvais comme un pou. Florelle (Ania) lui donne la réplique en jetant de temps en temps quelques rapides coups d'oeil à la caméra (?!?). Une scène de hold-up totalement invraisemblable fait penser à celle du <em>Pigeon</em>alors qu'elle se veut sérieuse. Dans cet océan de clichés sur le petit monde des voyous des faubourgs, on pourrait mettre à l'actif de Siodmak quelques beaux travellings, une bagarre nerveuse filmée de manière expressionniste, une brève tentative de caméra subjective (mais annulée par le plan suivant, des plus banals, nous révélant l'identité du personnage dont on a épousé tout à coup la vision), une fulgurance érotique à la Louise Brooks - GW Pabst (quand Ania offre sa gorge, tête renversée, à Ralph), mais tous ces éléments ne raccordent jamais et accusent le statisme du reste. L'ensemble est d'un ennui à peu près total.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlContes des chrysanthèmes tardifstag:nightswimming.hautetfort.com,2008-04-10:15548072008-04-10T16:46:00+02:002008-04-10T16:46:00+02:00 (Kenji Mizoguchi / Japon / 1939) ■■■■ L'ami Neil a écrit la...
<p align="justify">(Kenji Mizoguchi / Japon / 1939)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■■</font></p> <p align="justify">L'ami Neil a écrit la semaine dernière une belle note sur <a href="http://lecinedeneil.over-blog.com/article-18219447.html"><em>Les soeurs de Gion</em></a>. J'en profite pour apporter ma pierre à l'édifice, grâce à ma découverte relativement récente des <em><strong>Contes des chrysanthèmes tardifs</strong></em> (<em>Zangiku monogatari</em>), nouvelle preuve que la grandeur du cinéma de Mizoguchi n'est pas à chercher uniquement dans les oeuvres des années 50.</p> <p align="justify">A Tokyo, à la fin du XIXe siècle, Kikunosuke doit se préparer à succéder à son père, grand acteur de kabuki. Chacun sait qu'il n'est pas assez bon mais tout le monde le flatte hypocritement. Seule Otoku, servante de la famille, ose lui dire la vérité. Une histoire d'amour naît entre les deux, ce qui provoque le renvoi de la jeune femme. Kikunosuke préfère quitter sa famille, vivre avec Otoku et travailler son art, quitte à intégrer des troupes de seconde zone et traverser des périodes difficiles. Un concours de circonstances lui offre la possibilité de faire ses preuves sur une grande scène et d'être accepter à nouveau par sa famille. Mais Otoku reste indésirable. Kikunosuke ne la reverra que trop tard.</p> <div style="text-align: center"><img name="media-948656" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/01/1009112354.jpg" alt="1009112354.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-948656" /></div> <p align="justify" class="corpus"><em>Contes des chrysanthèmes tardifs</em>est bien l'égal des grands films ultimes de Mizoguchi. Sa technique à base de plans-séquences est ici tout aussi envoûtante. L'effet est spectaculaire quand l'action se situe dans les loges du théâtre où tous s'affairent et se croisent. Il est aussi intime et magique quand il accompagne la promenade nocturne des deux futurs amants, le travelling modulant sa vitesse au rythme de leur pas de deux. Ailleurs, des recadrages dévoilant tout à coup un interlocuteur insoupçonné ajoute de la surprise à la fluidité. Devant cet art de la mise en scène, comment pourrait-on s'ennuyer une seule seconde au cours de ces 2h30 ?</p> <p align="justify">L'histoire d'amour entre Otoku et Kikunosuke est parmi les plus émouvantes qu'ait offert Mizoguchi. Le fameux thème du sacrifice de la femme est une fois de plus mis en avant, mais ce renoncement ici se comprend, et doublement : du point de vue de l'énorme différence de classe, qui sera cruellement réaffirmée jusqu'à la fin et du point de vue du métier de Kikunosuke et de la volonté commune aux deux amants de tout faire pour lui permettre d'atteindre son but, celui de devenir un grand artiste de scène.</p> <div style="text-align: center"><img name="media-948658" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/1432228184.jpg" alt="1432228184.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-948658" /></div> <p align="justify" class="corpus">L'intrigue du film, mélodramatique, est limpide et sans grand coup de théâtre sinon celui qui remet le héros sur une grande scène (victoire atténuée par la perte momentanée mais douloureuse d'Otoku). Toutes les séquences de kabuki sont admirables, filmées sur la longueur et rendant compte du spectacle comme rarement. La représentation qui doit décider de l'avenir de l'acteur est la seule qui intègre de courts plans de coupes sur les protagonistes spectateurs, suspendus au jeu de Kikunosuke. Ce procédé, passage obligé qui donne souvent des scènes ratées (l'éclosion trop soudaine d'un grand talent), passe merveilleusement ici car nous avons bien vu le héros bourlinguer pendant des années et il est logique qu'il puisse se révéler enfin à son public à ce moment précis.</p> <p align="justify" class="corpus">Comme celles de la plupart des grands mélos, la fin des <em>Contes des chrysanthèmes tardifs</em> mêle le grandiose et le déchirement. Kikunosuke est fêté par une population en liesse mais le prix à payer pour cet aboutissement est bien trop élevé.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLimitetag:nightswimming.hautetfort.com,2008-04-07:15532082008-04-07T23:16:00+02:002008-04-07T23:16:00+02:00 (Mario Peixoto / Brésil / 1931) ■■■□ Vu comme ça, ça a l'air facile...
<p align="justify">(Mario Peixoto / Brésil / 1931)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■□</font></p> <p align="justify"><img name="media-946930" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/01/381187954.jpg" alt="478731531.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-946930" />Vu comme ça, ça a l'air facile le cinéma. Vous filmez longuement trois beaux jeunes gens dans une barque perdue au milieu d'une mer d'huile, dans un noir et blanc contrasté, sans autre son que la <em>Gymnopédie n°2</em>d'Erik Satie (réorchestrée par Debussy dans une version à tomber) et vous obtenez l'une des plus belles séquences du monde.</p> <p align="justify">Le brésilien Mario Peixoto termine en 1931 <em><strong>Limite</strong></em>, son premier film, alors qu'il est âgé de 21 ans. Il ne réalisera rien d'autre jusqu'à sa mort en 1992. Rarement titre aura été aussi pertinent : limite géographique, limite psychologique, limite de la narration. Trois personnages, donc, se retrouvent en perdition en pleine mer. Entre deux retours dans cette barque, des bribes d'histoires nous sont contées, qui semblent les concerner. On nous parle d'une femme évadée de prison, on en voit une autre bouleversée jusqu'à chercher un vertige suicidaire, puis un homme s'affoler après une visite au cimetière. Entre autres choses... Le "récit" se boucle avec la barque qui coule et une seule survivante accrochée à un bout de bois.</p> <p align="justify"><em>Limite</em>est l'un des exemples les plus fascinants de cinéma non narratif. Peixoto est proche des avant-gardes européennes des années du muet et il expérimente à tout-va. Il compose de multiples plans documentaires comme autant de natures mortes ou filme les arbres et les champs comme des êtres humains. Il s'enivre de plongées et contre-plongées, de travelings latéraux et de mouvements circulaires tel <em>L'homme à la caméra</em>. Ce fétichiste des pieds (des scènes entières sont cadrées au ras du sol) oppose l'immobilisme imposé dans la barque aux déplacements incessants des épisodes intermédiaires. On fait au moins autant de kilomètres en suivant les personnages marcher que dans un film de Gus Van Sant.</p> <p align="justify">J'avoue avoir été, tout le long de ces presque 2 heures, régulièrement perdu (1). L'absence de cartons, à deux exceptions près, n'aide pas à s'y retrouver. L'expérience demande beaucoup d'attention et l'ennui menace parfois. Mais le film offre de telles beautés, qu'il semble devoir rester bien ancré dans la mémoire.</p> <p align="justify">(1) J'ai trouvé sur le site du Ciné-club de Caen, ce <a href="http://www.cineclubdecaen.com/realisat/peixoto/limite.htm">résumé</a> qui éclaircit tout.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLa règle du jeutag:nightswimming.hautetfort.com,2008-03-14:15142542008-03-14T19:32:00+01:002008-03-14T19:32:00+01:00 (Jean Renoir / France / 1939) ■■■■ Révision de classiques renoiriens...
<p align="justify">(Jean Renoir / France / 1939)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■■</font></p> <p align="justify">Révision de classiques renoiriens (3/3).</p> <p align="justify">Bien sûr, <em><strong>La règle du jeu</strong></em>, c'est notre monument national : celui qui, chez les professionnels, distance jour après jour <em>Les enfants du paradis </em>pour le titre de "meilleur film français de tous les temps", celui qui, chez les critiques, après avoir supplanté Charlot et le bon vieux <em>Potemkine</em>, n'a plus comme rival que <em>Citizen Kane</em> au niveau international (attention à la montée de <em>La nuit du chasseur</em>, quand même), celui qui, dans les lycées, a été le première oeuvre cinématographique inscrite au programme du bac. Je vous l'accorde, tout cela sent l'embaumement consensuel, le bon goût officiel. Mais peu importe après tout. Cela n'empêche pas d'y revenir régulièrement dans cette Sologne de 1939, par exemple avec le beau coffret dvd des Editions Montparnasse, sorti il y a de cela 3 ou 4 ans, et dont les multiples bonus démontrent la richesse inépuisable. Surtout, cela n'empêche pas de l'aimer un peu plus à chaque fois. Voici ce que je retiens de ma énième visite :</p> <div style="text-align: center"><img name="media-903421" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/02/1396284894.jpg" alt="1396284894.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-903421" /></div> <p align="justify">L'interprétation : D'une équipe impeccable se détache le duo que forment le Marquis de la Chesnaye et le braconnier Marceau (respectivement Marcel Dalio et Carette), "couple" le plus simple et le plus drôle, par-delà la différence de classe. Les répliques et les attitudes de Carette sont inoubliables, comme cette façon qu'il a de lâcher à la fin d'une longue tirade et dans le même souffle "<em>Tu veux une cigarette ?</em>", à l'attention de Schumacher (Gaston Modot). Dalio, en marquis poudré, intelligent et détaché, nous touche dans son refus de se laisser aller à l'émotion lorsqu'il congédie Marceau ou quand il réalise qu'Octave est lui aussi amoureux de Christine, sa femme.</p> <p align="justify">Les dialogues : Du célèbre "<em>Tout le monde a ses raisons</em>" à l'onctueux "<em>Bonjour Schumacher, tu veux mon lapin ?</em>", le plaisir est continu. Au plus fort de la pagaille, la plus belle trouvaille est bien cet échange entre le Marquis et son intendant : "- <em>Corneille, faîtes cesser cette comédie !</em> - <em>Laquelle Monsieur le Marquis ?</em>".</p> <p align="justify">La technique : Pratiquement pas un seul plan n'est anodin ou passe-partout. La continuité est parfaite entre les lieux. Mais la grande affaire de <em>La règle</em>, c'est la profondeur de champ. Celle qui, associée à la fluidité d'une caméra qui balaye tout le décor, permet de capter tant d'intrigues parallèles en même temps.</p> <p align="justify">Le rythme : La brillante introduction à l'aéroport du Bourget puis dans les appartements parisiens du Marquis est déjà secouée par la brève et extraordinaire séquence de l'accident de voiture de Jurieux et Octave. A partir de là, l'arrivée des convives au Château de la Colinière déclenche ce tourbillon incroyable qui ne cessera qu'au petit matin suivant. Renoir, tout en conservant l'épaisseur humaine de chaque personnage, orchestre un ballet mécanique d'une complexité et d'une rapidité folle. Le point d'orgue esthétique du fameux croisement entre maîtres et serviteurs est le plan séquence qui colle aux basques de Schumacher cherchant Lisette en même temps que Christine, qui, elle, flirte avec Saint-Aubin sous les yeux de Jurieux...</p> <p align="center"><img name="media-903422" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/00/345630478.jpg" alt="345630478.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-903422" /></p> <p align="justify">La morale : La mort rôde. La partie de chasse est montrée sans chichis, en insistant bien sur ces lapins abattus en pleine course (comme plus tard un homme...). Le soir, au plus fort de la fête, la petite représentation théâtrale provoque l'invasion de fantômes dans toute la salle, amorcée par ce plan magnifique qui part du piano mécanique pour cadrer la scène et les spectres. La description de cette société qui court à sa perte est ironique, certes, mais de là à voir dans <em>La règle du jeu</em> une préfiguration des massacres des années noires suivantes ou une volonté de dénoncer violemment un ordre établi, il y a un pas que certains ont toujours fait trop rapidement à mon avis. Il y a trop d'humanité dans le regard de Renoir pour condamner qui que ce soit et se laisser aller à tant de pessimisme.</p> <p align="justify">Photos : Allocine.com</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlTonitag:nightswimming.hautetfort.com,2008-03-10:15055042008-03-10T17:33:00+01:002008-03-10T17:33:00+01:00 (Jean Renoir / France / 1934) ■■■■ Révision de classiques renoiriens...
<p align="justify">(Jean Renoir / France / 1934)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■■</font></p> <p align="justify">Révision de classiques renoiriens (2/3).</p> <p align="justify">Près de Marseille, Toni, immigré italien, vit avec Marie mais est amoureux de Josepha. C'est Albert, le contremaître, qui séduit cette dernière. Les deux couples se marient le même jour. Quelque temps plus tard, Josepha, poussée à bout, tue Albert. Toni endosse alors la responsabilité du meurtre.</p> <div style="text-align: center"><img name="media-893117" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/380317689.jpg" alt="380317689.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-893117" /></div> <p align="justify"><em><strong>Toni</strong></em>, c'est Renoir sur le terrain de Pagnol. Pas de pittoresque, ni de théâtre cependant, dans ce drame du Sud, mais la vie et le cinéma qui transpirent par tous les plans. Encore une fois, la multiplicité des angles et des mouvements transcendent la réalité. Le récit se troue d'ellipses temporelles. Souvent, la situation est posée par le premier dialogue, et ensuite, il n'y a plus qu'à laisser couler, sans artifice de scénario.</p> <p align="justify">La représentation du travail n'est pas au centre du film, mais en est la toile de fond. Illustration parfaite : la plongée du haut de la carrière, qui cadre Fernand et Toni en train de discuter, avec dans la profondeur, tout en bas, les ouvriers au labeur. Le tableau des immigrés est extraordinaire, juste, honnête, montrant contradictions et réticences. Les chansons italiennes qui rythment le récit donnent une belle chaleur. Le réalisme de <em>Toni</em> c'est aussi ces rapports humains directs, ces répliques crédibles dans chaque situation et non dictées par les conventions cinématographiques.</p> <p align="justify">Et des plans sublimes : Marie qui est sauvée de la noyade ou Toni qui courre le long de la voie ferrée...</p> <div style="text-align: center"><img name="media-893120" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/01/1359697193.jpg" alt="1359697193.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-893120" /></div> <p align="justify">Photos : dvdbeaver.com</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLa chiennetag:nightswimming.hautetfort.com,2008-03-08:15038912008-03-08T15:11:00+01:002008-03-08T15:11:00+01:00 (Jean Renoir / France / 1931) ■■■■ Révision de classiques...
<div style="text-align: center"> <div style="text-align: center"></div> </div> <p align="justify">(Jean Renoir / France / 1931)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■■</font></p> <p align="justify">Révision de classiques renoiriens (1/3).</p> <p align="center"><img name="media-891058" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/00/1854140557.jpg" alt="1854140557.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-891058" /></p> <p align="justify">Employé effacé, Maurice Legrand est marié à une veuve de guerre insupportable. Pour sortir de cette grisaille, il s'adonne à la peinture et se lie à Lulu, prostituée brutalisée par son souteneur Dédé. Lulu feint de s'attacher à Legrand afin de profiter de son argent. <em><strong>La chienne</strong></em> est peut-être le film le plus noir de son auteur. A l'opposé des visées humanistes que l'on trouve habituellement chez Renoir, voici un défilé de personnages tous aussi antipathiques les uns que les autres : Dédé est un homme violent, affabulateur et suffisant, Lulu est vénale, la femme de Legrand est une mégère. Le héros lui-même n'échappe pas à la médiocrité ambiante, n'hésitant pas à user du mensonge pour s'en sortir devant la police. Il croit pouvoir s'évader par la peinture d'abord, puis dans l'illusion romanesque d'une aventure amoureuse. La révélation de la duplicité de Lulu est si brutale qu'elle le transforme en assassin. La scène est d'anthologie : Renoir organise un éblouissant va-et-vient entre la chambre à l'étage où se déroule le meurtre et l'attroupement en contrebas autour d'un chanteur de rue.</p> <div style="text-align: center"><img name="media-891060" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/01/1407441213.jpg" alt="1407441213.jpg" style="margin: 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-891060" /></div> <p align="justify">La mise en scène est confondante : longs plans séquences, grande mobilité de la caméra (jusqu'à l'accompagnement d'une valse), tournage en décors réels qui propose une continuité parfaite entre intérieurs et extérieurs et travail sur les sons d'ambiance (2 ans après l'arrivée du sonore). En ces fantastiques années 30, c'est vraiment cette impression de réalisme naissant pourtant d'un travail de composition évident qui rend unique le cinéma de Renoir. Il n'y a qu'à voir, dans <em>La chienne</em>, tous ces plans cadrant l'action au travers de fenêtres ou de portes ouvertes. Très étonnant, l'épilogue suivant Michel Simon (admirable de bout en bout) clochardisé annonce clairement Boudu, jusque dans la volonté d'en finir.</p> <p align="justify">Photos : dvdtoile.com</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLucrèce Borgiatag:nightswimming.hautetfort.com,2008-02-26:14850602008-02-26T17:01:00+01:002008-02-26T17:01:00+01:00 (Abel Gance / France / 1935) ■■□□ Ah, le cinéma d'Abel Gance... Sa...
<p>(Abel Gance / France / 1935)</p> <p><font size="4">■■□□</font></p> <p align="justify"><img name="media-869498" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/70413318.jpg" alt="1156863844.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-869498" />Ah, le cinéma d'Abel Gance... Sa grandiloquence, son premier degré, ses interprètes qui écarquillent les yeux, ses arabesques... Pour exécuter la commande de <em><strong>Lucrèce Borgia</strong></em>, Gance n'a disposé ni des moyens financiers souhaités ni d'un scénario à son goût. Mais on se demande si le manque de conviction du cinéaste et l'absence de l'intensité habituelle ne sauvent pas ce petit film, pas très bon mais pas désagréable pour autant. Tout le sérieux mis dans <em>J'accuse !</em> (1922) ou <em>La dixième symphonie</em> (1918) rend ces oeuvres difficilement supportables aujourd'hui (je ne connais pas ses deux films les plus célèbres : <em>La roue</em> (1922) et <em>Napoléon</em>(1927)). Si <em>Lucrèce Borgia</em> se laisse regarder, c'est notamment pour son aspect fantaisie historique qui s'oppose pourtant à la volonté de Gance de traiter cette intrigue à rebondissements mélodramatiques avec le plus grand respect possible envers la réalité. Nous suivons donc la famille Borgia en train de secouer la vie romaine de ce XVe siècle : le père (et pape) Alexandre VI observe sans trop sourciller César, son fils cadet qui, sous l'influence de Machiavel, fait assassiner son frère aîné et les amants et maris successifs de sa soeur Lucrèce, complote à tous les niveaux, se livre à des orgies et décide de conquérir toute l'Italie. Ainsi les péripéties s'enchaînent, assemblées avec du métier et parfois de l'invention dans le montage (devant ces meurtres qui s'accomplissent pendant que leurs commanditaires président des assemblées ou devant cette montée de la révolte populaire entremêlée à l'aide d'un son de cloche avec les réactions d'inquiétudes des membres de la famille réfugiés dans le palais, il serait un peu gonflé de parler du <em>Parrain</em> de Coppola mais bon...). La composition de certains plans lors des cérémonies autour du pape ou quelques beaux mouvements de caméra retiennent l'attention.</p> <p align="justify">C'est un euphémisme de dire que l'interprétation est appuyée au sein de ces tableaux vivants. Gabriel Gabrio, dans le rôle de César Borgia, nous apparaît d'abord comme une bête ânonnant quelques phrases lors d'une scène de beuverie, pour tenir finalement de temps en temps des discours beaucoup plus construits quand il le faut. De toute manière, nul effort n'est fourni pour tenter d'adapter le parlé des acteurs à l'époque évoquée. De la troupe (dans laquelle on croise brièvement Gaston Modot et Antonin Artaud), c'est bien Edwige Feuillère qui s'en sort le mieux, parvenant même à laisser passer sur la fin une esquisse d'émotion. Bon, arrêtons de tourner autour du pot, l'intérêt principal du film, c'est son érotisme, source, à l'époque, de scandale. Intéressant de voir aujourd'hui cette vision de la nudité au cinéma, franche et simple, qui disparaîtra, comme partout ailleurs, pendant plus de vingt ans. Les audaces d'alors se sont transformées depuis en charmantes images d'orgies où les corsages déchirés dévoilent les poitrines ou en observation coquine d'une sortie de bain où Edwige Feuillère laisse entrevoir toutes ses formes. C'est bien peu mais cela suffit à extirper l'oeuvre de l'oubli.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLa patrouille perduetag:nightswimming.hautetfort.com,2008-02-24:14825532008-02-24T23:15:00+01:002008-02-24T23:15:00+01:00 (John Ford / Etats-Unis / 1934) ■■■□ A vrai dire, j'avais un peu...
<p align="justify">(John Ford / Etats-Unis / 1934)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■□</font></p> <p align="justify"><img name="media-866398" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/02/f51805d7d76e69a569cae431072547d6.jpg" alt="3be2e20996c0d2c8eff8929a02b4c9a3.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-866398" />A vrai dire, j'avais un peu peur de retrouver <em><strong>La patrouille perdue</strong></em> (<em>The lost patrol</em>), l'un de mes plus anciens souvenirs de cinéma et peut-être le premier John Ford que j'ai vu dans ma jeunesse. Mais la crainte fut vite balayée et 66 minutes plus tard (pas une de plus) tout fut dit et bien dit : l'absurdité de la guerre, la contagion de la folie, les liens d'amitié, la nostalgie des plaisirs de la paix. Avec une grande simplicité de mise en scène, Ford relate de manière très concise une série d'événements dramatiques à partir de sa situation de départ. Son groupe d'une demie-douzaine de soldats américains perdu dans un désert africain lors de la première guerre mondiale est assiégé par des tireurs arabes totalement invisibles. Même si ils sont nommés, ces derniers constituent ainsi une menace fantôme, irrationnelle. Ce choix de mise en scène éloigne toute morale douteuse. Les soupçons possibles de racisme sont d'ailleurs repoussés avec la discussion où l'un des soldats évoque la Polynésie et ses femmes magnifiques, dont la couleur "noiraude", comme le dit son camarade, ne le gêne absolument pas. En fait, pour être plus précis, les assaillants sont vus de loin et à la toute fin. Ils sont alors décimés à la mitrailleuse par le sergent, seul survivant du groupe. Ce geste pourrait paraître exagérément héroïque si il n'était singulièrement atténué par l'éclatement de ce rire, signant le paroxysme de la folie ambiante.</p> <p align="justify">Le symbole de cette folie, c'est surtout le personnage de pasteur illuminé interprété par Boris Karloff, qui mourra comme les autres, malgré son avancée hallucinée vers les dunes, portant sa croix tel Jésus. Ford insiste à plusieurs reprises sur l'absence de foi de certains des soldats, les plus sains d'esprit. Le cinéaste n'a pas son pareil pour nous attacher à ses personnages : il laisse passer la truculence de chacun puis la transforme au fur et à mesure, par petites touches, par des discussions menées très simplement, en profondeur humaniste. Mais ici, entre en jeu autre chose : chacun a droit à une scène touchante ou enlevée avant de se faire abattre d'un seul coup. Rarement, au sein de ce cinéma du classicisme hollywoodien, aura-t-on vu le couperet tomber aussi brutalement. Chaque événement porteur d'espoir est aussitôt annulé : les deux éclaireurs sont rendus mutilés par les Arabes deux jours après être partis, l'aviateur qui atterrit est aussitôt fauché par un tir... Dans cette oeuvre sombre et absurde, dénuée de patriotisme, on ne trouvera à peine qu'à redire sur la musique de Max Steiner, inventive mais trop envahissante.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlBaroudtag:nightswimming.hautetfort.com,2008-01-05:13953222008-01-05T17:30:00+01:002008-01-05T17:30:00+01:00 (Rex Ingram et Alice Terry / France - Grande-Bretagne / 1932) □□□□...
<p align="justify">(Rex Ingram et Alice Terry / France - Grande-Bretagne / 1932)</p> <p align="justify"><font size="4">□□□□</font></p> <p align="justify"><img name="media-756870" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/02/3c52e84b975534688eb715372fe3031f.jpg" alt="3f539018d8078d13801326b99cd2ac47.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-756870" />Rex Ingram, bien oublié aujourd'hui, était l'un des plus prestigieux réalisateurs du temps du muet. Balayé par l'arrivée du parlant, il ne signa comme film sonore que ce <em><strong>Baroud</strong></em> (prononcer <em>baroude</em>, "guerre" en arabe), en tandem avec sa femme Alice Terry. Comme cela arrivait souvent à l'époque, cette coproduction fut tournée en deux versions, l'une française, l'autre en anglais, avec pour cette dernière l'interprétation du premier rôle par Ingram lui-même. C'est la version française que Patrick Brion diffusa en 2007 au Cinéma de minuit.</p> <p align="justify">Le Maroc sous protectorat français est le cadre d'un mélodrame se nouant entre Zinah, une princesse arabe, son frère soldat Si Hamed, et l'ami de celui-ci, le sergent André Duval, bientôt amant de la première. A cette trame s'ajoutent les attaques, contre la communauté et les militaires, lancées par le chef de bande Si Amarock. Si les premières séquences laissent espérer, par les nombreuses vues documentaires, un regard pertinent (Ingram était apparemment un grand connaisseur du Maghreb et s'est converti à l'islam plus tard), la suite nous fait vite déchanter. Le jeu des comédiens paraît affreusement daté, la palme revenant sans conteste à Roland Caillaux dans le rôle d'André. Tous parlent très dis-tin-cte-ment et avec beaucoup d'emphase. Les scènes de discussions en studio sont particulièrement mauvaises. Petit à petit, le film prend sa place au sein du cinéma colonial de l'époque. Jamais le peuple marocain n'est filmé à hauteur d'homme. Aucun des personnages d'Arabes n'est interprété par un acteur de cette origine : la sud-américaine Rosita Garcia joue Zinah, Philippe Moretti est Si Allal, Pierre Batcheff est Si Hamed et Andrews Engelmann est un impayable Si Amarock. Personne n'essaie même de prendre le moindre accent local. Des touches humoristiques grossières sont portées par des silhouettes secondaires : autour de Mabrouka, la nourrice du palais, très mal jouée par Arabella Fields, cela devient carrément gênant tellement c'est idiot. Le sauvetage de dernière minute, qui de Griffith a gardé la naïveté en oubliant la tension et la poésie, n'avait pas tellement lieu d'être vu que ces Arabes tombent sous les balles comme des mouches (ou comme des Apaches). La seule chose à sauver de ce monument est le traitement de l'affaire d'honneur qu'est la liaison entre André et Zinah. Le dénouement honnête de cette crise étonne agréablement. Mais combien le dilemme aurait-il été ressenti plus fortement si le rôle de Si Hamed avait été donné à un maghrébin ?</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlDr Jekyll et Mr Hydetag:nightswimming.hautetfort.com,2007-12-22:13772822007-12-22T23:37:00+01:002007-12-22T23:37:00+01:00 (Rouben Mamoulian / Etats-Unis / 1931 & Victor Fleming / Etats-Unis /...
<p align="justify">(Rouben Mamoulian / Etats-Unis / 1931 & Victor Fleming / Etats-Unis / 1941)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■□</font> / <font size="4">■■□□</font></p> <p align="justify">Dans le Londres du XIXe siècle, un jeune médecin, Henry Jekyll, fait sensation avec sa théorie de la séparation de la double identité existant en chaque homme, la bonne et la mauvaise. Attiré par Ivy, une prostituée, et exaspéré par l'attitude de la famille de sa fiancée Muriel, qui repousse inlassablement leur mariage, il décide d'expérimenter sur lui-même l'effet que produit une potion destinée à libérer les pulsions pour quelques heures. Prenant alors une apparence quasi-monstrueuse, celle d'un homme qu'il nomme Mr Hyde, il prend possession de Ivy et la harcèle régulièrement. Le retour de voyage de Muriel semble remettre Jekyll dans le droit chemin, mais sa transformation se réalise tout à coup sans même avoir pris de potion. De plus en plus torturé par sa condition, Jekyll devient meurtrier et est abattu par la police.</p> <p align="justify"><img name="media-734909" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/02/c5c00603d95b7052945f47bf36467e7f.jpg" alt="cea54b8bf3d63bd63ae8d45ef5a2fa83.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-734909" />Le film de Mamoulian, qui n'est pas la première version cinématographique du roman de Stevenson (au moins deux adaptations avaient déjà été faîtes auparavant), date de 1931, soit avant le code Hays, établi en 1930 mais appliqué 4 ans après. L'oeuvre est donc ouvertement érotique. L'aguicheuse Myriam Hopkins, dans le rôle de Ivy, peut s'en donner à coeur joie : quand Jekyll la raccompagne jusqu'à sa chambre après l'avoir sauvée d'une agression dans la rue, elle finit nue sous les draps et laisse tomber sa jambe, qui se balance le long du lit. Ce mouvement de pendule, restant en surimpression sur le plan suivant de promenade, obsède incidemment Jekyll, qui tente de ne rien laisser paraître de son trouble face à son ami le Dr Lanyon. La volonté toujours ré-affirmée du héros d'avancer la date du mariage avec Muriel résonne comme une évidence : il veut coucher avec elle le plus tôt possible. C'est bien l'empêchement de ce désir qui provoque ses transformations et ses retours vers la prostituée. Une date d'union enfin fixée, et Jekyll se retrouve soulagé, pensant pouvoir mieux lutter contre ses démons intérieurs.</p> <p align="justify">L'opposition Jekyll/Hyde, est ici très marquée. Frederic March, interprète du rôle dans cette version, porte un maquillage simiesque. Si le début du film peut paraître verbeux, il ne fait que mieux ressortir la brutalité des propos que tient Hyde plus tard. Sa grande violence, son animalité en deviennent fascinantes. Hyde meure car on l'abat comme un singe trop dangereux. Mamoulian multiplie les trouvailles visuelles et tient à garder la belle esthétique des derniers muets : ombres expressionnistes, plans métaphoriques comme celui de la marmite au feu qui déborde quand Jekyll est à bout. La fameuse séquence d'introduction en caméra subjective donnant la vision du docteur jusque devant son miroir n'est pas gratuite. Elle permet de créer plus tard l'angoisse, quand Mamoulian semble reprendre le procédé, faisant croire à un moment de voyeurisme envers Muriel, depuis le jardin. Il naît peut-être ici cet effet de caméra subjective, synonyme de danger qui rôde, figure artistique reprise tant de fois par le cinéma d'épouvante.</p> <p align="justify"><img name="media-734910" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/9d76ed19173454609b77094358511adb.jpg" alt="85475db2b392a0b3a5723bca585c8d79.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-734910" />Vue à la suite, la version de Victor Fleming en ressort bien affadie. Le film est pourtant plus réputé, essentiellement grâce à la présence au générique de Spencer Tracy et de Ingrid Bergman. La réflexion se veut plus subtile et les transformations physiques plus réalistes et moins spectaculaires. On y perd toutefois beaucoup en force. L'érotisme est réduit au minimum, Bergman/Ivy n'étant plus prostituée mais serveuse de bar. Tracy est plus sobre que March mais moins intéressant, trop sympathique et profondément bon. Ses accès de folie semblent passer pour des accidents et ne pas appartenir à sa personnalité propre. Jamais attiré par le mal, ses motivations sont alors bien floues. Hyde n'est plus un animal mais est proche de ces personnages de maris harcelant leurs femmes jusqu'à la folie dans les mélodrames criminels, très courants à l'époque, de type <em>Gaslight</em> ou <em>Rebecca</em>. Le remake est fidèle à la version précédente, reprenant parfois des plans exacts.</p> <p align="justify">D'autres adaptations suivront bien sûr, dont le fameux détournement (caméra subjective comprise) de Jerry Lewis, <em>Dr Jerry et Mr Love</em>. J'ai un bon souvenir du <em>Mary Reilly</em> de Frears, et je rêve de découvrir un jour l'intriguant <em>Dr Jekyll et Sister Hyde</em> de Roy Ward Baker (1971), fleuron de la compagnie britannique Hammer.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLe chevalier sans armuretag:nightswimming.hautetfort.com,2007-12-19:13731192007-12-19T22:58:00+01:002007-12-19T22:58:00+01:00 (Jacques Feyder / Grande-Bretagne / 1937) ■□□□ En 1913, un...
<p align="justify">(Jacques Feyder / Grande-Bretagne / 1937)</p> <p align="justify"><font size="4">■□□□</font></p> <p align="justify"><img name="media-730103" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/02/02/43a63cc52dcbffa2844d06dadb80c892.jpg" alt="51bb6a449e88a4ffd6c3d3cb93f62ffe.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-730103" />En 1913, un journaliste anglais, correspondant en Russie, est menacé d'expulsion par le régime tsariste, se fait embaucher par l'Intelligence Service afin d'infiltrer les mouvements révolutionnaires, est déporté en Sibérie à la suite d'un attentat dont il n'est pas l'auteur, est libéré par la Révolution de 1917, devient adjoint d'un commissaire du peuple, sauve de la fusillade une comtesse et l'entraîne dans un périple au coeur de la guerre civile. Et là, les péripéties commencent vraiment...</p> <p align="justify">Aussi rocambolesque que soit cette trame, cette première partie du <em><strong>Chevalier sans armure</strong></em> (<em>Knight without armor</em>) s'avère assez remarquable. Feyder croise habilement les trajectoires du journaliste (Robert Donat) et de la comtesse Vladinoff (Marlene Dietrich, quand même), avant qu'ils ne se rencontrent réellement : inconnus dans la foule de l'hippodrome londonien, se frôlant sans se remarquer dans un couloir de wagon ou embarqués dans deux trains aux destinations opposées. Les moyens importants dont a pu profiter le cinéaste français lui permettent de passer sans heurts des scènes extérieures mouvementées aux décors intérieurs travaillés. La mise en scène est fluide et prolonge les expériences du muet dans les éclairages et les travellings.</p> <p align="justify">Le basculement vers la romance ballottée par les événements affaiblit l'ensemble. Surtout, ce qui pouvait passer au départ pour une vision d'ensemble dépassionnée de la guerre civile russe, pointant l'absolutisme du pouvoir tsariste autant que les excès révolutionnaires, se révèle au bout du compte une désagréable entreprise pour renvoyer les deux camps dos à dos. Le choix de montrer une exécution à la mitrailleuse par les Rouges, cinq minutes après celle effectuée par les Blancs, avec exactement le même cadrage, ne laisse pas le moindre doute là dessus. L'observation d'un pays en plein chaos, entre exodes, trains bondés et camps de prisonniers, est loin d'être ridicule, mais le seul personnage lucide est anglais et son amoureuse est si peu russe (comment la croire quand elle dit que "cette forêt c'est chez elle", quand on l'a vue si à l'aise au sein de la haute société britannique). L'impression se fait de plus en plus gênante, redoublée qu'elle est par le détachement affiché par les tourtereaux et par la facilité de leurs multiples évasions. Dietrich trouve le moyen de se baigner dans un lac en plein hiver russe, Donat se tire de toutes les situations sans tirer un coup de feu et l'American Red Cross permet à ce beau monde de sortir de l'enfer. La fin de ce mélo historique est aussi pénible que son début était soigné.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlZoo in Budapesttag:nightswimming.hautetfort.com,2007-09-26:12369602007-09-26T23:52:00+02:002007-09-26T23:52:00+02:00 (Rowland V. Lee / Etats-Unis / 1933) ■■□□ Oeuvre inclassable du...
<p align="justify">(Rowland V. Lee / Etats-Unis / 1933)</p> <p align="justify"><font size="4">■■□□</font></p> <p align="justify"><img name="media-569093" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/01/58d59a57c647f5a91f37789d8ea9e8e4.jpg" alt="83309f4cf7ca27f057fc48fefe4e1b76.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-569093" />Oeuvre inclassable du début du parlant, <em><strong>Zoo in Budapest</strong></em> est signée par R.V. Lee, cinéaste peu connu si ce n'est pour ce film (et un <em>Son of Frankenstein</em> de la même époque). C'est manifestement l'un des films préférés de Patrick Brion qui l'a présenté plusieurs fois au <em>Cinéma de minuit</em>. Plusieurs registres sont parcourus : la comédie, le conte, le merveilleux, la romance, le tout dans une atmosphère est-européenne souvent rencontrée dans le cinéma hollywoodien des années 30 (mais de Budapest, nous ne verrons que les lumières de la ville, l'action se limitant à l'intérieur du zoo, de façon à accentuer la sensation de fantastique).</p> <p align="justify">La première partie, un peu longuette, pose le décor du zoo. Au milieu de la masse des visiteurs et des employés sont dégagés astucieusement plusieurs protagonistes, tout de suite typés (le héros charmeur et rebelle, le directeur compréhensif, le méchant fainéant, la belle orpheline...). Le trait est forcé, tant au niveau de la direction d'acteurs (Gene Raymond dans le rôle principal de Zani roule beaucoup des yeux) que pour les plans sur les animaux, bien intégrés au reste mais qui leur donnent fâcheusement des réactions trop humaines (blagues des singes, rire d'éléphant...). La mise en scène est assez soignée, notamment au niveau de la photo. Cela devient évident avec la fermeture du parc en fin de journée.</p> <p align="justify">La jeune Eve, souhaitant s'échapper de l'orphelinat se laisse enfermer dans le zoo au départ de son groupe, aidée aussitôt par Zani (orphelin lui aussi, protégé du directeur). Une histoire de vol le pousse à se cacher également. La romance peut commencer. Eve est interprétée par la belle Loretta Young et ses grands yeux. Les échanges se font subtils et tendres. Nous apprenons que ce n'est pas la première fois qu'ils se croisent, mais la première qu'ils se parlent directement (Zani commence par simplement poser la main sur le coeur de Eve avant de dire un seul mot). Dans le havre de paix qu'ils ont trouvées pour quelques heures, le duo d'amoureux offre de petits moments de grâce. Une poésie naïve mais très touchante se dégage de ces plans magnifiques où Zani porte Eve dans ses bras pour traverser un lac, entourés de cygnes. Un troisième fugitif les rejoint : un petit garçon a lâché sa désagréable nurse pour pouvoir enfin se promener à dos d'éléphant. La réunion des trois se fait tardivement et ne débouche pas sur des scènes trop convenues. Cette nuit insolite se termine avec la reprise en mains par la police et les gardiens, et surtout sur une étonnante séquence de chaos où des fauves sont libérés de leurs cages par une suite d'incidents. Le jeune garçon menacé est bien sûr sauvé par Zani, ce qui arrangera les choses pour tout le monde. Le film fait ressentir tout de même, à travers ses yeux, quelque chose de la fascination puis de la peur que peuvent inspirer le monde animal (libre mais violent) à un enfant. Si l'aspect poétique de <em>Zoo in Budapest</em> peut séduire les adultes, malgré un ensemble inégal, je pense que le jeune public devrait être assez sensible à cet univers (l'introduction montrant l'amour des animaux des responsables du zoo, ainsi que leur volonté éducatrice, est très proche des nombreux reportages que l'on peut voir à la télévision sur le même thème).</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLaurel et Hardy conscritstag:nightswimming.hautetfort.com,2007-09-10:12117412007-09-10T23:31:00+02:002007-09-10T23:31:00+02:00 (Edward Sutherland / Etats-Unis / 1939) ■■□□ Lors d'un séjour à...
<p align="justify">(Edward Sutherland / Etats-Unis / 1939)</p> <p align="justify"><font size="4">■■□□</font></p> <p align="justify"><img name="media-540764" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/02/e8d2cfa760c09d690b0b5887847d279f.jpg" alt="8fb342b4fab56cde468daef246a10b7e.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-540764" />Lors d'un séjour à Paris, Ollie tombe amoureux d'une jeune femme qui s'avère être déjà mariée. Plutôt que de se suicider, il choisit de s'engager dans la légion avec Stan. Plutôt agréable, <em><strong>Laurel et Hardy conscrits</strong></em> (<em>The flying deuces</em>) souffre d'une mise en scène bien platounette. La partie parisienne n'est ainsi qu'un simple enregistrement de sketches, plus ou moins réussis. Les effets comiques utilisés par Laurel et Hardy sont très proches de ceux des clowns de cirque (spectacle qui m'intéresse personnellement peu). Le duo joue constamment sur un registre enfantin (gesticulations dans le vide, pleurnicheries de Laurel, regards caméra de Hardy) qui lasse parfois. Le monde qui en découle est alors un monde sans conséquences réelles, un monde où même la mort n'est pas grave (étonnante fin, ici, avec la mort de Hardy, qui laisse Laurel repartir seul sur la route, sans émotion notable). Comme la mise en scène ne fait aucun effort pour inscrire les personnages dans le réel, l'effet est encore plus ressenti. Laurel et Hardy, en ce sens, apparaissent comme les comiques les moins réalistes du burlesque. Heureusement, le sens de l'absurde du duo rehausse le tout, comme dans la scène où Hardy tient absolument à se suicider en compagnie de Laurel.</p> <p align="justify">Le départ pour la légion entraîne une aération de l'intrigue et de la mise en images bienvenue. Dans le décor à ciel ouvert de la caserne, nous avons même droit à une pure idée visuelle avec le "champ" de linges étendus que Stan doit parcourir pour faire sécher une chemise et, à côté, la "montagne" qu'il doit gravir pour aller en chercher une autre. L'armée est une valeur sûre pour réussir des scènes comiques (mais déjà en 39, le sujet ne devait pas être perçu comme très neuf). Le dérèglement apporté par le duo, si il n'apporte pas la folie et le retournement complet des valeurs opéré par les Marx Brothers, offre de bons moments. La séquence musicale, parfois barbante, est ici paradoxalement acceptable dans son incongruité même (la petite danse en pleine poursuite, devant les soldats dans la cour). Issue de la grammaire solide du genre burlesque, le détournement d'objet surgit joliment quand Stan, emprisonné avec Ollie, utilise son sommier pour en faire une harpe. La scène se termine avec l'un et l'autre successivement emmêlés dans la trame du sommier. Ces longs corps à corps directs ou par objets interposés sont récurrents chez eux. Représentant la gêne et l'embarras, ils semblent toujours durer un peu trop longtemps ou être trop lents. Ce problème du rythme est flagrant dans d'une des dernières scènes, la tentative d'évasion en avion, rendu incontrôlable par les deux compères, où il est difficile de faire la part entre le laborieux et l'accumulation réjouissante des contretemps. Au-delà de cette séquence, l'uniformité du tempo caractérise tout le film.</p> <p align="justify">Pas d'accélération, pas d'émotion, pas de recherche de composition d'image, juste une situation et des gags. On peut voir le cinéma de Laurel et Hardy comme un comique brut, mis à nu, ne comptant que sur lui-même. Ce serait l'une des raisons du succès continu de leurs films chez le jeune public (Laurel et Hardy étant les seuls de l'âge d'or du burlesque américain a être encore reconnus par les enfants et les ados, Chaplin mis à part). Pour ce qui est des études critiques, il semble qu'elles portent surtout sur la période des courts-métrages, de la fin des années 20 au début des années 30 (le duo s'est formé en 1927), plutôt que sur les longs-métrages connus. Il faudrait voir à la suite plusieurs films pour vraiment fixer son jugement. Surtout pour moi, qui n'en ai vu que quelques uns de manière espacée, avec à chaque fois une impression différente, de la très bonne (<em>Têtes de pioches</em> / <em>Blockheads</em>, 1938) à la très mauvaise (<em>C'est donc ton frère</em> / <em>Our relations</em>, 1937, vraiment trop familial). Surtout, <em>Laurel et Hardy ramoneurs</em> (<em>Dirty work</em>), un court de 1933, m'avait fait découvrir un aspect du duo qui disparaît pratiquement dans les longs cités plus haut (et qui était l'une des caractéristiques principales de leur style) : la destruction méthodique de leur environnement. Pendant les 15 minutes de <em>Dirty work</em> ne se pose pas la question de la construction narrative et du rythme, il ne s'agit que d'un crescendo dévastateur qui mène, par la simple présence des deux ramoneurs, du salon propret à la ruine totale de la maison. Là, vraiment, Laurel et Hardy sont à la hauteur de leur réputation.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLe mouchardtag:nightswimming.hautetfort.com,2007-09-07:12054262007-09-07T12:56:00+02:002007-09-07T12:56:00+02:00 (John Ford / Etats-Unis / 1935) ■■■□ Un Ford reçu très différemment...
<p align="justify">(John Ford / Etats-Unis / 1935)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■□</font></p> <p align="justify"><img name="media-532577" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/01/c845ebc724b98b3e0a049707b556a11c.jpg" alt="a1ab85812456ed1efd59587ef8210ae3.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-532577" />Un Ford reçu très différemment selon les époques : meilleur film du monde dans les années 30 ou plus mauvais film de son auteur dans les années 60. La vérité est comme souvent entre les deux, plutôt vers le haut tout de même.</p> <p align="justify">Ce qui gêne le plus est le dénouement, avec la dernière scène dans l'église qui, en se tournant vers le religieux, fait resurgir le lourd symbolisme des premières minutes. La volonté de soigner chaque image en utilisant les trouvailles visuelles de l'expressionnisme sied moins à John Ford que la simplicité dont il usera plus régulièrement ailleurs (simplicité seulement apparente, les recherches esthétiques voyantes du <em><strong>Mouchard</strong></em> démontrant par ricochet que Ford travaille très précisément ses mise en scènes). La manière de traduire l'obsession de Gypo, qui voit et entend partout sa victime, est appuyée, usant de surimpressions ou de sursauts du personnage lorsqu'il est abordé. Cet excès de sérieux est balayé par la suite. Gypo, croyant avoir détourné les soupçons, se sent libéré et libère le film en même temps. Les moments forts du scénario sont admirablement menés, tels l'assaut du refuge de Frankie et sa mort. Le procès de Gypo est également intense, même si l'on ne peut s'empêcher de penser à <em>M le Maudit</em>, tourné quatre ans avant.</p> <p align="justify">Si <em>Le mouchard</em> ne prend pas une place auprès des plus grands Ford, il reste un beau film, prenant et émouvant, posant fortement les dilemmes de la délation et de l'exécution des traîtres. Et il ferait un bon double programme avec le dernier Ken Loach.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlLe danseur du dessustag:nightswimming.hautetfort.com,2007-08-23:11870182007-08-23T17:05:00+02:002007-08-23T17:05:00+02:00 (Mark Sandrich / Etats-Unis / 1935) ■■■□ Le danseur du dessus (...
<p align="justify">(Mark Sandrich / Etats-Unis / 1935)</p> <p align="justify"><font size="4">■■■□</font></p> <p align="justify"><img name="media-510458" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/00/02/50c68a2691a7574285af276d72c580ba.jpg" alt="2f6c7eb08693746ca8cf204023a41f47.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-510458" /><em><strong>Le danseur du dessus</strong></em> (<em>Top hat</em>) est souvent considéré comme le meilleur film de la série mettant en scène le couple Astaire-Rogers. Vu il y a de cela plusieurs années, <em>L'entreprenant Mr Petrov</em> (<em>Shall we dance</em>, 1937), m'avait paru sympathique, mais je préférais (hérésie ?) <em>Holiday Inn</em> (1942), du même Sandrich, où Ginger Rogers cédait la place à Bing Crosby et où Fred Astaire faisait un mémorable numéro de danse en état d'ivresse. Deux films de la même époque vus récemment et décevants par rapport à ce que j'en attendais, <em>Lune de miel mouvementée</em> de Leo McCarey et <em>Pension d'artistes</em> de La Cava, m'avaient persuadé que j'étais décidément imperméable au charme de Ginger. Heureusement, je la trouve tout à fait supportable dans <em>Top hat</em>.</p> <p align="justify">Autant qu'un musical, le film est une comédie sophistiquée, bien dans la lignée hollywoodienne des années 30, bénéficiant par exemple de la présence de l'impayable Edward Everett Horton, habitué de Capra et Lubitsch. Le fil du scénario est ténu : Dale Tremont (Rogers), séduite par le danseur Jerry Travers (Astaire), s'imagine à tort que ce dernier est le mari de son amie Madge Hardwick. Tout l'intérêt de l'intrigue, bien ficelée, consistera à retarder au maximum la mise à jour du quiproquo. Jeux de cache-cache et situations arbitraires abondent donc (jusqu'à une dernière pirouette trop expéditive). Riche de fines répliques, le film tire parfois vers un humour absurde bienvenu. Les réactions étonnantes de la très compréhensive Mme Hardwick à l'annonce de l'infidélité supposée de son mari font leur effet (et provoquent un éloge involontaire du ménage à trois peu commun dans ce cinéma hollywoodien corseté) . Encore plus savoureuse, la déclaration, dans un élan mélodramatique tombant complètement à plat, de Beddini, prétendant insupportable de Dale, annonçant à celle-ci qu'il tuera son rival. Dale ne prête aucune attention à ses propos.</p> <p align="justify">Les moments musicaux, si ils ne débordent pas d'inventivité dans la mise en image de Sandrich (qui soigne par contre les transitions entre les scènes par de nombreux raccords visuels ou sonores), permettent de se régaler de l'art de Fred Astaire. Le statisme du cadre est atténué par l'intégration parfaite des numéros dans l'histoire. La dimension du rêve, composante essentielle des meilleures séquences de musical, est bien là : quand Jerry réveille puis berce sa voisine du dessous avec son numéro de claquettes (jusqu'à endormir tout le monde, lui y compris) ou quand lors du fameux et toujours charmant <em>Cheek to cheek</em> ("<em>Heaven, I'm in Heaven</em>..."), le couple danse et est isolé par la caméra dans la grande salle de bal qui semble soudain désertée.</p> <p align="justify">Pour un avis moins positif, voir ma femme.</p>
Edouard S.http://nightswimming.hautetfort.com/about.htmlTarzan, l'homme-singetag:nightswimming.hautetfort.com,2007-08-08:11707522007-08-08T22:35:00+02:002007-08-08T22:35:00+02:00 (W.S. Van Dyke / Etats-Unis / 1932) ■■□□ Revoir ce Tarzan ,...
<p align="justify">(W.S. Van Dyke / Etats-Unis / 1932)</p> <p align="justify"><font size="4">■■□□</font></p> <p align="justify"><img name="media-490737" src="http://nightswimming.hautetfort.com/media/01/00/fb6a55537fc2522c16cc327c5c755e77.jpg" alt="732a845f1349c174cc82a1ef3c70767b.jpg" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0px; border-width: 0px" id="media-490737" />Revoir ce <em><strong>Tarzan</strong></em>, des années après, c'est replonger dans le cinéma hollywoodien des débuts du parlant. A cet égard, le film est passionnant en tant que symbole de cet art-là : simple, populaire, très "premier degré". Au-delà du jugement, une certaine nostalgie affleure : celle que l'on éprouve en se disant que l'on appartient sans doute à la dernière génération qui aura grandit aussi avec ces films-là. La télévision rejetant dorénavant toute diffusion de film ancien, nul doute que pour le jeune public actuel, Tarzan n'a plus les traits de Johnny Weissmuller ni Robin des Bois ceux d'Errol Flynn.</p> <p align="justify">Techniquement, le début est très gênant. Transparences et raccords sont grossiers, telle la promenade de Jane et son père devant des tribus africaines. Cet abus d'écrans pour des scènes manifestement tournées en studio, si déroutant, autant broder dessus : cela matérialiserait donc le refus par les occidentaux du contact avec l'autre. Petit à petit, ils prendront conscience et intégreront le même plan que les animaux et les indigènes. Tarzan, lui, se bat avec de vrais fauves, dans le même cadre, et non à distance de fusil, aidé par les coupures du montage, à la façon des explorateurs repoussant l'attaque de leurs radeaux par les hippopotames.</p> <p align="justify">Signe de l'époque, le racisme sous-jacent apparaît ça et là. Les Noirs sont traités comme des Indiens de western. La charge finale des éléphants sur le village des méchants pygmées, c'est la cavalerie qui arrive. Un dialogue énorme lorsqu'un porteur noir chute dans le vide entre deux explorateurs :</p> <p align="justify">- Que contenait la malle ?</p> <p align="justify">- Des médicaments !</p> <p align="justify">- Pauvre diable...</p> <p align="justify">- On ne peut plus rien pour lui.</p> <p align="justify">Mais il reste, en plus du charme du primitivisme et de l'iconographie, la belle séquence centrale de l'enlèvement de Jane. L'impossibilité de l'échange par la parole et la fascination pour le sauvage sont remarquablement rendus. Ces moments de sensualité cristallisent ce fantasme d'une femme pour un corps fort et non civilisé. Pas d'extrapolation ici, revoyez le film : Jane s'offre et veut clairement se faire un homme-singe.</p>